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LeBron James, le retour du Roi

samedi 12 juillet 2014


I’m coming home". Le Kid d’Akron, petite ville située à une soixantaine de kilomètres de Cleveland, dans l’Ohio, est de retour chez lui, à la maison. Quatre ans après le psychodrame engendré par son départ des Cavaliers de Cleveland vers le Heat de Miami, LeBron James a annoncé, vendredi 11 juillet, qu’il retournait sur ses terres, dans son club.

A 29 ans, le double champion NBA, quadruple MVP, a fait le choix qu’il fallait. Pour sa légende, faite de trahisons et de rédemption, pour refermer la plaie béante laissée par son départ de Cleveland. Un retour, dit-il, qu’il a toujours programmé.

"THE DECISION"

Le 8 juillet 2010, LeBron James annonce son départ de Cleveland, où il a joué sept ans, vers Miami. Son choix, retransmis en direct à la télévision américaine, suivi par plus de 10 millions de téléspectateurs, provoque une onde de choc. Rarement l’annonce d’une destination de club n’avait suscitée tant d’engouement. Cet épisode - parfaitement scénarisé par ESPN - est vendu sous le nom de "The Decision".
Après sept ans passés dans le club qui l’a drafté, sans réussir à conquérir le titre suprême, le meilleur joueur de la NBA, l’un des plus grands de tous les temps, s’en va constituer un Big Three à Miami pour assouvir sa soif de titres. Il rejoint Dwyane Wade, l’âme du Heat, et Chris Bosh, en provenance des Raptors de Toronto.

Deux jours plus tard, 13 000 fans assistent à la présentation des Three Amigos, Dwyane Wade, LeBron James et Chris Bosh, à l’American Airlines Arena de Miami. Le show, d’une trentaine de minutes, mêle clips, effets spéciaux, bain de foule et interviews.
Outre la manière, exubérante, inélégante, ce choix est également interprété comme un désaveu sportif. LeBron James n’a pas les épaules pour mener son équipe de toujours au titre. Contrairement à Michael Jordan qui, après sept ans de douloureux mais initiatiques échecs face aux Celtics de Boston ou aux Pistons de Detroit, a su bâtir sa légende en faisant grandir sa franchise des Bulls de Chicago pour la conduire jusqu’au sommet.

LEBRON JAMES ET MIAMI HONNIS

Hormis à Miami, le choix de LeBron James fait grincer des dents. Anciennes gloires NBA, médias, hommes politiques, fans de basket sont (presque) unanimes pour le désavouer. Mais c’est évidemment à Cleveland que le choc est le plus dur à encaisser. De 2003 à 2010, le Kid d’Akron avait réussi à changer l’image et la réputation de toute une franchise et de toute une ville. Les Cavaliers, habitués aux bas fonds des classements NBA, étaient abonnés aux playoffs, atteignant même les finales en 2007, et Cleveland était devenue une ville enfin attractive.

Plus que tout, James trahit cette ville, touché par la crise, et dont il était la fierté, l’étendard. Après son départ, les Cavs vont s’écrouler et établir l’un des pires records de la Ligue. La valeur de la franchise chute de près de 26 % en 5 mois selon Forbes. Cleveland (re)disparaît de la carte.

Le propriétaire des Cavs, Dan Gilbert, publie une lettre d’une rare violence sur le site internet de la franchise pour dénoncer le départ de James, évoquant un homme "sans cœur et insensible", dénonçant "l’opération de communication narcissique" et compatissant avec les fans de Cleveland qui ne "méritaient pas cette lâche trahison" .

« Il est temps que LeBron réponde de ses actes. Ce n’est pas l’idée qu’il parte qui est inconcevable, c’est la manière. Il a été irrespectueux, et il faut que les gens comprennent quel type de personne il est. Il avait carte blanche ici. Les gens l’ont protégé pendant trop longtemps. Ce soir, on a vraiment vu son vrai visage. Je peux vous assurer que je n’oublierai jamais ce qu’il a fait [...] Aujourd’hui, il a besoin d’aller dans une autre équipe où il y a déjà deux superstars pour tenter de gagner un titre. Nous gagnerons un titre avant le Heat. »

Cette lettre, retirée du site internet du club la semaine dernière - signe annonciateur du retour de l’enfant prodigue - n’était rien comparée à l’accueil réservé à l’Elu pour son premier match à Cleveland avec le maillot du Heat sur les épaules, en décembre 2010.

Injures, huées et menaces n’ont pourtant pas l’effet escompté sur "The Lyin’ King", le traître, qui sort ce soir-là sa meilleure performance de la saison avec 38 points, 8 passes décisives et 5 rebonds.
Sifflés sur tous les parquets, le Heat de Miami et LeBron James atteignent cette saison les finales NBA mais s’inclinent face aux Mavericks de Dallas de Dirk Nowitzki. Le projet du président du Heat Pat Riley échoue. LeBron James, devenu l’un des sportifs le plus haï du pays, est encore pointé du doigt pour son incapacité à gérer les moments décisifs.

VERS LA REDEMPTION

Après une remise en cause salutaire lors de l’intersaison, et délesté d’une partie de la pression liée à sa médiatique arrivée au Heat, LeBron James décroche enfin son graal la saison suivante en venant à bout du Thunder de Kevin Durant en finales NBA, dont il est élu MVP. Le King est adoubé pour de bon.

>> Lire le portrait de LeBron James, le King assagi

Au sommet de son art, il répond aux critiques par ce qu’il sait faire le mieux : jouer au basket. Enfin apaisé, LeBron James atteint la maturité dans son jeu. Marqueur, passeur, rebondeur, leader. Le Heat réalise le doublé la saison suivante face aux Spurs de Parker.

LE RETOUR DE L’ENFANT PRODIGUE

Mais la défaite en finales face à ces mêmes Spurs en juin dernier lui enlève un autre challenge. Le Heat ne réalisera pas le triplé, le fameux "three peat". LeBron James n’a pas failli mais l’équipe autour de lui n’a pas été à la hauteur. Avec un Wade claudiquant flotte un air de fin de cycle pour le Big Three de Miami, après seulement quatre ans d’existence.

LeBron James se place en agent libre, le 24 juin dernier, faisant une croix sur ses deux dernières années de contrat, ouvrant ainsi les discussions avec les autres clubs, tout en laissant la porte ouverte à Miami, seule franchise capable de lui offrir un contrat maximal de 127,7 millions de dollars sur cinq ans.

De son sort dépend, à nouveau, le futur visage de la NBA. Chaque geste, chaque parole de LeBron James sont alors épiés. On aperçoit le jet privé de Dan Gilbert à l’aéroport de Miami. Les voitures du King sont déménagées. La fameuse lettre incendiaire du propriétaire des Cavs est retirée du site internet de la franchise. Autant de petits signes qui agitent les fans de NBA.

Finalement, ce vendredi 11 juillet, LeBron James annonce son retour. Son annonce est tout l’inverse de The Decision : sincère, sobre et par le biais d’une simple lettre publiée sur le site internet de Sports Illustrated :

« La lettre de Dan Gilbert, les huées des fans de Cleveland, les maillots brûlés… Voir tout ça a été dur pour ma femme et ma mère. Mes sentiments étaient partagés. C’était facile de dire que je ne voulais plus avoir affaire à ces gens-là. Mais il faut se mettre à leur place. Et si j’étais un petit garçon qui admirait un athlète, que cet athlète lui donnait envie de réussir, mais qu’il partait ? Comment aurais-je réagi ? J’ai rencontré Dan, je lui ai parlé les yeux dans les yeux, d’homme à homme. Nous en avons discuté. Tout le monde fait des erreurs. J’en ai fait aussi ».

Le propriétaire des Cavs s’est également fendu d’un message sur son compte Twitter avec toujours le même sens de la la mise en scène : "Mon fils de 8 ans : "Papa, ça veut dire que je pourrai de nouveau porter le maillot de Lebron ? ... Oui, fils. Oui !". Grandiose.
Dan Gilbert parle à son fils et pardonne à son Fils. Certains fans des Cavs attendront surement de juger sur pièces avant d’absoudre le Kid d’Akron.

ET MAINTENANT ?

Le retour de LeBron James rebat aussi toutes les cartes en NBA. D’équipe talentueuse en devenir, Cleveland est désormais un très sérieux candidat au titre. Le piteux parcours après le départ de James ont permis à la franchise de recruter les meilleurs joueurs universitaires ces dernières saisons.

James sera entouré du meneur All Star Kyrie Irving, 22 ans, et de Andrew Wiggins, 19 ans, numéro un de la draft 2014, Dion Waiters ou Tristan Thompson, et coaché par un nouveau venu en NBA, l’israélo-américain David Blatt, auréolé d’un titre de champion d’Europe avec le Maccabi Tel-Aviv. De par son expérience, James sait que l’alchimie d’une équipe dépend de milliers de détails. Et explique dans sa lettre que la route vers le titre sera "un long processus".

« Je ne promets pas un titre. Je sais à quel point c’est difficile à obtenir. Nous ne sommes pas prêts, c’est évident. Bien sûr, je veux gagner dès l’an prochain mais je suis réaliste. Je sais que ça va être un long processus, bien plus long qu’en 2010. Ma patience sera testée, je le sais. Je retrouve une jeune équipe et un nouveau coach. Je serai l’ancien. Mais je suis excité à l’idée de former un nouveau groupe et de l’aider à aller où il ne pensait pas pouvoir aller ».

Dans la soirée, le Heat a contre-attaqué en annonçant la prolongation de Chris Bosh pour quatre ans, alors qu’il était fortement pressenti pour faire également ses bagages du côté des Rockets de Houston, ce qui aurait laissé un Miami en ruines. Nouveau rebondissement dans la grand-messe des changements de clubs de l’intersaison, dont le Knicks Carmelo Anthony, autre free agent, est le dernier grand acteur.

Le club floridien ne se montre en tout cas pas rancunier envers LeBron James. "Merci pour les souvenirs", écrit la franchise, montrant un Roi tourné vers son public de l’American Airlines Arena. Il leur a apporté deux titres. Reste à faire de même avec SON club.


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