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20 novembre 1820. Un cachalot coule le baleinier l’Essex dont les marins finiront par s’entredévorer

jeudi 20 novembre 2014

Cette effroyable tragédie inspirera à Herman Melville son fameux roman "Moby Dick".
Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Le 20 novembre 1820, un cachalot décide de se révolter contre les hommes. La veille, Brigitte Bardot est venue lui souffler dans l’évent que l’être humain est un assassin dont il faut se débarrasser. Voyant donc s’approcher le baleinier l’Essex, le Léviathan s’écrie : "C’est assez !" Avant de s’élancer à grands coups de nageoire vers le navire.

À bord de l’Essex, parti de Nantucket le 12 août 1819, nul ne se doute que les chasseurs deviendront bientôt les gibiers... Le navire qui est plutôt petit pour un baleinier - 30 mètres de long pour 238 tonnes - est commandé par un jeune capitaine de 29 ans, George Pollard Jr. Vers huit heures du matin, l’homme de vigie signale un groupe de baleines. "Là, elles soufflent !" hurle-t-il. Branle-bas de combat à bord. Les voiles sont hissées dans la minute pour courir sus aux cétacés. Les animaux en train de folâtrer ne font pas attention au navire qui s’immobilise à huit cents mètres d’eux. Pollard ordonne la mise à l’eau de trois baleinières. Il sera le harponneur de la première ; son second, le premier maître Owen Chase, sera celui de la deuxième chaloupe.

La chasse commence mal : le canot de Chase est fracassé par un coup de queue. Il lui faut donc retourner sur l’Essex pour réparer. C’est alors que l’un des cachalots décide de passer à l’attaque. Un comportement agressif que nul marin de l’Essex n’avait jamais constaté auparavant. Certes, après avoir été harponnés, les cétacés se débattent et peuvent fracasser la baleinière à grands coups de queue, mais engager le combat sans sommation, jamais ! Owen Chase est le premier à remarquer l’étrange comportement de la baleine qui fonce droit sur l’Essex. L’animal est presque aussi long que le navire. Le premier maître commence vraiment à s’alarmer quand il voit l’animal accélérer, au point de demander à ses hommes de faire pivoter le navire pour éviter la collision. Trop tard, le monstrueux cétacé heurte déjà l’avant de l’Essex. Le choc est si violent que la plupart des hommes manquent de tomber sur le pont. Tous se regardent, stupéfaits, incapables de parler. Aussi hébétés que Thomas quand Nabilla lui a asséné le premier coup de couteau...


"Rage et fureur" (Owen Chase)

L’assaillant passe sous la quille, s’éloigne, puis revient à l’attaque. Mais déjà l’Essex pique du nez, une voie d’eau s’étant déclarée. Owen Chase décrit ce second assaut dans un livre de souvenirs : "Je découvris la baleine, apparemment prise de convulsions, à la surface de l’eau, à environ deux cents mètres sous le vent. Elle baignait dans de l’écume créée par ses mouvements violents et incessants. Je la voyais claquer ses mâchoires comme pour exhaler sa rage et sa fureur. Elle est restée un temps court comme cela avant de s’élancer à grande vitesse vers l’avant du navire, face au vent. Durant ce laps de temps, le bateau s’est enfoncé profondément dans l’eau, et je l’ai donné comme perdu. Néanmoins, j’avais donné l’ordre de continuer à pomper pour conserver l’allure, et je me suis alors efforcé de rassembler mes idées."

Pas le choix, le second fait alors remplir les deux canots à bord des provisions prévues en cas de naufrage. Le cachalot est décidé à couler l’ennemi. Pas de quartier ! Chase reprend son récit : "Le cri d’un homme dans l’écoutille me fit sursauter. Le voilà, il fonce à nouveau sur nous. Je me retournai et le vis à environ deux cents mètres droit devant, fonçant vers nous à deux fois sa vitesse ordinaire, et, pour moi, à ce moment, il m’apparut dix fois plus furieux et vengeur dans son aspect. Les vagues s’écartaient de lui dans toutes les directions, et sa course vers nous était marquée par une écume blanche de deux mètres de largeur qu’il faisait par de violents et continuels battements de sa queue, sa tête était à moitié hors de l’eau, et de cette manière il fut sur nous pour frapper à nouveau le navire."

La confusion et la peur règnent à bord. Les matelots paniquent autant que les ministres socialistes découvrant la dernière cote d’impopularité du capitaine de pédalo François Hollande... À l’évidence, l’Essex va couler. Chase et ses hommes réalisent qu’ils sont au milieu du Pacifique, à plus de 1 600 kilomètres de toute terre habitée. Aussitôt, ils détachent la baleinière qu’ils viennent de réparer pour la mettre à l’eau. Jamais ils n’ont fait aussi vite. Ils s’emparent des instruments de navigation pour les jeter dans le canot, puis embarquent avant de l’éloigner. Les huit hommes regardent d’un oeil atone l’Essex devenu épave. En quelques minutes, leur destin a basculé. Le cachalot a disparu. Il ne prend même pas la peine d’achever son oeuvre de destruction.
Crever la dalle ou périr embroché ?

En train de poursuivre leurs proies, les deux autres canots ne remarquent pas immédiatement la disparition de l’Essex. Quand un des marins en fait la réflexion, c’est la stupéfaction. Un navire ne disparaît pas par temps calme. Aussitôt, le capitaine ordonne d’abandonner la chasse pour rejoindre la baleinière portant les naufragés. Les hommes découvrent leur navire sur le point de couler. Abasourdi, Pollard s’adresse d’une voix sourde à son second : "Mon Dieu, monsieur Chase, que s’est-il passé ?" Réponse de ce dernier : "Nous avons été attaqués par une baleine."

Personne ne veut le croire, mais il faut se rendre à l’évidence. Pas de temps à perdre, il faut encore récupérer le maximum de nourriture à bord de l’Essex avant qu’il ne coule définitivement. Sinon, c’est la mort immédiate assurée dans cette zone éloignée de toute terre. Les hommes s’empressent de monter à bord de l’épave et d’en percer le pont pour récupérer des provisions et de l’eau douce. Puis ils se répartissent dans les trois baleinières. Vers où se diriger ? Les îles Marquises sont les plus proches. Mais ni le capitaine ni les hommes ne veulent mettre le cap dessus par peur de leurs habitants réputés cannibales. Alors, Pollard et Chase proposent aux hommes de filer plein sud pour accrocher les vents soufflant vers l’Amérique du Sud. Le capitaine calcule que le trajet devrait durer 56 jours. En se rationnant, ils devraient y arriver. Les marins se rallient à leur capitaine : plutôt crever la dalle que périr embroché.

Ils dévorent le coeur avidement

Le 20 décembre, après un mois de navigation, les trois baleinières abordent un îlot désolé où les naufragés ne trouvent quasiment rien à manger ni à boire. Impossible d’y survivre à vingt. D’autant que Moundir de Koh Lanta s’empresse de les virer. Aussi, six jours plus tard, les marins de l’Essex reprennent la mer, laissant derrière eux trois hommes préférant attendre les secours sur place. À bord des canots, les jours s’écoulent, identiques. Le soleil sans pitié tape sur les hommes qui perdent toujours un peu plus de forces. La soif est cruelle, la faim est féroce. Tous gisent au fond des embarcations, attendant la mort. Le 10 janvier, un premier matelot meurt, il est cousu dans ses vêtements, puis jeté à l’eau. Le lendemain, un petit grain éparpille les canots sur la grande bleue. Celui commandé par Chase se retrouve seul, les cinq hommes à bord sont trop exténués pour s’en émouvoir. Le 18 janvier, un deuxième marin meurt. Il est balancé par-dessus bord. Quel gâchis de nourriture... Ils ne sont plus que quatre.

Le 8 février, troisième décès. Les trois survivants se regardent. Jeter encore une fois le cadavre à l’eau serait un gaspillage sans nom, alors qu’ils ont si faim. Il est maigre, le copain, mais il reste suffisamment de quoi manger sur sa carcasse. "Après avoir passé la nuit à réfléchir à la question, j’abordai le difficile sujet de garder le corps pour la nourriture", narre Chase. "Nos provisions ne pouvaient pas tenir plus de trois jours, et durant ce laps de temps, il n’y avait pas la moindre probabilité de pouvoir soulager nos souffrances, et la faim finirait par nous conduire à tirer au sort l’un d’entre nous. Il fut convenu sans aucune objection, et nous nous mîmes au travail aussi vite que nous le pouvions, pour le préparer afin d’éviter qu’il ne s’avariât. Nous avons détaché les membres du corps et découpé la viande des os ; après quoi, nous avons ouvert le corps, sorti le coeur, et refermé, le recousant aussi décemment que nous en étions capables et nous l’avons jeté à la mer. Aussitôt, nous avons commencé par assouvir notre faim avec le coeur que nous avons dévoré avidement. Puis nous avons mangé avec parcimonie quelques morceaux de chair, et découpé le reste en fines lanières pour les faire sécher au soleil sur le bateau. On a fait du feu et rôti quelques morceaux, pour les utiliser le lendemain." Malheureusement, le lendemain, le 10 février, la chair a pris une couleur verte, elle s’est corrompue. Les marins allument un feu pour la cuire avant qu’elle ne soit totalement inconsommable. Ainsi peuvent-ils encore tenir quelques jours. Ils peuvent remercier leur pote, car, grâce à lui, ils sont encore vivants quand ils croisent la route d’un brigantin anglais qui les prend à bord.

Tirage au sort

Mais ils ne sont pas les seuls à avoir boulotté de la viande humaine pour survivre. À bord des deux autres baleinières, leurs camarades vont connaître la même expérience culinaire. Neuf jours après la séparation, soit le 20 janvier, les morts se succèdent. Là encore, les hommes prennent la décision de ne pas gâcher la nourriture. L’un après l’autre, quatre morts sont apprêtés en suivant les conseils de Ludovic, le gagnant de Masterchef. Le 28 janvier, les deux baleinières se perdent de vue. L’une des deux disparaît à jamais. Le sort de ses trois occupants restera un mystère.

Quant au capitaine Pollard, il se retrouve avec trois hommes. Le 5 février, la faim est telle que le marin Charles Ramsdell propose d’organiser un tirage au sort pour désigner celui qui sera mangé par les autres. Pollard repousse avec horreur cette idée, mais les deux derniers naufragés, Barzillai Ray et Owen Coffin, sont d’accord avec Ramsdell. C’est Coffin le perdant, le plus jeune, mais aussi le cousin du capitaine. C’est d’autant plus dramatique que ce dernier a promis aux parents d’Owen de veiller sur lui. Il n’y a qu’une chose à faire : Pollard propose de prendre la place de son cousin. Mais ce dernier refuse absolument, il préfère encore être bouffé par ses copains plutôt que de mourir à petit feu. Le lendemain, 6 février, le jeune garçon dicte un mot pour sa mère, à qui il précise que le tirage au sort a été honnêtement fait. Ramsdell lui loge une balle dans la tête.

Le sacrifice du jeune homme ne tire pas les autres d’affaire, qui recommencent à avoir grand faim. Ray, qui meurt d’épuisement quelques jours plus tard, est lui aussi consommé. Finalement, les deux survivants sont sauvés le 20 février par un navire. Il reste les trois marins abandonnés sur leur îlot rocheux, qui sont récupérés seulement le 5 avril 1821. Au fond des abysses, le cachalot qui a osé couler l’Essex savoure sa revanche. Sur les vingt marins, cinq sont morts, et sept ont été dévorés. Seuls huit ont survécu. Le second, Owen Chase, rédigera un récit du désastre qui inspirera Moby Dick à Herman Melville. Le mousse, Thomas Nickerson, 14 ans, donnera à son tour la version du drame vers la fin de sa vie. Elle ne sera retrouvée qu’en 1960 et publiée en 1984.
C’est également arrivé un 20 novembre

1995 - Scandale, la princesse Diana avoue avoir trompé le prince Charles !

1992 - Un incendie ravage le château de Windsor, résidence de la famille royale britannique.

1977 - L’actrice Melina Mercouri est élue députée en Grèce.

1975 - Sortie du film Vol au-dessus d’un nid de coucou avec Jack Nicholson.

1975 - Décès du général Francisco Franco à Madrid.

1959 - L’Assemblée générale de l’ONU vote une Déclaration des droits de l’enfant.

1947 - À 21 ans, la princesse Élisabeth II d’Angleterre épouse le lieutenant Philip Mountbatten.

1945- Ouverture du procès de Nuremberg.

1923 - L’Américain Garrett Morgan invente le feu de signalisation électrique.

1910 - Décès du conte Léon Tolstoï, 82 ans, dans une petite gare de la plaine russe.

1906 - Henry Royce et Charles Rolls s’associent pour créer Rolls-Royce.

1873 - Les villes de Buda et Pest s’unissent pour former la capitale de la Hongrie.

1873 - Mac-Mahon fixe la durée du mandat du président de la République française à sept an


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