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6 janvier 1883. Après l’autopsie de Gambetta, chaque médecin repart avec un abat comme souvenir.

mardi 6 janvier 2015

Une foule immense suit le convoi funéraire de l’ancien président du Conseil, le premier homme à être embaumé avec du formol.

Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Le 6 janvier 1883, les funérailles de Gambetta rassemblent à Paris la grande foule. Ils sont des dizaines de milliers de curieux à se presser le long du cortège funèbre. On se croirait au défilé du 14 Juillet. Des petits malins louent des chaises, des vendeurs à la sauvette proposent des bouquets d’immortelles. Un astucieux vend des galettes "Gambetta" ou "du croquemort". Tous les arbres et les lampadaires sont colonisés par les enfants.

Le cortège part au son du canon à dix heures depuis l’Assemblée nationale dont la façade est tendue de noir. Le clairon sonne, les tambours battent. Le défilé dure bien deux heures. En tête : le char mortuaire tiré par six chevaux, suivi par quatre autres chars portant plusieurs centaines de couronnes. La famille Gambetta marche en tête, suivie des ministres, des députés et autres élus. Derrière se succèdent les grands corps de l’État, les délégations venues de toutes les villes de France, les sociétés de gymnastique, les élèves des écoles. Paris a rarement assisté à un tel hommage

Formol

Qui de tous ces curieux peut imaginer que la dépouille qui passe devant eux est loin d’être au complet. Au pauvre Gambetta il manque le cerveau, l’oeil droit, une partie du bras droit, son appendice et encore son coeur emporté à titre de souvenir par les bons docteurs préposés à l’autopsie.

Léon Gambetta meurt le 31 décembre 1882, quelques minutes avant minuit, dans sa maison des Jardies, à Ville-d’Avray. Il n’a que 44 ans. Un cancer de l’intestin ou de l’estomac inopérable a été diagnostiqué quelques jours auparavant.

L’embaumement du corps est confié à un certain Baudriant qui utilise, pour la première fois dans l’histoire de la médecine, du formol pour conserver un corps. En arrivant en présence de son patient, le spécialiste a la triste surprise de découvrir un corps déjà en début de décomposition. Avec son aide, il se met au travail. Ils ont un peu de mal à trouver la carotide pour injecter le formol à cause de l’embonpoint de Gambetta. Ils s’activent fermement à leur boulot, ce qui leur donne bientôt faim. Ils entendent les médecins ripailler au rez-de-chaussée de la villa, mais quand ils veulent les rejoindre, ils se font virer. Personne ne désire la compagnie de l’embaumeur et de son aide. Mortifiés, tous deux partent déjeuner à Sèvres en enfermant le cadavre à double tour derrière eux.

Quand les médecins rassasiés veulent récupérer la dépouille pour l’autopsier, ils trouvent donc porte close. Colère ! Ils envoient prévenir à l’auberge l’embaumeur qui se marre. Ultérieurement, il racontera : "On m’expédie express sur express. Je réponds, entre deux coups de fourchette, que je suis seul responsable des bons résultats de l’opération, que pour qu’elle réussisse, il faut que le corps reste isolé trois ou quatre heures, qu’au surplus je suis tout disposé à rendre la clef, mais que ce ne sera qu’à Paul Bert en personne."

"Le cerveau d’un crétin"

Après avoir attendu le bon vouloir de Baudriant, les médecins peuvent enfin récupérer Gambetta pour y chercher la cause exacte du décès. Farfouillant dans les entrailles du Cadurcien, les docteurs Brouardel et Cornil trouvent une inflammation ancienne de l’intestin, une infiltration purulente dans la paroi abdominale, un début de péritonite. Le professeur Charcot, obsédé par la taille des cerveaux des grands hommes, extrait celui de Gambetta puis le confie à l’embaumeur en lui demandant d’aller le faire peser chez un pharmacien. La balance affiche 1 160 grammes. Seulement ! "Ce grand homme avait le cerveau d’un crétin", note Baudriant. Charmant. Puis l’organe est mis dans une boîte qui sera déposée au musée d’anthropologie comparée du professeur Broca.

Avant de refermer le corps, les médecins s’emparent chacun d’un petit souvenir de l’homme d’État. Paul Bert prend le coeur qu’il emballe dans du papier journal, Lannelongue préfère le bras droit, Cornil a un petit faible pour les entrailles et Charcot, le cerveau. Baudriant peut alors récupérer son client. "Quand je revins, Gambetta était tout en lambeaux : je rajustai vaille que vaille les débris qui restaient, et mon aide et moi, nous les plaçâmes dans la bière."

Celle-ci est déposée dans le salon de Gambetta gardé par une haie d’honneur de pompiers. Déjà 5 000 curieux se pressent autour de la villa. Après les obsèques nationales, le cercueil de Gambetta est déposé à côté de celui de sa mère, à Nice. Ce n’est que le 2 avril 1909 qu’on vient l’y chercher pour l’installer dans un monument plus digne de lui, dans le cimetière de Nice. À l’ouverture du cercueil, surprise : Gambetta a perdu la tête. Qui l’a dérobée ? Mystère. Finalement, le coeur piqué par Paul Bert, qui avait été déposé dans le socle du monument dédié à Gambetta aux Jardies, est transféré au Panthéon le 11 novembre 1920. À noter que le musée de Cahors conserve l’oeil droit retiré du vivant de Gambetta (en 1867). Il était borgne depuis sa tendre enfance après avoir eu l’oeil percé par un éclat d’acier.

Informations extraites de Paris Macabre, par Rodolphe Trouilleux, éditions Le Castor astral
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