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Bruxelles pourrait retoquer le budget 2015 de la France

vendredi 3 octobre 2014

La Commission Barroso, sur le départ, aurait l’intention de sanctionner Paris pour non-respect de ses engagements en matière de réduction de son déficit.

De notre correspondant à Bruxelles

Le compte n’y est pas ! Le projet de budget 2015 « manque gravement » à l’engagement pris par la France de réduire son déficit budgétaire et, sauf passe-droit, la Commission européenne n’a guère d’autre option que de renvoyer la copie à Paris d’ici à la fin du mois, selon plusieurs sources au fait du dossier. Ce qui passait il y a peu comme la « bombe atomique » dans la confrontation entre Paris et Bruxelles apparaît désormais plausible : dans les derniers jours de son mandat, le 31 octobre au plus tard, la Commission Barroso pourrait retourner pour correction à François Hollande son projet de loi de finances. Seule l’Autriche a jusqu’ici subi une telle humiliation. Vienne a même dû modifier l’an dernier sa loi de finances après le vote au Parlement, au nom de la discipline budgétaire collective et sous menace d’une sanction de 0,2% du PIB.

Cette année, la décision bruxelloise serait le résultat d’un engagement pris au sommet au début de l’été par chacun des dix-huit pays de l’euro. Dans le cas de la France, la « trajectoire budgétaire » prévoit une baisse de 0,8 point du déficit dit « structurel », un outil de mesure compliqué qui vise à recalculer le déficit en le nettoyant des effets de la mauvaise conjoncture. Le problème est que les chiffres fournis ces derniers jours par Paris font apparaître une baisse de 0,2 point seulement. Soit quatre fois moins que promis.

Le jugement est sans appel

Ce dérapage de 0,6 point (ou 12 milliards) lie quasiment les mains de la Commission. Le seuil de tolérance est de 0,5 point pour beaucoup de pays. Mais la France, déjà sous surveillance renforcée, doit se conformer strictement à l’engagement comme au tracé. La discipline budgétaire collective de l’euro, renforcée en 2013, impose à l’exécutif européen de demander une nouvelle copie au contrevenant. Concrètement, cela devrait se traduire par trois semaines d’intenses tractations en novembre entre Bruxelles et Paris, là où le gouvernement Valls misait sur le fait accompli pour passer.

Formellement, ce n’est que le 15 octobre que la Commission commencera son travail d’analyse. Mais en pratique, les chiffres sont déjà aux mains de la Commission, de l’Eurogroupe et de la BCE. Et le jugement est sans appel. « Depuis le début de l’été et malgré les mises en garde, les Français n’ont plus rien fait pour corriger le tir budgétaire », résume un expert bien placé. La Commission aurait ensuite deux semaines pour rendre son verdict. C’est donc à l’équipe Barroso, et au commissaire finlandais Jyrki Katainen, qu’il reviendrait d’annoncer la mauvaise nouvelle. Après le 1er novembre, la Commission Juncker et Pierre Moscovici, le prochain commissaire en charge du dossier, devraient ensuite gérer le bras de fer et la négociation, du côté européen.

Brusque remontée de la tension politique

Ce train, déjà lancé, peut-il être stoppé ? Sauf rapide marche arrière à Bercy, seul un arrangement politique entre grandes capitales pourrait amortir le choc. Les déclarations publiques des unes et des autres ne tendent toutefois pas au compromis. Jeudi, au lendemain de la présentation du budget français, Angela Merkel en a fait une affaire de crédibilité et a mis en garde contre une « recrudescence catastrophique de la crise de l’euro ». Avant d’ajouter, à destination de la France et de l’Italie, également dans le collimateur de Bruxelles, qu’il revient à chacun « de tenir les engagements et les obligations pris en commun ».

Depuis Londres, Matteo Renzi n’a pas caché son agacement. « Il est inacceptable que certains en Europe se comportent en maître de classe et traitent les autres comme des écoliers », a jugé le jeune chef de gouvernement italien, soutenant François Hollande sur cette question de souveraineté nationale. Le sommet éclair sur l’emploi qui réunira, mercredi à Milan, les trois têtes d’affiche européenne, s’annonce crispé.

L’affaire et la brusque remontée de la tension politique qui l’accompagne entre le nord et le sud de l’UE expliquent aussi la crispation du débat au Parlement européen autour du « commissaire désigné » Pierre Moscovici. Ni la droite, déterminée à assainir les déficits jusqu’au bout, ni la gauche, plus soucieuse de relance, n’ont réussi à saisir de quel côté penche désormais l’ex-ministre français des Finances. Paris ou Berlin ? Pour s’en assurer, les eurodéputés lui ont demandé de donner sa réponse par écrit, avant mardi 18 heures…


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