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Neuf mois après, les travaux de construction de la cité administrative peinent à démarrer

vendredi 13 mars 2015

Le Nouvelliste | Publié le : 12 mars 2015

Plus de neuf mois après la démolition de plusieurs maisons au bas de la ville, aucun signe des travaux de construction de l’ambitieux projet de la « cité administrative ». Entre-temps, certains expropriés n’ayant pas reçu leur indemnité menacent de retourner sur les ruines de leurs maisons. Ce que l’ingénieur Pierre André Richard, chargé de mission à l’UCLBP, banalise, arguant que ce n’est pas du jour au lendemain que les bâtiments vont sortir de terre.

Restaurants, garages, parkings, dépotoirs d’immondices, marchés publics ; petit à petit, les activités reprennent leurs droits sur les ruines des maisons détruites au centre-ville, plus de neuf mois après le déguerpissement des propriétaires en vue de construire la cité administrative. Beaucoup de décombres restent encore à enlever, tandis que, depuis quelque temps, les camions jaunes et les pelleteuses ne se font plus remarquer dans les parages. Par endroits, des herbes sauvages poussent. Tout porte à croire que le début des travaux de construction de ladite cité, dans ce conglomérat important de la capitale, n’est pas pour demain.

Cependant, le chargé de mission à la construction des grands bâtiments publics de l’Unité de construction de logements et de bâtiments publics (UCLBP), l’ing Pierre André Richard, se veut rassurant. « Ce n’est pas parce que l’Etat a démoli les maisons qu’on va du jour au lendemain commencer à construire les bâtiments, fait-il comprendre lors d’une interview accordée au Nouvelliste. Cela prendra du temps, mais les travaux sont en cours. Ils n’ont jamais été interrompus, depuis le jour où l’Etat a décidé d’exproprier les gens », avance le chargé de mission.

Et d’expliquer : « Les blocs ont été aussi démolis parce que les études sont en cours. Elles comprennent les études de fondation qui nécessitent plusieurs prises d’échantillons de sol. De plus, les firmes lors des appels d’offres pour l’exécution ont besoin de visiter les emplacements et d’avoir la garantie que les terrains sont disponibles. Telles sont des raisons parmi tant d’autres, justifiant les démolitions sur des terrains qui ont déjà été déclarés d’utilité publique ».

L’ingénieur Richard affirme en outre que « la construction des bâtiments du ministère des Finances, de la Direction générale des impôts (DGI) et de l’Administration générale des douanes (AGD) vont commencer sous peu ». « Dans l’emplacement du palais des ministères, près du palais national, à l’intérieur de l’enclos, on est actuellement en train d’installer des abris pour les ouvriers qui vont travailler dans la construction de ces trois bâtiments publics », dit-il. On pouvait remarquer un tracteur et le début des travaux de terrassement du terrain derrière cette clôture, ce mardi. Il convient toutefois de préciser que cet emplacement ne faisait pas partie de la zone d’expropriation, puisque ce terrain appartenait déjà à l’Etat haïtien.

De plus, poursuit Pierre André Richard, « le Centre national des équipements (CNE) va prochainement aplanir le terrain situé près de l’église baptiste à la rue de la Réunion en vue de construire un bâtiment provisoire pour la Direction départementale de l’Ouest (DDO) de la PNH ». « Nous devons déplacer la DDO parce que son local à Pacot est fissuré, renchérit le cadre de l’UCLBP. Ce ne sera pas encore le bâtiment définitif, mais de toute façon, il se trouvera sur l’emplacement reservé à la police… »

Par ailleurs, nombre des 450 propriétaires expropriés du centre-ville réclament encore leur indemnité pour leurs maisons détruites depuis plus de neuf mois. « On ne dédommage plus personne », indique au Nouvelliste Louicher Jean Joseph, coordonnateur général du Regroupement des citoyens du centre-ville (RCCV), ajoutant que « le dossier de l’expropriation est encore au même niveau ». A en croire le coordonnateur, « seulement 17 des 450 propriétaires ont été dédommagés à ce jour ».

Déplorant la « nonchalance » et « l’irresponsabilité » de l’État dans ce dossier, Louicher Jean Joseph fait savoir que les responsables du Comité permanent d’acquisition amiable (CPA) commencent à remettre les papiers aux propriétaires qui avaient pourtant déposé leurs dossiers depuis bien des mois. Il estime que c’est parce que l’Etat ne veut plus dédommager les expropriés qu’il leur remet leurs dossiers actuellement. « Comme nous l’avions déjà annoncé, poursuit M. Jean Joseph, nous allons demander aux propriétaires de réoccuper leurs terrains, parce que nous constatons que le gouvernement ne nous accorde aucune importance. Dans les jours qui viennent, nous allons prendre des mesures visant à forcer l’État à retourner sur sa décision parce qu’on ne peut pas déloger des citoyens de cette manière », a-t-il menacé.

« 86 propriétaires dédommagés sur 250 dossiers reçus »

Joint au téléphone par le journal, le secrétaire exécutif du Comité d’acquisition amiable (CPA), Éric Jasmin , confie que « sur quelque 250 propriétaires qui avaient déposé leurs dossiers chez le notaire Jean Henry Céant, à peu près 86 ont été dédommagés ». Force est pourtant de rappeler qu’en septembre 2014, l’ingénieur Jasmin avait affirmé au journal que sur les 450 expropriés du centre-ville, « 213 avaient déposé leurs dossiers et 80 ont été dédommagés ». Ce qui laisse croire que ce dossier avance à pas de tortue.

Conscient, le secrétaire exécutif explique cette lenteur par le changement de gouvernement effectué dans le pays en décembre 2014. Néanmoins, il rejette d’un revers de main la déclaration du coordonnateur général du RCCV, faisant croire que « seulement 17 propriétaires ont été dédommagés à date ». Il appelle les "incrédules" à passer au nouveau local du comité sis à Lalue pour consulter la liste « des 86 expropriés dédommagés ».

En outre, l’ingénieur Jasmin rappelle que le notaire Céant s’est retiré du dossier et est remplacé par trois autres notaires, dont Jordany Adé et Clermont Dossous. « C’est pourquoi, fait-il remarquer, le comité remet aux propriétaires leurs papiers afin qu’ils aillent les déposer chez les notaires précités pour les suites nécessaires. » À ceux qui se sentent las d’attendre cette indemnité, il explique que « le processus peut prendre du temps, en raison du fait que le dossier doit passer à la DGI qui, elle-même, doit vérifier l’authenticité de chaque titre de propriété ».

D’un autre côté, ne voulant pas donner de détails sur le nombre de dossiers qu’il a déjà reçu, le notaire Clermont Dossous explique pour sa part que le retard vient des deux parties en question. « Il y a retard du côté de certains expropriés qui présentent des dossiers incomplets et du côté de l’Etat aussi qui ne me donne pas encore le feu vert, révèle Me Dossous. Dès que l’Etat m’envoie les chèques, j’appellerai les intéressés pour qu’ils viennent recevoir ce qu’ils avaient négocié pour leurs propriétés. »

Pour le notaire, « la procédure consiste notamment à recevoir les titres de propriété et un rapport du service d’enregistrement de la DGI lui permettant de vérifier l’authenticité de ces documents… » « Cela n’est pas censé prendre beaucoup de temps, confie Me Clermont Dossous. Aussitôt que le procès-verbal est dressé, s’il n’y a pas de manquement dans les dossiers, c’est quelque chose qui peut être réglé dans un bref délai… »

AUTEUR

Bertrand Mercéus


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