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Les femmes à leur toilette : cinq siècles de fantasme

lundi 23 février 2015

Au musée Marmottan-Monet, une exposition inédite dessine, depuis la Renaissance jusqu’à l’époque contemporaine, la lente naissance de l’intime.

Une toute jeune femme blonde et potelée, dos tourné au spectateur, achève de se coiffer devant le miroir de sa table de toilette. Un peigne traîne au milieu d’un désordre de bijoux, la demoiselle, légèrement penchée, attache des fleurs à sa chevelure... La scène serait adorable, si ce n’était le collier de perles qui manque de tomber, le reflet un peu trouble dans la glace et, surtout, ce pot de chambre encore fumant posé derrière le miroir. Les artistes sont cruels : voilà Nicolas Régner qui ramène sa coquette à "l’ordure", à "la charogne", explique Nadeije Laneyrie-Dagen, professeur d’histoire de l’art à l’École normale supérieure et commissaire avec l’historien Georges Vigarello de l’exposition inédite que le musée Marmottan-Monet consacre à la toilette.

La toilette, ou plutôt la naissance de l’intime racontée par cinq siècles de peinture : l’histoire de ces soins que, depuis les étuves publiques (et mixtes) du Moyen Âge jusqu’à la salle de bains du XXe siècle, l’on apprendra progressivement à ne se procurer qu’à l’abri des regards, dans la solitude d’une pièce close. Peu d’hommes dans ces toiles, sinon comme voyeurs ou intrus : cette histoire est aussi celle du regard masculin sur la toilette des femmes.

Quand les femmes s’en lavent les mains

À l’époque où Nicolas Régner peint la jeune femme du tableau, les ablutions ont presque disparu. On soupçonne l’eau d’avoir été cause des épidémies de peste, elle est réputée ouvrir les pores pour laisser entrer les impuretés : l’heure est au nettoiement "sec". On s’essuie avec des serviettes immaculées, on s’enduit de parfum et, surtout, on change très fréquemment de chemise. La "toilette", qui désigne d’abord le morceau de dentelle (...)
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