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Attaques jihadistes : "La résurgence d’une pulsion de mort", estime le cinéaste Nicolas Boukhrief

jeudi 14 janvier 2016

Les événements tragiques que nous vivons sont la résurgence d’une pulsion de mort que le monde a déjà connue", explique à l’AFP Nicolas Boukhrief dont le film "Made in France" raconte l’infiltration par un journaliste, de culture musulmane, d’une cellule jihadiste en banlieue parisienne.

Initialement prévue en 2014, la sortie de ce polar étonnamment prémonitoire, avait été reprogrammée au 18 novembre dernier, avant d’être à nouveau repoussée après les attentats survenus six jours plus tôt à Paris. Il ne sortira finalement pas en salles mais en vidéo à la demande (VOD) le 29 janvier.

QUESTION : La sortie de votre film a été repoussée à deux reprises l’an passé en raison de la coïncidence du sujet avec les événements. Comment avez-vous réagi ?

REPONSE : En janvier, j’étais en fin de montage et je me suis d’abord senti citoyen, traumatisé. Malheureusement, je n’ai pas été surpris parce que toutes les personnes que j’avais interrogées pour faire le film, notamment dans la police, me disaient que cela arriverait. J’ai fait ce film parce que je sentais qu’il y avait urgence à traiter ce sujet. Après les attentats de novembre, notre premier réflexe a été de ne pas le sortir. Il n’y avait pas de place pour la fiction face à une réalité aussi terrible.

(Distributeur initial, le groupe M6 avait décidé de se retirer après les attaques de janvier avant que la société Pretty Pictures ne prenne le relais, ndlr).

Q : La sortie du film uniquement en VOD vous satisfait-elle ?

R : Il est vrai que le contexte et le thème peuvent donner à penser le film pose problème et que c’est pour cela qu’il ne sort qu’en VOD. Mais il y a de toute façon un problème pour la distribution en France pour certains films qui sont condamnés en ne sortir que dans dix ou quinze salles, ce qui était le cas du mien. Je souhaite que le film soit vu par le plus grand nombre et je trouve plus intéressant de le proposer, en même temps, sur toutes les plateformes VOD.

Q : Les jeunes islamistes que vous présentez apparaissent comme une bande de pieds nickelés. Cela correspond-il, selon vous, à une réalité ?

R : Ce sont des guerriers amateurs. Je n’adhère pas à la vision proposée par le cinéma américain du barbu fanatique qui se radicalise dans des camps en Syrie. Je ferais plutôt le parallèle avec le terrorisme d’extrême gauche des années 1970 et les membres d’Action directe qui n’étaient pas des combattants surentraînés. Lorsque le terrorisme prend, comme c’est le cas aujourd’hui, des formes aussi rapides, avec de petits groupes ou des individus isolés qui passent à l’acte, on est rarement face à des gens surentraînés.

Q : Vous faîtes aussi le parallèle avec l’Allemagne des années trente et la montée du nazisme.

R : J’aurais aussi pu faire un film sur les jeunes hitlériens qui ont participé à la Nuit de cristal. Qu’est-ce qui fait qu’un jeune allemand de 20 ans, dans les années trente, décide de passer à tabac d’autres allemands. Je pense, en effet, qu’il y a un parallèle à faire. Dans la phrase de Brecht, si souvent entendue, "le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde" il est intéressant de considérer que le ventre n’est pas celui du nazisme mais plutôt celui de la pulsion de mort virale qui a fait des millions de victimes. Je pense que ce qui se passe aujourd’hui est une résurgence de cette pulsion de mort.

Q : Le sujet du film peut faire oublier qu’il s’agit aussi d’un polar ?

R : Je crois aux vertus pédagogiques du film de genre et je pense aussi que la tension que génère chez le spectateur un bon thriller est utile pour faire passer un message. Je suis un admirateur de Samuel Fuller et des polars américains des années 1970. "French Connection" (de William Friedkin - 1971) est un excellent polar tout en étant un documentaire sur la situation de New York à cette époque et les méthodes de la police.


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