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Brésil 2014 : la Seleçao est au bord de la crise de nerfs

jeudi 3 juillet 2014


« Il y a la tension, ce n’est pas facile de jouer un Mondial à la maison. » Les propos du sélectionneur brésilien, Luiz Felipe Scolari, tiennent de l’euphémisme lorsqu’on a assisté au déferlement d’émotions sur la pelouse du stade Mineirao de Belo Horizonte, samedi 28 juin lors de la qualification in extremis du Brésil. Les scènes inhabituelles se sont succédé : du gardien Julio Cesar en pleurs avant même la séance de tirs au but, Neymar l’imitant après la frappe sur le poteau du Chilien Pinilla et le capitaine, Thiago Silva, s’effondrant dans le rond central, comme vaincu, alors que la Seleçao venait au contraire d’éviter l’abîme et de rejoinLire notre compte-rendu : Un Brésil miraculé arrache sa qualification face au Chili

Deux cents millions de Brésiliens — il faut bien sûr en retrancher les anti-Coupe du monde — et 1 500 à 2 000 journalistes suivent les matchs de l’équipe nationale, des dizaines de radios et de télévisions multiplient les directs. Tous les entraînements, même les exercices physiques, sont commentés, étudiés, disséqués. Bref, le monde du football a les yeux rivés sur eux.

TOURBILLON POPULAIRE ET MÉDIATIQUE

La sélection brésilienne se plie d’ailleurs à cette pression médiatique en laissant les journalistes assister à tous ses entraînements, à l’exception des veilles de match. Contrairement aux autres équipes, il n’y a jamais ou presque de huis clos. Les réseaux sociaux sont omniprésents dans la vie des joueurs, mais le courrier traditionnel aussi. Les joueurs reçoivent 6 000 lettres par semaine en moyenne. Les supporteurs sont partout autour de la Granja Comary (le camp d’entraînement), au moindre déplacement et, bien sûr, dans les stades. « C’est un cadeau d’avoir les gens, les supporteurs », affirme Dani Alves.

Lire : Les Brésiliens respirent, ils sont en quarts de finale

Un soutien plein de ferveur teintée de mysticisme qui, conjugué au caractère et à l’exigence du sélectionneur Scolari, tend parfois à se transformer en cadeau empoisonné. « Luiz Felipe Scolari met beaucoup de pression sur les joueurs. Qu’on le veuille ou non, disputer la Coupe à la maison pèse », explique Carlos Alberto Torres, ancien capitaine de la mythique équipe championne du monde 1970, qui s’inquiète devant l’émotivité de l’équipe.

Carlos Alberto n’épargne donc pas les joueurs, en particulier le capitaine Thiago Silva, qui s’était isolé sur la pelouse avant la séance de tirs au but contre le Chili, samedi à Belo Horizonte, semblant pleurer le visage entre les mains. Avant cette rencontre-couperet, le défenseur vedette du PSG fanfaronnait pourtant quelque peu : « On n’est pas gêné (…) ça fait partie du football, si tu ne supportes pas la pression, change de branche ! » La suite s’est révélée bien différente. S’isolant dans la prière loin de ses partenaires et demandant à être le dernier à tirer lors de la séance des tirs au but… Non pas le dernier des 5 tireurs comme le font les leaders mais le dernier des 11, voulant passer après son gardien.
dre les quarts.


LA DÉFAILLANCE DE THIAGO SILVA

« C’est un très bon joueur, un leader. C’est pour cela qu’il a été choisi capitaine, parce qu’il a toutes les qualités. Il ne peut pas paraître ainsi abattu. Il doit vibrer, tirer les autres vers le haut », estime l’ancien défenseur de Santos. L’émotivité du gardien Julio Cesar — qui pleure avant les tirs au but — ou de Neymar — au bord des larmes pendant les hymnes — inquiète également l’ancien champion du monde : « On met cela sur le compte des supporteurs, de l’enthousiasme. Mais l’équipe doit être préparée pour cette pression (…) Elle est qualifiée, il n’y a pas de place pour les pleurnicheries d’enfant, parce que comme ça ils ne vont rien gagner du tout. »

Devant ce constat inquiétant, cet avertissement sans frais, Luiz Felipe Scolari a lancé un plan de récupération mentale de ses joueurs, avec notamment la visite d’une psychologue et un discours volontariste sur le sujet avant le quart contre la Colombie vendredi à Fortaleza. La psychologue Regina Brandao, qui suit régulièrement la Seleçao, a débarqué en urgence, même si elle a affirmé dans la presse que sa visite était prévue de longue date. Sa mission : redonner confiance aux joueurs en leur faisant comprendre que la peur neutralise leur potentiel, alors que le potentiel doit leur permettre de dominer la peur.

La psychologue, qui travaille avec Scolari depuis plus de quinze ans, a dessiné le profil psychologique de chacun des joueurs, avait-elle confié en décembre au New York Times. « Les joueurs brésiliens ont souvent une perception différente [par rapport aux autres pays] de situations similaires. C’est une question de culture, ils vivent les choses plus intensément. En bien et en mal », soulignait-elle.

THÉRAPIE

« Je n’avais jamais fait quelque chose comme ça avant, et c’est agréable », a affirmé la star Neymar à propos de la thérapie avec Regina Brandao. « Il n’y a pas que nous les footballeurs qui sommes entourés d’émotion, qui ayons besoin de psychologues. Ça peut faire du bien à tout le monde, d’aider à être plus relax (…) J’apprends beaucoup avec elle et j’espère apprendre encore », a-t-il ajouté.

Contre le Chili, l’enjeu avait paralysé les joueurs. « On n’avait pas réussi à maîtriser le ballon, probablement en raison de la tension et de la pression (…) il faut qu’on gère ça. Le plus important ce sera notre attitude sur le terrain », explique Fernandinho, qui sait que le Brésil doit retrouver son jeu.

Le joueur de Manchester City devrait être titulaire au milieu de terrain aux côtés de Paulinho. Ce dernier, titulaire lors des trois premiers matchs mais qui n’a pas joué contre le Chili en raison de performances médiocres, est peut-être néanmoins l’exemple à suivre. C’est lui qui avait suppléé Thiago Silva avec un discours à ses partenaires avant la séance des penalties. Il avait agi en patron, sachant improviser sous les pressions et dans l’urgence. Comme au front lorsque l’adjudant-chef, rompu aux joutes, change le cours de la bataille en prenant les commandes au capitaine timoré.


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