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Budget : pourquoi la France devra faire des efforts d’économies supplémentaires

jeudi 9 avril 2015

L’exécutif a dévoilé sa trajectoire de réduction des déficits et promet de revenir sous les 3 % en 2017, sans nouvelles mesures de rigueur. Pas si sûr.

Par Marc Vignaud

Il se passe incontestablement quelque chose sur le front budgétaire. Alors que François Hollande n’a jamais atteint ses prévisions de croissance - et donc de déficit -, ni en 2013 ni en 2014, il pourrait enfin y parvenir juqu’à 2017.

Bercy a levé le voile, mercredi soir, sur les grandes lignes de sa trajectoire budgétaire, que la France doit soumettre à Bruxelles le mois prochain dans "son programme de stabilité" annuel. Pour restaurer sa crédibilité budgétaire perdue, le ministre des Finances Michel Sapin a revu ses espérances de croissance à la baisse, à peine quelques mois après leur adoption définitive par le Parlement dans la loi de programmation des finances publiques. Une manière d’avouer qu’elles étaient une nouvelle fois trop optimistes.

"Nous n’utilisons aucun biais" (Michel Sapin)

Avec 1 % cette année, puis 1,5 % en 2016 et en 2017 (au lieu de 1,7 % et 1,8 %), les cibles de Sapin semblent désormais tout à fait atteignables, ce qui devrait garantir le retour sous les 3 % de déficit d’ici 2017, comme promis à ses partenaires européens. D’autant que ses hypothèses d’inflation se révèlent elles aussi conservatrices. "Nous n’utilisons aucun biais pour afficher une trajectoire de déficit plus favorable", se félicite Michel Sapin dans une interview aux Échos de jeudi.

Paris ambitionne de revenir à 3,8 % de déficit par rapport au PIB cette année, 3,4 % l’année prochaine, et 2,7 % fin 2017. "Notre trajectoire est donc légèrement meilleure que celle recommandée par la Commission européenne", triomphe le ministre.

Des chiffres partiels

Il faut dire que le gouvernement est bien aidé par l’effondrement des prix du pétrole ainsi que par la politique monétaire exceptionnelle de la Banque centrale européenne (BCE), qui a fait chuter l’euro et les taux d’intérêts sur la dette publique.

Mais les chiffres dévoilés en avance par Bercy passent sous silence certains éléments plus gênants pour le gouvernement. Il faudra en effet attendre le 15 avril et la présentation officielle du "programme de stabilité" en conseil des ministres pour connaître l’ampleur des mesures d’économies sur les dépenses publiques.

Un effort structurel à augmenter

La Commission européenne demande à la France de ne pas se contenter de l’augmentation mécanique des recettes générées par un surcroît d’activité pour réduire le déficit. C’est pourquoi elle réclame une réduction du "déficit structurel" - celui qui ne dépend pas de la conjoncture économique - bien plus importante que ce qui était prévu jusqu’à présent (0,8 % puis 0,9 % en 2016 et 2017). Un tel effort représente potentiellement 30 milliards d’économies supplémentaires par rapport aux fameux 50 milliards sur lesquels se sont engagés François Hollande et Manuel Valls de 2015 à 2017. Michel Sapin ne veut pas en entendre parler : "Nous ne ferons rien de plus qui viendrait entraver le retour à une croissance de 1,5 %", se défend le ministre.

Mais pour passer la barre de Bruxelles, la France va tout de même devoir accentuer ses efforts budgétaires. Les traités fixent une réduction minimum du déficit structurel de 0,5 % par an. Une exigence que ne respecte pas la loi pluriannuelle votée par le Parlement à la fin de l’année dernière : l’effort structurel inscrit n’est que de 0,2 % en 2016 et 0,3 % en 2017.

3 à 4 milliards à trouver dès 2015

"Notre plan de 50 milliards d’économies permet de respecter l’effort minimum requis en 2016 et 2017", répond Michel Sapin aux Échos. Une façon de dire que le chiffre de 0,5 % sera atteint sans économies supplémentaires, grâce notamment à la chute des intérêts de la dette. Sauf qu’avec la révision à la baisse de l’inflation, les mesures envisagées jusqu’à présent n’auront pas le même rendement. Il faudra donc en prendre de nouvelles, comme c’est d’ailleurs déjà le cas pour atteindre les 21 milliards d’économies de 2015.

"Le montant de 21 milliards, qui figurait dans le programme de stabilité d’avril 2014, a été maintenu alors même que les économies résultant du gel de la valeur du point de la fonction publique et de la désindexation de certaines prestations sociales, qui sous-tendaient ces estimations, ont diminué d’au moins 2 milliards du fait de la baisse de l’inflation prévue en 2015", s’était étonnée la Cour des comptes dans son rapport annuel publié le 11 février. Depuis, Michel Sapin a changé de discours. Il explique désormais que les 3 à 4 milliards supplémentaires réclamés par la Commission européenne cette année pour tenir les exigences de réduction minimale du déficit structurel servent en fait à atteindre les 21 milliards...

50 milliards d’économies, un chiffre devenu un symbole politique

La Cour des comptes critique régulièrement le manque de transparence sur la méthode utilisée pour estimer la hausse tendancielle des dépenses publiques, référence qui sert à calculer le montant des économies réalisées. Devenu un symbole politique auquel il ne faut surtout pas toucher, le chiffre de 50 milliards d’économies (dont 21 en 2015) peut donc être maintenu artificiellement. Et pour cause : s’il devait être augmenté, les députés PS frondeurs hurleraient à l’austérité. Au contraire, s’il n’était pas tenu, l’exécutif apparaîtrait comme laxiste. La complexité du sujet est ainsi devenue le meilleur allié du pouvoir pour s’en sortir.

Preuve que l’exécutif n’a aucune envie de voir sa trajectoire budgétaire scrutée de trop près par sa majorité, malgré une trajectoire plus que jamais atteignable, il ne devrait pas la soumettre au vote comme il l’avait pourtant fait en 2013 et 2014. L’année dernière, 41 députés PS s’étaient abstenus et 3 avaient voté contre. Une expérience que le gouvernement ne souhaite pas renouveler, même si la responsabilité du gouvernement n’est pas engagée.


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