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21 janvier 1793. Couic ! Louis XVI perd la tête au grand désespoir du bourreau prêt à l’épargner.

mercredi 21 janvier 2015

Jusqu’à la dernière seconde, le bourreau espère voir le roi enlevé par des royalistes. Mais, comme soeur Anne, il ne voit rien venir...


Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Comme on peut se tromper ! Naïvement, nous croyions que couper le cou de son roi aurait été pour un bourreau un motif de gloire. Le sommet de sa carrière. Comme le jour où François a osé faire un sourire à Ségolène en présence de Valérie, ou comme le jour où Le Pen a accédé au deuxième tour de la présidentielle... Pas du tout ! Quand Charles-Henri Sanson reçoit l’ordre officiel d’installer sa boutique sur la place de la Révolution (la Concorde) pour raccourcir Louis XVI, il est profondément atterré. Il aurait mis sa tête à couper qu’au dernier moment la Convention surseoirait à l’exécution, mais la motion de sursis est repoussée par 380 voix sur 690.

Si l’exécuteur des hautes oeuvres de Paris est profondément abattu par la tâche qui l’attend, c’est que, malgré son admiration pour les principes de 1789, il reste profondément attaché à la monarchie et à la personne du roi. Il aurait bien envisagé une monarchie constitutionnelle. En fait, le citoyen Capet lui a rendu deux fiers services du temps de sa splendeur royale. La première fois, au début de l’année 1789, quand Sanson est poursuivi par des créanciers qu’il est incapable de rembourser. Il faut dire qu’à l’époque déjà l’administration n’est pas pressée de régler ses factures. Cela fait des années que le Trésor n’a pas réglé le traitement du bourreau, du coup celui-ci ne peut plus honorer les siennes. En désespoir de cause, Sanson demande une audience à Louis XVI qui le reçoit dans ses petits appartements à Versailles. Bien au courant des difficultés de l’exécuteur, le roi promet de le faire payer et lui fait remettre un sauf-conduit valable trois mois pendant lesquels "Sa Majesté fait défense à ses créanciers d’exercer contre lui aucune contrainte, à tous huissiers, sergents ou autres de l’arrêter ni inquiéter ; et à tous concierges et geôliers des prisons de l’y recevoir..." Ainsi le bourreau évite-t-il la prison pour dette...

Lame oblique

Le deuxième service rendu par le roi à son bourreau date du 2 mars 1792, lors d’une entrevue aux Tuileries. Louis XVI a entendu parler par son médecin personnel, le docteur Louis, d’une nouvelle machine pour couper égalitairement les têtes. Comme il adore les travaux de serrurerie, il demande à en voir les plans. Sanson accompagne le docteur Guillotin qui a réalisé les premières esquisses et le facteur de clavecins Tobias Schmidt, chargé de la construction. C’est alors que le souverain recommande un couperet à lame oblique au lieu d’une forme en croissant. Elle serait plus efficace avec les gros cous comme le sien... Voir l’éphéméride du 2 mars 1792. Le 21 janvier 1793, le citoyen Capet peut enfin tester en personne l’efficacité de sa lame oblique.

La veille de l’exécution, Charles-Henri reçoit à son domicile plusieurs missives anonymes le prévenant d’une tentative d’enlèvement de Sa Majesté entre la prison du Temple et la place de la Révolution. On le prévient qu’en cas de résistance de sa part il sera percé de mille coups. Une menace parfaitement inutile, car l’exécuteur serait le premier heureux si le roi échappait à la "Louison". À l’aube du 21 janvier, les tambours battent le rappel dans Paris, invitant chaque section à envoyer un bataillon pour protéger l’échafaud. Le fils du bourreau fait justement partie de ces citoyens convoqués. Vers huit heures, Charles-Henri et ses deux frères, Charlemagne et Louis-Martin, partent armés jusqu’aux dents pour le lieu de l’exécution, au cas où ils auraient à se défendre. La foule curieuse du spectacle est si dense dans la rue qu’il leur faut une heure pour parvenir à destination. L’échafaud a déjà été dressé par les aides de l’exécuteur.

80 000 hommes en armes

On n’attend plus que la star du jour. Dans ses mémoires, Charles-Henri écrit : "Je me réjouissais à la pensée qu’à cette heure le roi venait peut-être d’être arraché à son escorte et fuyait sous la sauvegarde d’amis dévoués..." Faux espoir. À dix heures, la berline verte du maire de Paris, attelée de deux chevaux et entourée d’une double haie de cavaliers, débouche sur la place. Le roi est assis à l’intérieur à côté de son confesseur, l’abbé Edgeworth, d’origine irlandaise. Eu égard à son brillant passé, le citoyen Capet a obtenu de ne pas être conduit sur le lieu de son supplice dans la charrette habituelle des condamnés. Aucune tentative sérieuse d’enlèvement n’a eu lieu durant le trajet. Il faut dire que 80 000 hommes en armes sont disposés le long des rues. Le baron de Batz avait bien le projet de faire évader le roi avec 300 royalistes, mais en raison d’une dénonciation seuls quelques-uns sont présents sans pouvoir rien entreprendre. Quelques arrestations ont lieu.

Calme et majestueux, Louis XVI descend de la voiture au pied de l’échafaud peint en rouge. Les paparazzi se bousculent pour une dernière photo. La foule impressionnée garde le silence. On n’entend que les roulements de tambour qui ne cessent de battre. Stéphane Bern, qui se précipite pour interviewer le citoyen Capet, est brutalement repoussé. Sanson s’interroge : "Où sont donc ces sauveurs tant annoncés ?" Impossible d’attendre plus longtemps, Louis-Martin Sanson s’avance respectueusement vers le condamné pour l’aider à enlever sa redingote brune. Mouvement de recul de Louis XVI : "C’est inutile, on peut en finir comme je suis", répond-il. Finalement, il enlève son habit seul, mais refuse d’être ligoté. Charlemagne vient à la rescousse de son frère : "C’est absolument nécessaire. L’exécution est impossible sans cela." Enfin, le confesseur parvient à ramener le roi à la raison. Ses mains sont liées, non pas avec une corde, mais avec son mouchoir. Un des aides de Sanson découpe le col de sa chemise et lui taille les cheveux pour dégager la nuque.

"Peuple, je meurs innocent"

Soutenu par le prêtre, Louis Capet monte lentement les marches menant à la plateforme sur laquelle la guillotine est dressée. Il s’avance vers l’extrémité de l’estrade pour adresser quelques mots au peuple qui s’entasse derrière les haies de soldats. Mais les tambours ne cessent de battre sur ordre du général Berruyer. "Est-ce que les tambours ne vont pas cesser ?" s’enquiert-il auprès de Charlemagne qui reste muet. Alors il s’avance vers la foule, fait un geste de tête impératif vers les tambours qui, intimidés, suspendent une fraction de seconde leur roulement. Il s’écrie : "Peuple, je meurs innocent." Comme les tambours se remettent à battre, il poursuit pour les seules personnes présentes sur l’échafaud : "Messieurs, je suis innocent de tout ce dont on m’inculpe. Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français !"

Les aides de Charles-Henri l’entraînent pour le garrotter sur la planche basculante. La lunette de bois se referme sur le cou royal. L’exécuteur libère le couperet qui s’abat pendant que le prêtre s’écrie : "Fils de saint Louis, montez au ciel !" C’est fini. Il est 10 h 22. Selon le conventionnel Louis-Sébastien Mercier, la lame s’est abattue trop haut, sur l’occiput, endommageant la mâchoire. Commentaire de Charles-Louis Sanson dans ses souvenirs : "Ainsi a fini ce malheureux prince, qu’un millier d’hommes résolus auraient pu sauver à ce dernier moment..."

Service funèbre expéditif

Un certain Gros, assistant de l’exécuteur, s’empare de la tête royale tombée dans le panier pour la brandir vers la foule en hurlant : "Vive la nation ! Vive la République !" Quelques vivats lui répondent, mais la majorité du peuple se détourne avec horreur du spectacle sanguinolent. Quelques-uns se précipitent sur l’échafaud pour tremper leur mouchoir, leur pique ou leur sabre dans le sang du roi. L’ordre est donné de tirer le canon. C’est ainsi que la reine et ses enfants restés à la prison du Temple apprennent la mort de leur mari et père.

Le cadavre est aussitôt transporté à l’ancienne église de la Madeleine pour un service funèbre expéditif. Témoignage du vicaire Damoureau : "Arrivé au cimetière, je fis faire le plus grand silence. Un détachement de gendarmes nous fit voir le corps. Il était vêtu d’un gilet blanc, d’une culotte de soie grise, les bas pareils. Nous psalmodiâmes les vêpres, les prières du service des morts. Le corps, mis à découvert dans la bière, fut d’après les ordres du pouvoir exécutif jeté au fond de la fosse, sur un lit de chaux, puis un lit de terre, le tout fortement battu et à plusieurs reprises. La tête de Louis XVI fut mise à ses pieds."

L’exécuteur des hautes oeuvres de Paris rentre chez lui, le coeur lourd. Le roi est mort. Des centaines de cous à trancher l’attendent encore. Dans sa tête, une rengaine l’obsède : "J’me fais des cous, des p’tits cous, encore des p’tits cous/ Des p’tits cous, des p’tits cous, toujours des p’tits cous/ Des cous de seconde classe, des cous de première classe..."
C’est également arrivé un 21 janvier

2008 - Marie Smith Jones, 89 ans, meurt en emportant dans sa tombe la langue eyak (Alaska) dont elle est la dernière locutrice.

1994 - Lorena Bobbitt, 24 ans, accusée d’avoir sectionné le pénis de son époux, est acquittée par un jury de Virginie.

1976 - Aurélie Ouille, une Toulousaine de 82 ans, s’envole à bord du premier vol commercial du Concorde, entre Paris et Rio.

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1924 - Vladimir Illitch Oulianov, dit Lénine, meurt à Gorki Leninskie.

1921 - Amadeo Bordiga prend en main le PC italien après sa scission du PS lors du congrès de Livourne.

1911 - Le pilote français Henri Rougier gagne le premier rallye automobile Monte-Carlo.

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