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Donald Trump impose une justice à son image

jeudi 4 janvier 2018

L’audition d’un aspirant juge par la commission des affaires juridiques du Sénat n’est pas d’ordinaire la garantie d’un succès sur les réseaux sociaux. Matthew Petersen a pourtant accédé à une inconfortable notoriété après avoir été publiquement éviscéré, le 13 décembre 2017, par le scalpel du sénateur républicain John Neely Kennedy (Louisiane).
La vidéo de l’épreuve, mise en ligne par l’élu démocrate Sheldon Whitehouse (Rhode Island), a rapidement été vue plus d’un million de fois. Contraint d’avouer une ignorance assez crasse des procédures judiciaires, ce membre de la commission électorale fédérale, proche du conseiller juridique de la Maison Blanche Don McGahn, avait été choisi par le président Donald Trump pour un poste de juge fédéral à la cour de district de la capitale fédérale. Il y a renoncé deux jours plus tard.
Ce retrait embarrassant n’est cependant pas de nature à modifier les projets ambitieux de la nouvelle administration. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, le président républicain a pu procéder en effet à un nombre record de ­nominations à des postes-clés de l’appareil judiciaire des Etats-Unis, en privilégiant notamment les cours d’appel, plus stratégiques que les postes de juge de district.
Critiqué pour laisser béants des pans entiers de son administration, M. Trump semble concentrer tous ses efforts dans le domaine judiciaire. Il a déjà surpassé tous ses prédécesseurs, qu’il s’agisse de Barack Obama, George W. Bush ou Bill Clinton. En onze mois, le Sénat a confirmé pour sa part douze juges de cour d’appel, un autre record.
En août 2017, réagissant en marge d’un dîner du Parti républicain du Kentucky aux critiques que Donald Trump faisait alors pleuvoir sur le chef de la majorité conservatrice du Sénat, Mitch McConnell, un membre du Grand Old Party (GOP) nous avait rappelé la contribution jugée décisive de ce dernier à la victoire du magnat de l’immobilier. En gelant contre tous les usages, en 2016, la nomination du candidat choisi par Barack Obama pour le poste à la Cour suprême des Etats-Unis, devenu vacant après le décès du très conservateur Antonin Scalia, M. McConnell avait en effet donné une raison à l’électorat républicain de se mobiliser massivement derrière un outsider très controversé pour préserver la majorité conservatrice de la plus haute instance juridique américaine.
La nomination puis la confirmation du juge Neil Gorsuch, obtenue après modification des règles du Sénat (où le GOP ne disposait pas des soixante voix alors nécessaires pour conduire la procédure à son terme), est constamment citée par Donald Trump comme la preuve de son efficacité. Moins médiatisée, la vague de nominations en cours pourrait modifier en profondeur les équilibres au sein des cours de district, et surtout des cours d’appel, où les juges nommés par des présidents démocrates restent les plus nombreux, selon le Federal Judicial Center. Les rebuffades à répétition essuyées par la Maison Blanche sur les différentes versions du décret anti-immigration défendu par le président témoignent de l’importance de l’enjeu. D’autant que ces juges fédéraux sont nommés à vie.
La bataille de Mitch McConnell
La partie a été facilitée, là aussi, par l’opiniâtre Mitch McConnell. Lorsque les démocrates contrôlaient le Sénat, celui qui était alors à la tête de la minorité républicaine avait joué la montre pour contrarier les nominations de ­Barack Obama. La moitié des filibusters (pratique d’obstruction parlementaire) de l’histoire de la Haute ­Assemblée visant des nominations ont été décidées sous son autorité pendant les six premières années du président démocrate. Une fois devenu le maître de l’ordre du jour de la Haute Assemblée, en 2014, M. McConnell a poursuivi son travail de sape en ne validant, pendant deux ans, que 22 nominations.
A titre de comparaison, le Sénat contrôlé par les démocrates avait confirmé trois fois plus de juges (68) nommés par George W. Bush pendant ses deux dernières années à la Maison Blanche, de 2006 à 2008. M. Obama est alors devenu le président en fin de mandat le plus maltraité par la Haute Assemblée, depuis Harry Truman, pour ce qui relève des nominations de juges fédéraux.
La détermination de M. Mc­Connell a produit un nombre de sièges vacants inédit dans l’histoire récente des Etats-Unis. Au moment de l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, il s’élevait à 107 sur un total de 890 juges fédéraux, dont une écrasante majorité de juges de district. Lorsque Barack Obama avait accédé au bureau Ovale, en 2009, le nombre de sièges vacants était deux fois moins élevé (54). L’âge moyen des juges de cour d’appel, qui n’a jamais été aussi élevé (66 ans selon le Federal Judicial Center), ouvre également des perspectives au président républicain.
Les démocrates ont également préparé involontairement le terrain à la vague de nominations en cours. En novembre 2013, exaspéré par les blocages entretenus par les sénateurs républicains, le chef de la majorité démocrate, Harry Reid, avait décidé que la majorité simple suffirait pour les nominations de juges, supprimant le seuil de soixante voix qui obligeait par le passé les deux camps à s’entendre sur des noms consensuels. Cette majorité simple suffit aujourd’hui au GOP pour valider ses candidats.
Pour parvenir à un maximum de nominations avant les élections de mi-mandat, en novembre, même si leur étroite majorité d’une voix n’apparaît pas, pour l’heure, menacée, les républicains s’en remettent à la Federalist ­Society, une institution de juristes conservateurs. Cette dernière avait déjà mis la main sur le processus de sélection qui a conduit à la nomination de Neil Gorsuch à la Cour suprême.
La commission sénatoriale des affaires judiciaires procède de même à des auditions groupées de candidats, laissant peu de temps aux sénateurs pour tester leurs aptitudes. Dans cet univers particulièrement codifié, les républicains commencent également à s’affranchir de la règle qui veut qu’une nomination recueille au préalable l’assentiment des élus de l’Etat concerné. Le GOP en avait pourtant usé pour bloquer, auparavant, les nominations démocrates.
Retrait piteux
Donald Trump, de son côté, a refusé, comme George Bush avant lui, de soumettre ses candidats à un audit de l’American Bar Association (ABA), la plus importante organisation d’avocats du pays, fondée en 1878, mais jugée partisane par les républicains du fait notamment de sa défense du droit à l’avortement et de son hostilité à la peine de mort. L’ABA a pourtant jugé « qualifié » ou « très qualifié » l’écrasante majorité des candidats retenus par le président.
Cet empressement explique les ratés symbolisés par le retrait piteux de Matthew Petersen. Il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir été contraint à renoncer. Deux au­tres candidats choisis par Donald Trump ont fait de même en décembre 2017. L’un pour avoir notamment passé sous silence son mariage avec une haute res­ponsable de la Maison Blanche et des centaines de notes de blog controversées publiées sous pseudonyme. L’autre pour avoir associé l’homosexualité à la polygamie et à la zoophilie.
La majorité des candidats retenus ont cependant obtenu l’aval du Sénat, ce qui a fait dire à l’expert de la Brookings Institution Russell Wheeler, cité par la radio publique NPR, que les sénateurs républicains sont prêts à confirmer dans des fonctions de juges fédéraux « toute personne dont la température corporelle est de 37 degrés ».
L’audition d’un aspirant juge par la commission des affaires juridiques du Sénat n’est pas d’ordinaire la garantie d’un succès sur les réseaux sociaux. Matthew Petersen a pourtant accédé à une inconfortable notoriété après avoir été publiquement éviscéré, le 13 décembre 2017, par le scalpel du sénateur républicain John Neely Kennedy (Louisiane).
La vidéo de l’épreuve, mise en ligne par l’élu démocrate Sheldon Whitehouse (Rhode Island), a rapidement été vue plus d’un million de fois. Contraint d’avouer une ignorance assez crasse des procédures judiciaires, ce membre de la commission électorale fédérale, proche du conseiller juridique de la Maison Blanche Don McGahn, avait été choisi par le président Donald Trump pour un poste de juge fédéral à la cour de district de la capitale fédérale. Il y a renoncé deux jours plus tard.
Ce retrait embarrassant n’est cependant pas de nature à modifier les projets ambitieux de la nouvelle administration. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, le président républicain a pu procéder en effet à un nombre record de ­nominations à des postes-clés de l’appareil judiciaire des Etats-Unis, en privilégiant notamment les cours d’appel, plus stratégiques que les postes de juge de district.
Critiqué pour laisser béants des pans entiers de son administration, M. Trump semble concentrer tous ses efforts dans le domaine judiciaire. Il a déjà surpassé tous ses prédécesseurs, qu’il s’agisse de Barack Obama, George W. Bush ou Bill Clinton. En onze mois, le Sénat a confirmé pour sa part douze juges de cour d’appel, un autre record.
En août 2017, réagissant en marge d’un dîner du Parti républicain du Kentucky aux critiques que Donald Trump faisait alors pleuvoir sur le chef de la majorité conservatrice du Sénat, Mitch McConnell, un membre du Grand Old Party (GOP) nous avait rappelé la contribution jugée décisive de ce dernier à la victoire du magnat de l’immobilier. En gelant contre tous les usages, en 2016, la nomination du candidat choisi par Barack Obama pour le poste à la Cour suprême des Etats-Unis, devenu vacant après le décès du très conservateur Antonin Scalia, M. McConnell avait en effet donné une raison à l’électorat républicain de se mobiliser massivement derrière un outsider très controversé pour préserver la majorité conservatrice de la plus haute instance juridique américaine.
La nomination puis la confirmation du juge Neil Gorsuch, obtenue après modification des règles du Sénat (où le GOP ne disposait pas des soixante voix alors nécessaires pour conduire la procédure à son terme), est constamment citée par Donald Trump comme la preuve de son efficacité. Moins médiatisée, la vague de nominations en cours pourrait modifier en profondeur les équilibres au sein des cours de district, et surtout des cours d’appel, où les juges nommés par des présidents démocrates restent les plus nombreux, selon le Federal Judicial Center. Les rebuffades à répétition essuyées par la Maison Blanche sur les différentes versions du décret anti-immigration défendu par le président témoignent de l’importance de l’enjeu. D’autant que ces juges fédéraux sont nommés à vie.
La bataille de Mitch McConnell
La partie a été facilitée, là aussi, par l’opiniâtre Mitch McConnell. Lorsque les démocrates contrôlaient le Sénat, celui qui était alors à la tête de la minorité républicaine avait joué la montre pour contrarier les nominations de ­Barack Obama. La moitié des filibusters (pratique d’obstruction parlementaire) de l’histoire de la Haute ­Assemblée visant des nominations ont été décidées sous son autorité pendant les six premières années du président démocrate. Une fois devenu le maître de l’ordre du jour de la Haute Assemblée, en 2014, M. McConnell a poursuivi son travail de sape en ne validant, pendant deux ans, que 22 nominations.
A titre de comparaison, le Sénat contrôlé par les démocrates avait confirmé trois fois plus de juges (68) nommés par George W. Bush pendant ses deux dernières années à la Maison Blanche, de 2006 à 2008. M. Obama est alors devenu le président en fin de mandat le plus maltraité par la Haute Assemblée, depuis Harry Truman, pour ce qui relève des nominations de juges fédéraux.
La détermination de M. Mc­Connell a produit un nombre de sièges vacants inédit dans l’histoire récente des Etats-Unis. Au moment de l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, il s’élevait à 107 sur un total de 890 juges fédéraux, dont une écrasante majorité de juges de district. Lorsque Barack Obama avait accédé au bureau Ovale, en 2009, le nombre de sièges vacants était deux fois moins élevé (54). L’âge moyen des juges de cour d’appel, qui n’a jamais été aussi élevé (66 ans selon le Federal Judicial Center), ouvre également des perspectives au président républicain.
Les démocrates ont également préparé involontairement le terrain à la vague de nominations en cours. En novembre 2013, exaspéré par les blocages entretenus par les sénateurs républicains, le chef de la majorité démocrate, Harry Reid, avait décidé que la majorité simple suffirait pour les nominations de juges, supprimant le seuil de soixante voix qui obligeait par le passé les deux camps à s’entendre sur des noms consensuels. Cette majorité simple suffit aujourd’hui au GOP pour valider ses candidats.
Pour parvenir à un maximum de nominations avant les élections de mi-mandat, en novembre, même si leur étroite majorité d’une voix n’apparaît pas, pour l’heure, menacée, les républicains s’en remettent à la Federalist ­Society, une institution de juristes conservateurs. Cette dernière avait déjà mis la main sur le processus de sélection qui a conduit à la nomination de Neil Gorsuch à la Cour suprême.
La commission sénatoriale des affaires judiciaires procède de même à des auditions groupées de candidats, laissant peu de temps aux sénateurs pour tester leurs aptitudes. Dans cet univers particulièrement codifié, les républicains commencent également à s’affranchir de la règle qui veut qu’une nomination recueille au préalable l’assentiment des élus de l’Etat concerné. Le GOP en avait pourtant usé pour bloquer, auparavant, les nominations démocrates.
Retrait piteux
Donald Trump, de son côté, a refusé, comme George Bush avant lui, de soumettre ses candidats à un audit de l’American Bar Association (ABA), la plus importante organisation d’avocats du pays, fondée en 1878, mais jugée partisane par les républicains du fait notamment de sa défense du droit à l’avortement et de son hostilité à la peine de mort. L’ABA a pourtant jugé « qualifié » ou « très qualifié » l’écrasante majorité des candidats retenus par le président.
Cet empressement explique les ratés symbolisés par le retrait piteux de Matthew Petersen. Il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir été contraint à renoncer. Deux au­tres candidats choisis par Donald Trump ont fait de même en décembre 2017. L’un pour avoir notamment passé sous silence son mariage avec une haute res­ponsable de la Maison Blanche et des centaines de notes de blog controversées publiées sous pseudonyme. L’autre pour avoir associé l’homosexualité à la polygamie et à la zoophilie.
La majorité des candidats retenus ont cependant obtenu l’aval du Sénat, ce qui a fait dire à l’expert de la Brookings Institution Russell Wheeler, cité par la radio publique NPR, que les sénateurs républicains sont prêts à confirmer dans des fonctions de juges fédéraux « toute personne dont la température corporelle est de 37 degrés ».


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