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Walmart augmente le salaire d’un demi-million d’employés

jeudi 19 février 2015

Walmart a pris, jeudi 19 février, une initiative spectaculaire en annonçant l’augmentation des salaires de 500 000 employés. Le leader mondial de la distribution, qui est aussi le premier employeur privé américain avec 1,3 million de salariés, s’est engagé à porter le salaire horaire minimum à 9 dollars (7,9 euros) à partir d’avril contre 7,5 dollars jusqu’à présent, avant de passer à 10 dollars en février 2016, soit une augmentation globale de 34 %.

« Nous essayons toujours de faire pour le mieux et de renforcer notre activité. Souvent nous y parvenons, mais parfois nous échouons. Lorsque c’est le cas nous rectifions le tir », plaide Doug McMillon, le PDG de Walmart, dans une lettre envoyée aux employés, en guise de mea culpa sur la politique de rémunération menée jusqu’à présent par l’entreprise.

Image sociale désastreuse

Il y a un peu plus d’un an, lorsqu’il a été nommé, le patron a impulsé une nouvelle dynamique, alors que les résultats du groupe étaient en berne. Il a accéléré les investissements dans l’e-commerce, amélioré les rayons frais, modernisé la logistique pour réduire les ruptures de stock, tout en misant sur un nouveau format de magasin de proximité.

Mais le PDG a pris conscience que ces efforts ne porteraient leurs fruits que si Walmart parvenait à améliorer son image sociale désastreuse. L’enseigne est régulièrement la cible des syndicats, qui se plaignent des conditions de travail et de la faiblesse des salaires.

La comparaison avec Costco, l’un de ses principaux concurrents, est parlante. Les salariés y sont payés 70 % de plus que chez Walmart, 82 % bénéficient d’avantages (mutuelle santé), contre seulement 50 % chez le leader. Résultat : alors que le turn-over n’est que de 17 % chez Costco, il dépasse les 40 % chez Walmart.

La méthode fordiste

Jusqu’à présent, le distributeur se rangeait derrière les arguments de la National Retail Federation, qui s’oppose aux appels du gouvernement Obama pour augmenter le salaire minimum, prétextant des conséquences désastreuses sur l’emploi. Mais, le contexte évolue. Ikea vient de relever de 17 % le salaire horaire minimum à 10,76 dollars, tandis que Gap va passer à 10 dollars cette année. Dans un pays où le taux de chômage est passé en cinq ans de 9,8 % à 5,7 %, Walmart ne pouvait plus se permettre de rester spectateur sous peine d’avoir de plus en plus de difficultés à recruter.

Le calcul est aussi macroéconomique. Il y a un siècle, Henry Ford avait compris que ses salariés pouvaient devenir ses clients à condition d’être correctement payés. Walmart, dont la cible de consommateurs se situe majoritairement parmi les bas salaires, fait certainement le calcul que ce qui est lâché en rémunération, va se retrouver tôt ou tard dans le chiffre d’affaires. Même si l’on reste loin des 15 dollars de l’heure que réclament les syndicats, le groupe a annoncé que la mesure lui coûterait 1 milliard de dollars. Ce qui a entraîné une chute de 3,2 % de l’action jeudi, malgré l’annonce d’un bénéfice trimestriel en hausse de 12 %.

« Maigre »

L’effort consenti par Walmart doit cependant être relativisé. Comme le fait remarquer Craig Elwell macro-économiste au Congressional Research Service (CRS), « Le pic du salaire minimum fédéral en termes réels [en tenant compte de l’inflation] a été atteint en 1968. Pour égaler le pouvoir d’achat de cette époque, le salaire minimum actuel, qui est de 7,25 dollars, devrait augmenter de 3,44 dollars, soit une hausse de 47 % ». Pour Christine Owens, directrice du National Employment Law Project, une association de défense des salariés, les 10 dollars obtenus sont une « maigre » récompense « comparé aux 16 milliards de profits que le groupe réalise chaque année ».

En tout cas, cette annonce intervient alors que l’actuelle faiblesse de la hausse des salaires aux États-Unis, malgré la chute spectaculaire du chômage, inquiète les économistes. Sans une accélération, la consommation, principal moteur de l’économie, pourrait finir par s’enrayer.

Stéphane Lauer (New York, correspondant)
Correspondant à New York


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