MosaikHub Magazine

Iron Man bientôt sur le champ de bataille ?

dimanche 23 novembre 2014

article ci-dessous vient de paraître dans le premier numéro d’un nouveau magazine consacré à la recherche, Thinkovery (148 p., 15 €), émanation papier du site Thinkovery.com, dont j’ai déjà parlé ici et qui propose des vidéos où les scientifiques exposent leurs résultats de manière pédagogique. La rédaction a bien voulu me confier une chronique intitulée "L’imaginaire des sciences", dans laquelle je confronterai la science-fiction à la réalité... Je remercie Thinkovery de m’autoriser à reproduire ce texte.

Souvent présentés comme des machines remettant en mouvement ceux qui n’ont plus de muscles, les exosquelettes servent aussi à renforcer ceux qui en ont beaucoup. On a nommé les militaires. Depuis le début du siècle, le département américain de la défense, via son agence de recherche et développement, la Darpa, finance des projets en ce sens chez les poids lourds de l’armement. Que ce soit pour le XOS-2 de Raytheon ou pour le bien nommé HULC (Human Universal Load Carrier) du numéro un mondial du secteur, Lockheed-Martin, la feuille de route est claire : faire en sorte que l’imposant barda des soldats ne pèse pas plus qu’une feuille morte afin que, sur le terrain, un raid de 8 heures paquetage au dos ne soit pas plus fatigant qu’une promenade en tongs. Les troubles musculaires et articulaires sont en effet la première cause d’arrêt-maladie chez les amis bidasses.

Sur le papier, l’équation est simple puisqu’il s’agit, grâce à l’armature métallique qui double le squelette naturel de l’humain, de transférer les charges vers le sol. Pour ce faire, les prototypes cités plus haut couplent structure en titane et puissante hydraulique. L’aspect mécanique des choses n’est cependant pas le plus important. Il y a par exemple le problème inévitable des batteries : Lockheed-Martin a dit travailler à une pile à combustible procurant une autonomie de 72 heures contre 8 actuellement tandis que le XOS-2 de Raytheon fonctionne essentiellement... avec un câble relié à une source d’énergie.

Mais la principale difficulté de l’exercice est ailleurs, qui consiste à transmettre instantanément à l’exosquelette le mouvement que son porteur est en train d’initier pour que les deux marchent à l’unisson. En effet, si la machine réagit avec retard, elle entravera les gestes du soldat – imaginez ainsi un militaire bloqué dans son élan alors qu’il veut sauter par-dessus une crevasse. A l’inverse, si l’exosquelette sur-réagit et anticipe un mouvement trop ample, l’humain risque d’être bonnement écartelé. Pour résoudre le casse-tête, des capteurs et un micro-ordinateur embarqués ajustent en temps réel les mouvements de l’armature.

Après plusieurs années de développement et de tests, XOS-2 et HULC permettent de courir, sauter, ramper, tout en transportant des charges importantes (jusqu’à 90 kg). Mais aucun des deux ne protège le soldat. Alors même que ces prototypes n’ont pas encore fait leurs preuves sur le terrain, l’état-major de l’armée des Etats-Unis est déjà en train d’imaginer la suite : ajouter une armure à l’exosquelette. Bref copier Iron Man.

En 2013, un demi-siècle exactement après la création du super-héros de BD blindé Tony Stark, l’amiral William McRaven, chef des forces spéciales américaines, a présenté le projet Talos (pour Tactical Assault Light Operator Suit) qui reprend le nom du géant de bronze presque invincible qui, dans la mythologie grecque, était le gardien de l’île de Crète. Talos devrait intégrer un exosquelette mais ce ne sera qu’un de ses atouts.

L’idée principale consiste à insérer le guerrier humain à assistance robotique dans une armure à l’épreuve des balles. Pas question pour autant de revenir au Moyen-Age en couvrant le corps d’une coque rigide et lourde ou d’imiter Sigourney Weaver, manœuvrant dans Aliens (1986) un robot gigantesque amplifiant ses mouvements : le « l » de Talos signifie « léger ». Il a ainsi été évoqué un uniforme assez souple contenant une sorte de céramique liquide à changement d’état hyper-rapide. Lorsqu’un projectile atteint ce matériau, les molécules qui le composent se rigidifient instantanément sous l’impact. Il est aussi prévu d’embarquer des mini-caméras pour obtenir une vision à 360° ainsi que des capteurs surveillant l’état de santé du soldat.

En présentant le projet, William McRaven a expliqué qu’il lui avait été inspiré par la mort d’un de ses hommes, abattu par des talibans après avoir enfoncé une porte lors d’une mission visant à libérer des otages. L’amiral américain espère que Talos « améliorera de manière révolutionnaire la survie et le potentiel des forces spéciales ». Une version bêta est censée arriver dès cette année et le programme, financé à hauteur de 80 millions de dollars, prévoit les premiers équipements pour 2018. Si science-fiction il y a dans ce projet, c’est sans doute dans ces détails qu’elle réside. Certains experts jugent plus raisonnable d’envisager la date de 2026 et un budget... d’un milliard de dollars. Peut-être l’armée américaine, pour financer et fabriquer son Iron Man, devrait-elle frapper à la porte du milliardaire Tony Stark ?

Pierre Barthélémy (suivez-moi ici sur Twitter ou bien là sur Facebook)

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