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Etats-Unis : Les tourments du juge Kennedy sur le mariage gay

mercredi 29 avril 2015

Les juristes américains se perdaient en expectatives, mercredi 29 avril, au lendemain des auditions consacrées par la Cour suprême à la question du mariage homosexuel (cas Obergefell v. Hodges). Rédacteur en 2013 d’un l’arrêt important contestant la définition stricte du mariage comme l’union d’un homme et d’une femme votée par le Congrès en 1996, Anthony Kennedy a à plusieurs reprises rejoint la minorité des quatre juges libéraux (au sens anglo-saxon) sur les dossiers relatifs aux discriminations frappant les homosexuels. L’ancien juge de la Cour d’appel fédérale de San Francisco, nommé par le républicain Ronald Reagan en 1988, était ainsi considéré par les associations militant en faveur du mariage gay comme un allié face aux quatre autres juges conservateurs.

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Ces dernières ont donc été d’autant plus prises de court lorsque Anthony Kennedy a semblé mardi écrasé par les responsabilités, exprimant son inconfort à l’idée que neuf juges désignés et non élus remettent en cause une tradition pour laquelle il faut compter en siècles. « Nous vivons avec cette définition [du mariage] depuis des millénaires. Et il est très difficile pour la Cour que dire : Et bien, nous sommes plus malins », a-t-il assuré. Les juges qui avaient été contraints de s’impliquer dans cette querelle juridique et sociétale à la suite de divergences entre les Cours d’appel fédérales sur la question de la légalisation du mariage homosexuels avaient refusé tout d’abord d’interférer en octobre 2014. Pour une raison évidente compte tenu de la profondeur des divisions internes manifestées par les auditions du 28 avril.

« Vous voulez en fait changer cette institution »

Le président de la Cour suprême, John Roberts a ainsi porté le fer en rappelant que jusqu’en 2001 aucun Etat dans le monde n’avait jamais défini autrement le mariage que l’union d’un homme et d’une femme. Il a également estimé, face à la juriste défendant le principe de la légalisation, Mary Bonauto, que cette dernière ne cherchait pas, contrairement à ce qu’elle assurait, à faire en sorte que les couples homosexuels « rejoignent une institution ». « Vous voulez en fait changer cette institution », a-t-il assuré.

Un point aussitôt contesté par les juges libérales Ruth Bader Ginsburg et Sonia Sotomayor pour lesquelles étendre aux homosexuels les bénéfices du mariage ne retirerait rien aux couples hétérosexuels. Fidèle à elle-même, la juge Bader Ginsburg avait auparavant exécuté à sa manière la notion de tradition défendue par ses pairs conservateurs, le juge Roberts mais aussi Antonin Scalia et Samuel Alito en rappelant que le mariage avait aussi réduit les femmes à un rôle subalterne pendant des siècles, que cette institution avait évolué, fort heureusement de son point de vue, et qu’elle continuerait à la faire, dans une allusion au basculement de la société américaine, en quelques années, sur le sujet.

Quête de dignité

Comme le juge Kennedy, les juges conservateurs ont insisté sur l’atteinte à la démocratie que constituerait une décision s’imposant à tous prise par des juges. Pour John Roberts, « fermer le débat peut aussi fermer les esprits, et cela peut avoir des conséquences l’acceptation de cette nouvelle institution. Les personnes ne raisonnent pas de la même manière sur un sujet quand ils peuvent avoir l’opportunité de s’exprimer par un vote et quand il est tranché pour eux par des Cours ». « Nous ne vivons pas dans une pure démocratie, a rétorqué Elena Kagan, nous vivons dans une démocratie constitutionnelle » qui a le devoir de protéger les minorités.

Les défenseurs de la légalisation du mariage gay ont repris espoir lorsque le juge Kennedy a repris la parole pour exprimer ses doutes lorsque John Bursch, le juriste défendant les quatre États qui demandent que la Cour confirme l’interdiction du mariage homosexuel (Kentucky, Michigan, Ohio, Tennessee), a assuré que la démarche ne visait que le bien-être des enfants. Ils ont été un peu plus rassurés lorsque le juge a également exprimé une grande empathie envers la quête de dignité que traduisait selon lui la démarche des couples homosexuels. Mais les doutes nés des auditions de mardi ne seront vraiment dissipés que par la lecture de l’arrêt que rendra la Cour. Ce dernier est attendu dans les derniers jours du mois de juin.

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