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Prolongation de mandat en échange de la ratification d’Evans Paul proposent des élus

lundi 29 décembre 2014

Vendredi 26 décembre, 13 h. 17 jours avant le 12 janvier 2015, date de la fin de la 49e législature. Il fait plutôt bon au Parlement. Des agents de sécurité montent la garde comme à l’accoutumée. Des employés font le va- et-vient. Quelques rares parlementaires sont remarqués dans la cour. A première vue, l’atmosphère de la fièvre politique (qui monte d’un cran dans les rues de la capitale) ne se fait pas trop sentir au temple des élus du peuple. « Nous devons avoir une rencontre avec les présidents des deux chambres sur le choix du nouveau Premier ministre », a dit en off un député au Nouvelliste.

Alors qu’il s’est déjà exprimé sur les ondes de radio tôt dans la matinée du vendredi, approché par des journalistes dans son bureau sur la nomination d’Evans Paul comme Premier ministre, le président du Sénat dit de façon ironique ignorer une telle information. « C’est vous qui m’avez appris que le président a choisi ou nommé un Premier ministre ! », s’exclame Dieuseul Simon Desras comme pour dire qu’il n’y a pas eu de consensus sur le choix du président Martelly.

Très remonté, le président du grand Corps n’entend pas négocier sur la question du choix du PM sans se rassurer que le Parlement va rester au-delà de janvier 2015. « Nous n’entrerons dans aucune discussion en la matière tant que l’avenir du Parlement ne sera pas clair. C’est après avoir résolu ce problème seulement qu’on saura quoi faire », a enchaîné Dieuseul Simon Desras, ajoutant que l’avenir du Parlement suppose que l’ordre républicain ne doit être interrompu à aucun moment de la durée.

Cet ordre, selon l’élu du Plateau central, est consacré par la Constitution en ses articles 58 et 60.1 indiquant que la souveraineté nationale est confiée aux trois grands pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire). « L’absence de l’un entraîne l’absence des deux autres ou ils sont de facto. De plus, notre Constitution n’a pas prévu l’inexistence du Parlement. Elle n’a pas non plus prévu que l’exécutif existe à aucun moment comme seul pouvoir de l’Etat. »

En ce qui a trait à la prolongation du mandat des parlementaires, le sénateur Desras n’y est pas allé par quatre chemins. « A maintes reprises, le chef de l’Etat a dit qu’il ne peut prendre des engagements pour prolonger le mandant des sénateurs et des députés. Mais il ignore s’il n’avait pas des engagements pour ne pas réaliser les élections depuis environ quatre ans dans le pays. C’est qu’il viole la Constitution. En conséquence, nous disons qu’il ne peut pas y avoir de vide institutionnel. Donc, l’avenir du Parlement doit être clair avant de discuter de quoi que ce soit ! »

Pour répondre au chef de l’Etat qui a dit avoir fait le choix en consultation avec les présidents des deux chambres, le numéro un du Sénat précise laconiquement que « consultation ne signifie pas approbation. » « Vous me dites qu’il ya un PM qui est nommé. Moi je vous réponds que j’ignore cela », soutient-il, soulignant qu’il doit y avoir un préaccord qui dit que les trois pouvoirs de l’Etat se sont mis d’accord pour maintenir les parlementaires en poste au-delà du 12 janvier avant toute chose. Et d’ajouter : Le chef de l’Etat doit s’asseoir avec les représentants des autres pouvoirs pour éviter un vide institutionnel. C’est tout ce que nous demandons. »

Martelly entouré d’un ensemble de flibustiers…

L’entente une fois trouvée, le parlementaire a donné la garantie que le Sénat planchera sur le vote de l’amendement de la loi électorale avant le 12 janvier. C’est ce cadeau de fin d’année que M. Desras dit avoir proposé au président Martelly. « Malheureusement, le président s’est fait accompagner d’un ensemble de flibustiers qui n’ont rien à donner au pays. Ces derniers ne font que s’asseoir dans un petit laboratoire pour décider du sort des élus du peuple. Ce sont eux qui font croire à Michel Martelly qu’il peut ignorer le Parlement dans la formation du nouveau gouvernement. »

Plus loin, le parlementaire, qui menace de prendre le béton dans les jours qui viennent, indique que l’opposition politique serait très contente si le président installait un gouvernement de facto. Car cela rendrait la tâche facile à l’opposition qui pourrait faire d’une pierre deux coups en chambardant le régime en place avec plus de facilité. « M. Evans Paul sera Premier ministre lorsqu’il aura la bénédiction du Parlement. C’est cette même clique qui entoure le président qui avait omis certains articles relatifs au processus de ratification d’un PM dans la Constitution amendée. Heureusement que l’article 137 relatif à la vérification des pièces du PM est bien présent. Donc le Parlement constitue un passage obligé pour la ratification de l’énoncé de politique générale de M. Paul. »

Le destin d’Evans Paul ?

La chance qu’a Evans Paul de passer le cap dépend de sa capacité de former un gouvernement de consensus, a par ailleurs commenté le président du grand Corps. Mais même s’il réussit le test du Parlement, Desras croit que tout n’est pas encore gagné. Car M. Paul doit être en mesure de savoir quelles seront les figures qui constitueront le nouveau gouvernement, ajoute-t-il, arguant qu’ils ont toujours fait montre de leur bonne volonté à trouver une solution pacifique à la crise. « S’ils ont fait la route inverse, moi le sénateur Desras Simon Dieuseul suis prêt à affronter le diable même dans sa maison. »

La tendance au niveau du Sénat ? « Pas plus tard que hier soir, j’ai dit au président comment est la tendance au Sénat. Je lui ai dit également que les sénateurs ne m’autorisent à discuter de quoi que ce soit sans la clarification de la question du Parlement. Il me dit qu’il avance de toute façon. J’espère qu’il n’a pas fait marche arrière en prenant cette voie », a-t-il regretté, sans pitié pour les conseillers du chef de l’Etat. « J’appelle le président à la raison. Ses conseillers, qui ont eux-mêmes besoin de conseils, l’ont très mal conseillé. Après avoir fini de manger et boire du clairin, ils pensent pouvoir traiter des parlementaires de gros orteils et définir leur avenir alors qu’ils n’avaient même pas financé leur campagne. Moi personnellement, je reste indépendant, attaché à ma conviction. Il faut l’accomplissement de notre mandat. « Après le 12 janvier, le Parlement deviendra plus fort. Il y aura des leaders au niveau du Parlement qui seront sur le béton. La mobilisation sera renforcée. Le président a jusqu’au 31 décembre pour prendre une décision. »

Ce n’est pas le sénateur Anick Francois Joseph qui prendra le contre-pied de son président. Tout en félicitant son « camarade » Evans Paul, l’élu de l’Artibonite a salué le courage de ce dernier. « Depuis 1986, c’est pour la première fois qu’on désigne vraiment un homme politique, un responsable de parti pour devenir Premier ministre », a-t-il dit.

Cependant, Anick François Joseph n’a pas amenagé ses mots à l’endroit du président Martelly, le qualifiant de menteur. « Nous demandons compte au président de la République qui a menti à la nation en disant qu’il a fait ce choix avec les présidents des deux chambres du Parlement », a protesté le porte-parole de l’Organisation du peuple en lutte(OPL).

Le moins que je sache, a déclaré le sénateur Joseph, c’est que Michel Martelly a parlé face-à-face et au téléphone avec les présidents du Sénat et de la Chambre des députés. « Nous savons aussi qu’il n’y a jamais eu d’entente sur le choix du PM. Après une rencontre mercredi soir, le chef de l’Etat a proposé trois noms, à savoir Evans Paul, Jude Hervé Day et Charles Jean-Jacques. Le président du Sénat avait promis d’aller dégager un consensus avec les sénateurs sur l’un des trois noms . »

Selon le parlementaire, la position des sénateurs n’a pas évolué. Ce n’est pas un Premier ministre qui va dégager un consensus, mais c’est le consensus qui doit accoucher d’un Premier ministre. C’est ce que nous avons toujours exigé.

Sur la question de l’amendement de la loi électorale, il plaide pour un compromis afin de savoir pour combien d’élections on va voter les amendements et dans quelle période.« Tout cela doit être sur la table avant de penser à la question de la formation du nouveau gouvernement. En plus, quel est le sort du gouvernement après janvier 2015 ? Cette question reste encore pendante. Nous n’avons aucun problème avec le choix de K-plim. Mais la façon de faire. On se demande ce que veut exactement le chef de l’Etat. Nous savons qu’il existe des pécheurs en eau trouble qui veulent voir l’aggravation de la crise afin de faire leur beurre. Si l’on ne veut pas résoudre les problèmes de manière institutionnelle, la rue apportera la solution.

De surcroît, il croit dur comme fer qu’il n’y a aucune avancée dans la crise. « Au lieu d’avancer, nous faisons marche arrière. Le président a choisi son PM sans l’aval du président du Sénat. Il n’y a aucune avancée. Aujourd’hui, l’avenir d’Evans Paul est entre nos mains. Nous connaissons sa capacité politique, il revient à lui de jouer. Il doit pouvoir se convertir en facilitateur pour un accord avec le président de la République pour la gouvernance du pays. »

Evans Paul est bon à 50%

« Il faut cette entente avant de trouver le quorum de 16 sénateurs pour la séance et la ratification de l’énoncé de politique générale. C’est la condition sine qua non, a affirmé Anick F. Joseph. Si le chef de l’Etat pense pouvoir l’installer à la Primature sans le Parlement c’est bien compter, mal calculer. Dans ce cas, M. Paul serait moins intelligent qu’on ne le pense ! Car cela ouvrirait la voie à la mobilisation de la rue jusqu’à sa chute.

Si M. Paul peut jouer ce rôle de facilitateur, indique le porte-parole de l’OPL, son affaire est réglée. Dans le cas contraire, « kafe l ap koule ak ma » « sab tonbe nan mayi moulen l ! ». Il est bon à 50%. C’est à lui de faire le reste.

A la Chambre basse

Le député de Borgne/Port-Magot, Jude-Charles Faustin, a pour sa part salué le choix du président Martelly. Pour lui, Evans Paul est une personnalité très connue dans la société pour ses combats, ses engagements dans la vie politique du pays. « Il est un martyr. Il est nommé. Il lui reste une étape importante, à savoir la ratification de sa déclaration de politique générale par le Parlement. Moi, je n’ai aucun problème avec lui. Nous avions travaillé ensemble pendant un certain temps. Il ne reste que d’entrer en consultation avec les partis de l’opposition pour former le nouveau gouvernement de consensus. Mais sa nomination est un pas dans la bonne direction », affirme le porte-parole de la majorité présidentielle, soulignant qu’il votera pour M. Paul.

De son côté, Guy Gérard Georges précise que la Constitution amendée donne le droit de nommer un PM au président de la République. Après avoir formé son cabinet ministériel, le PM nommé doit passer devant le Parlement pour la ratification de l’énoncé de sa politique générale. Ce qui rétrécit le processus. « De par son expérience, sa formation et sa carrière politiques, Evans Paul se passe de présentation. Le choix est correct. La manière, peut-être ! », explique le président du bloc Parlementaires pour l’équilibre politique.

Toutefois, il dit espérer que ce choix découle d’un consensus avec les vrais acteurs impliqués dans la crise. Dans le cas contraire, je pense que c’est une perte de temps. « Il devrait y avoir en outre un consensus avec le Parlement. Cet accord doit prendre en compte tout un ensemble de facteurs, dont le maintien en poste des parlementaires, les élections… »

AUTEUR

Yvince Hilaire

yvincehilaire@lenouvelliste.com


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