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Après le non-lieu de Ferguson, quelles suites judiciaires ?

mardi 25 novembre 2014

Par Marine Messina
Ferguson s’embrase à nouveau depuis que la ville du Missouri, dans la banlieue de Saint-Louis, aux Etats-Unis, a appris, lundi 24 novembre, que Darren Wilson, le policier incriminé dans le meurtre, le 9 août, de Michael Brown, ne sera pas poursuivi après un non-lieu prononcé par un grand jury. Pour autant, l’affaire Ferguson est loin d’être close.


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Comment s’est prononcé le grand jury ?


Comme le définit le Sénat, le grand jury est une institution au sein d’un tribunal américain qui « établit l’acte d’accusation », c’est-à-dire qu’il a le pouvoir de mener une procédure officielle pour déterminer si des accusations criminelles doivent être portées. Ainsi, le grand jury décide s’il y aura ou non une enquête et un procès. Il peut compter jusqu’à 23 jurés. Cette procédure est spécifique aux Etats-Unis.

Dans le cas de Ferguson, le grand jury du tribunal de Clayton qui a examiné l’affaire était composé de douze jurés, qui se sont réunis pendant 25 jours à partir du 20 août. Tous les membres ont été présents à chaque séance et ont entendu tous les témoignages, précise Reuters. Au total, une soixantaine de témoins ont été écoutés, pendant plus de 70 heures.

Le grand jury a également visionné des heures d’enregistrements et a examiné des centaines de photographies. Son rôle, comme le rappelle le New York Times, n’était pas de déterminer si Darren Wilson était coupable, mais de juger s’il y avait des preuves suffisantes pour justifier des poursuites.

Le parquet avait demandé aux jurés d’examiner cinq possibilités d’inculpation, relatives à différents types d’homicide, y compris l’homicide involontaire. Le jury a finalement rendu sa décision, lundi 24 novembre, jugeant « qu’il n’y avait pas de raison suffisante d’intenter des poursuites contre l’officier Wilson ».

Le procureur du comté chargé de l’affaire, Robert McCulloch, n’a pas dit si la décision avait été unanime, rappelant que les réunions des grands jurys étaient secrètes. Cette décision de ne pas traduire en justice l’officier était relativement attendue. Mi-octobre, plusieurs fuites parues dans la presse américaine évoquaient l’absence d’éléments probants pour poursuivre Darren Wilson.

Une enquête fédérale en cours

Si le grand jury a décidé de ne pas poursuivre M. Wilson, il n’est pas tiré d’affaire pour autant. Les Etats-Unis, Etat fédéral, disposent d’un double niveau de juridiction : celle de l’Etat, ici le Missouri, et celle de l’Etat fédéral. Le procureur général des Etats-Unis (ministre de la justice), Eric Holder, a rappelé que l’enquête fédérale se poursuivait. « Elle est indépendante de l’enquête locale depuis le début et le restera », a-t-il déclaré, assurant que les autorités fédérales se garderaient de tirer des « conclusions hâtives ».

Selon CBS News, le FBI et le ministère de la justice continuent d’enquêter spécifiquement sur l’affaire, et s’interrogent sur la violation des droits de Michael Brown. « C’est l’unique objectif des avocats du ministère de la justice : déterminer si oui ou non, on peut montrer que Wilson a délibérement privé Brown de ses droits civiques », précise CBS News.

Et la tâche n’est pas aisée, eu égard à la grande marge de liberté allouée aux officiers de police quant à l’utilisation de la force, relève CBS News. En outre, pour que des poursuites soient engagées, les preuves présentées doivent répondre à un ensemble de critères rigoureux, ce qui entrave également le travail des enquêteurs.

La chaîne américaine cite notamment le cas d’Amadou Diallo, un jeune homme de 23 ans tué par 43 balles à New York en 1999 alors qu’il n’était pas armé, en concluant que l’enquête fédérale n’avait pas été en mesure de déterminer la culpabilité des quatre policiers qui ont causé sa mort.

Le ministère de la justice n’a pas annoncé d’échéance pour cette enquête fédérale, mais M. Holder, dont la démission a été annoncée en septembre, a précisé qu’il attendrait la conclusion de cette affaire avant de quitter son poste.

Quel sort pour Darren Wilson ?

« Techniquement, l’officier de 28 ans devrait retrouver son poste à la police de Ferguson, avance CNN. Mais beaucoup pensent qu’il ne sera plus jamais policier. »

En théorie, si Darren Wilson n’est pas inculpé d’acte criminel, il a légalement le droit de retourner travailler, renchérit NBC News. Toutefois, le chef de la police de Ferguson, Tom Jackson, a déjà précisé qu’un retour sous l’uniforme n’aurait pas lieu avant une enquête interne préalable.

Un professeur de droit interrogé par NBC News explique également que l’Etat du Missouri peut révoquer son statut de policier. D’ailleurs, comme c’est le cas dans 43 Etats américains, la révocation de statut peut être effective même si le policier n’est reconnu coupable d’aucun crime.

Dans tous les cas, il serait absurde que Darren Wilson retourne à Ferguson, estime un spécialiste juridique sur CNN, arguant qu’il aura « toujours l’image du policier qui a tué un jeune garçon noir et suscité une controverse nationale ».

Marine Messina
Journaliste au Monde


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