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Privés d’eau, des quartiers interpellent la DINEPA

jeudi 2 avril 2015

Trois mois après la promesse d’un assouplissement du rationnement en eau potable dans plusieurs points de l’aire métropolitaine, la Direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (Dinepa) semble se casser les dents sur un problème que ses responsables ne sont pas encore en mesure de résoudre. Le commerce de l’eau s’installe dans plusieurs quartiers de la commune de Port-au-Prince et s’impose aux habitants qui doivent en acheter chaque jour ou presque.

Dimanche, il est midi. Plus d’une vingtaine de camionnettes avec des citernes qui peuvent contenir jusqu’à quatre drums s’alignent dans le quartier de Grand-Ravine. C’est le seul endroit à Carrefour-Feuilles où l’eau est accessible presque chaque jour en raison de son positionnement et des piquages effectués sur les réseaux de la Dinepa. En effet, certains habitants de ce quartier profitant de la faiblesse de l’État entreprennent un commerce d’eau à travers des captages privés illégaux. « On achète les drums à 10 dollars et on les revend à 15 dollars dans les autres quartiers de Carrefour-Feuilles », a déclaré le chauffeur d’une camionnette venu s’approvisionner dans des branchements clandestins à Grand-Ravine.

Certains utilisent même des génératrices pour tirer l’eau avec une plus grande pression. Ce qui leur permet de remplir leurs citernes juchées sur leur pick-up dans un meilleur délai.

Selon les données disponibles, les responsables de la Dinepa avaient identifié l’année dernière plus de 1 600 piquages sur le réseau de Martissant, lesquels sont, selon eux, les principales causes de cette rareté d’eau dans certains quartiers de Carrefour-Feuilles. « Les agents de la Dinepa ont essayé de réparer ces piquages avec l’appui des agents de la Police nationale d’Haïti. Les habitants de Martissant et de Grand-Ravine ont protesté et les agents de la compagnie ont failli laisser leur peau », explique l’un des responsables du réservoir qui se trouve à la première avenue Bolosse à Carrefour-Feuilles.

L’accès à l’eau potable est devenu préoccupant pour les habitants de la région métropolitaine, occasionnant un vrai supplice pour les ménages. Des populations privées d’eau achètent de l’eau dont nul ne peut garantir la qualité. Pour une population estimée à plus de 3 millions d’âmes, la Dinepa est incapable de suivre sa progression. Ce précieux liquide qui coulait jadis dans les robinets des habitants de certains quartiers de Carrefour-Feuilles est devenu de plus en plus rare dans les ménages.

Si la dégradation des sources et de l’environnement et les factures non payées peuvent réduire la capacité de la Dinepa de répondre aux besoins quotidiens en eau potable de ses clients, la Dinepa se heurte, selon une source digne de foi, à un autre plus grand problème. « Le piquage des réseaux et les branchements clandestins constituent les raisons majeures qui expliquent l’incapacité de la Dinepa à répondre aux besoins de ses clients », a affirmé notre source.

Contacté par Le Nouvelliste, le directeur de la Direction nationale d’eau potable (Dinepa), l’Ing Benito Dumay, a souligné que la rareté de l’eau à Carrefour-Feuilles est très complexe et que toutes les mesures sont en train d’être prises pour pallier cette situation. « Nous avons constitué un comité avec les éléments influents de Grand-Ravine le mois dernier sur la situation des piquages qui réduisent la pression de l’eau, a-t-il souligné. Ensemble, nous allons voir comment nous pouvons réparer tous les piquages qui nous empêchent d’alimenter plusieurs zones de Carrefour-Feuilles en eau potable. »

Pour ce faire, le directeur de la Dinepa a expliqué que l’institution qu’il dirige va construire au moins 7 kiosques de distribution d’eau. « Une façon pour nous de régulariser la commercialisation de l’eau qui se fait jusque-là de manière illégale à Carrefour-Feuilles et dans ses environs, a-t-il expliqué. Avec cette nouvelle mesure, nous sommes certains que nous allons, dans peu de temps, trouver une réponse appropriée à cette situation qui perdure encore et qui constitue un vrai handicap pour nous. »

Si le projet de la construction de ces kiosques est, selon Benito Dumay, la meilleure façon de résoudre le problème de l’eau à Carrefour-Feuilles, il ne pouvait pas par contre préciser quand est-ce que ce projet sera mis en exécution dans la zone de Carrefour-Feuilles. Il a simplement déclaré que la Dinepa cherche encore du financement auprès de certains partenaires comme l’Unicef et l’OPS-OMS en vue de démarrer ce projet le plus vite possible

Depuis le début de l’année 2015, les habitants de plusieurs quartiers de Carrefour-Feuilles sont obligés de changer leur mode de vie. Malgré qu’ils aient pour la plupart des robinets dans leur foyer, ils sont obligés parallèlement de payer un abonnement pour avoir ce liquide précieux. « La Dinepa ne distribue plus de l’eau dans ma zone depuis des lustres, a dit une femme dans la trentaine qui, assise auprès de deux drums (récipient d’environ 55 gallons), attend l’arrivée d’une camionnette qui lui apporte de l’eau tous les deux jours. Je suis obligée d’en acheter pour fonctionner et faire la lessive. »

En effet, la rareté de l’eau ne concerne pas seulement les différents quartiers de Carrefour-Feuilles. Les bornes fontaines qui desservent les 22 000 habitants du centre-ville de Kenscoff, de Platon-Café, de Guibert et de Fermath sont à sec. Cette situation a occasionné le mécontentement d’une population exaspérée réclamant de plus en plus agressivement son droit d’accès à l’eau potable. Le 6 décembre 2014, les habitants de plusieurs quartiers de la commune de Pétion-Ville ont perturbé la célébration de la Saint-Nicolas, la fête patronale de la commune, à travers des manifestations de rue. Des femmes et des enfants, seaux en main, scandaient des propos hostiles à la DINEPA, l’organisme en charge de la distribution d’eau dans la commune.

A Pétion-Ville, le Centre technique d’exploitation de la région métropolitaine de Port-au-Prince (CTE-RMPP) est en train de réaliser certains projets qui empêchent les Pétion-Villois de bénéficier d’une meilleure distribution de ce liquide précieux. Selon les responsables de la DINEPA, les habitants de Pétion-Ville pourront bénéficier d’une meilleure distribution d’eau potable dans les mois prochains. Plusieurs quartiers dans le centre-ville dont la rue des Casernes n’ont presque pas bénéficié de ce liquide précieux depuis plusieurs mois, selon certains riverains du centre-ville.

AUTEUR


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