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Haïti prise au piège dominicain

jeudi 5 février 2015

Des milliers de Dominicains sont menacés d’expulsion en terre voisine. il s’agit pour la plupart de fils d’immigrants haïtiens laissés de côté par le programme de naturalisation du gouvernement dominicain. Ce programme qui visait à corriger les torts causés par l’arrêt de la Cour constitutionnelle n’a rien changé. Ces Dominicains à qui on exigeait de prouver leur origine haïtienne ont été trahis également par le Programme d’identification des ressortissants haïtiens (PIDIH). Loin d’aider les fils des migrants, le PIDIH a plutôt légitimé la politique dominicaine.

Un mois après le lancement du Programme de naturalisation du gouvernement dominicain, Haïti lança en juillet 2014 le Programme d’identification et de documentation des immigrants haïtiens. Une démarche qui fera le jeu de l’Etat dominicain. Pour reconnaître ses citoyens, nés sur son sol, la justice dominicaine avait exigé les preuves de leur descendance étrangère.

Le plan national de régulation des étrangers en République dominicaine a pris fin le lundi 1er février. A partir de cette date, les personnes nées en République dominicaine, non reconnues par l’Etat, n’auront plus le droit à la nationalité dominicaine. Ce qui confirme l’arrêt 168/13 privant de nationalité dominicaine des milliers de Dominicains d’origine étrangère.

Le Programme d’identification et de documentation des immigrants haïtiens n’a pas donné de résultats. Après six mois de fonctionnement, le PIDIH n’a pu inscrire que 37 000 personnes sur les 300 000 concernés. Et de ces 37 000, des documents ont été livrés à moins de 2000. Aujourd’hui, le programme ne fonctionne même pas, en attendant sa réévaluation par le ministère des Haïtiens vivant à l’étranger.

« Le PIDIH est un fiasco total, selon Edwin Paraison, ancien ministre des Haïtiens vivant à l’étranger. Le PIDIH a fait beaucoup plus de torts aux ressortissant haïtiens qu’il n’a éliminé les frustrations de nos compatriotes » Le programme n’était pas bien planifié. Le gouvernement haïtien n’était pas prêt pour le lancer, selon l’ancien consul d’Haiti en République dominicaine.

C’est sans doute ce constat qui a poussé le nouveau titulaire du ministère des Haïtiens vivant à l’étranger à réviser ce programme. Lancé en juillet dernier au centre de la capitale dominicaine, le Programme d’identification et de documentation des immigrants haïtiens a dû être relocalisé en très peu de temps dans un quartier industriel. L’affluence des ressortissants haïtiens était devenue insupportable dans le quartier résidentiel où se trouvait le premier local du PIDIH.

Une situation qui fait l’affaire de l’Etat dominicain. Le PIDIH lancé derrière le plan de régularisation des étrangers semble plutôt avoir légitimé les manœuvres de l’Etat dominicain. En effet, à la clôture du programme ce 1er février, seulement 5% des personnes concernées ont pu intégrer le programme de naturalisation des descendants d’étrangers. En conséquence, des milliers de Dominicains d’origine étrangère sont menacés de déportation après la fermeture du programme.

Selon l’ancien ministre Paraison, le Plan de régularisation des étrangers devrait faire partie d’un accord bilatéral entre Haiti et la République dominicaine. « Avant de lancer le PIDIH, les Haïtiens devraient réfléchir à ses capacités de production des documents comme les passeports et les autres pièces d’identification. Nous n’étions pas préparés pour contrer le plan de régularisation de l’Etat dominicain », a dit monsieur Paraison.

Depuis les dernières crises politiques et le départ du gouvernement Lamothe, on observe un grand silence du côté haïtien. « La situation en République dominicaine est très grave, je ne crois pas que les autorités haïtiennes vont se chercher d’autres problèmes », a soutenu Edwin Paraison qui intervenait sur les ondes d’une radio de la capitale. N’empêche que l’Etat dominicain, fort de sa stabilité, poursuit sa politique.

Les Haïtiens vivant en terre voisine sans permis de résidence ont, quant à eux, jusqu’à juin 2015 pour se conformer aux exigences de l’Etat dominicain. Passé ce délai, les milliers de Dominicains d’origine haïtienne et les immigrants haïtiens en terre voisine seront passibles de déportation. Il sera sans doute difficile à ce moment pour l’Etat haïtien de rejeter ces personnes à qui il a accepté de livrer des documents comme citoyens haïtiens à part entière.

AUTEUR

Louis-Joseph Olivier

ljolivier@lenouvelliste.com


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