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25 juin 1893. Fait cocu par sa fiancée, le sergent Vacher devient un abominable tueur en série.

jeudi 25 juin 2015

Après une tentative ratée de suicide, Vacher se venge des femmes en violant et en massacrant à tour de bras.


Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Le sergent Joseph Vacher du 60e régiment d’infanterie de Besançon, 23 ans, s’est amouraché d’une bonne absolument délurée nommée Louise Barrand. Il en est dingue au point d’en négliger son service. Le 25 juin 1893, bénéficiaire d’une permission, il court la retrouver. Mais la belle ne l’a pas attendu, elle s’est entichée entre-temps d’un autre militaire. Cruelle, elle lui jette la "bonne" nouvelle à la figure, s’amusant de son désarroi. Mais Joseph ne désarme pas. Il pose un genou à terre pour la demander en mariage. Louise explose de rire. Il se prend peut-être pour le Bachelor... Épouser ce simplet avec ses allures minables ? Jamais de la vie ! Il est tombé sur la tête !

Joseph se retire, la mort dans l’âme. Le soir même, il revient avec un bouquet de fleurs ramassées sur son chemin pour réitérer sa demande. Louise reprend ses moqueries de plus belle. Cette fois, la coupe est pleine pour le sergent Vacher. Il sort un revolver de sa poche pour lui tirer quatre balles dessus, avant de retourner l’arme contre lui. Non seulement il est cocu, mais il est également maladroit. En effet, tous deux réchappent à leurs blessures. Dommage pour ses futures victimes.

Mutilant et violant

En fait, le chirurgien ne parvient à extraire qu’une des deux balles logées dans le crâne. Joseph se retrouve avec la face balafrée, le côté droit du visage paralysé, sa bouche tordue quand il parle, l’oeil droit toujours injecté de sang et son oreille droite suppure en permanence. En le regardant, même Ribéry aurait un mouvement de recul... Inculpé de tentative d’assassinat, Vacher est interné à l’asile de Dole dans le Jura pour y subir un examen psychiatrique afin de déterminer sa responsabilité pénale. En septembre 1893, le psychiatre Guillemin rend son rapport : "Le sieur Joseph Vacher est atteint d’aliénation mentale caractérisée par le délire des persécutions. Il est irresponsable de ses actes." Par conséquent un non-lieu est prononcé et Joseph est transféré à l’asile Saint-Robert dans l’Isère. Au début de son séjour, il est comme une bête en cage, pris d’accès de fureur, de crises de démence, de paranoïa ; il tente même de s’évader. Et puis, comme par enchantement, il devient doux comme un agneau à tel point que, le 1er avril 1894, il est considéré comme guéri !

Une fois dehors, le mouton se transforme vite en loup. Il erre dans les campagnes françaises, trouvant des jobs ici et là dans les fermes tout en tuant, massacrant, mutilant et violant des femmes, des enfants, sans que personne le soupçonne. Il parle comme un illuminé et, avec son allure, il inspire surtout la pitié. Vacher est inépuisable, il parcourt jusqu’à 70 kilomètres dans la même journée pour assouvir sa soif de sang. Il sème les cadavres aussi vite que le Petit Poucet ses cailloux, avec toujours le même rituel atroce : il croise un jeune berger ou une jeune bergère, l’assaille, l’étrangle, le met à terre, l’égorge, l’éventre, lui incise les parties génitales, va même jusqu’à planter ses dents dans sa chair et, ultime gâterie, se livre à un acte sexuel post mortem.

Il simule la démence

Celui qui va mettre fin à cette mortelle randonnée est un jeune procureur nommé Émile Fourquet. En 1897, venant de prendre son nouveau poste, son attention est attirée par un dossier en attente particulièrement horrible : le meurtre de Victor Portalier, égorgé, éventré, ses parties génitales tranchées et violé après sa mort. Les témoins décrivent un vagabond, un Quasimodo tout droit sorti d’une foire, mais à cette époque la France compte des milliers de vagabonds, impossible de le trouver ! Fourquet fait le rapprochement avec un autre meurtre commis la veille de l’assassinat de Victor à 100 kilomètres de là, la même boucherie. Dans ce cas aussi, les témoins rapportent avoir croisé un rôdeur au visage déformé... Et si c’était le même homme ?

Fourquet entame une enquête d’envergure malgré les faibles moyens de communication de l’époque et contacte tous ses homologues de l’Hexagone pour vérifier qu’ils n’ont pas de dossiers non élucidés similaires. Au total, il en retrouve une vingtaine. Comment mettre la main sur un vagabond qui change sans cesse de département ? Fourquet fait réaliser un portrait type qu’il adresse à ses confrères, le profilage est né ! Le 4 août 1897, Vacher est arrêté alors qu’il s’apprête à passer à l’attaque. Le procureur à qui on le présente se souvient de l’alerte de Fourquet, l’éventreur est démasqué.

Interrogé par Fourquet, le sergent Joseph Vacher nie les meurtres. Le procureur le harcèle chaque jour pour qu’il avoue. Rien à faire. Le 8 octobre enfin, le tueur se décide à parler, mais exige de publier une lettre à la France dans les journaux. Le procureur accepte. "Tant pis pour vous si vous me croyez responsable... Votre seule manière d’agir me fait prendre pitié pour vous... Si j’ai conservé le secret de mes malheurs, c’est que je le croyais dans l’intérêt général, mais vu que peut-être je me trompe, je viens vous faire savoir toute la vérité : Oui, c’est moi qui ai commis tous les crimes que vous m’avez reprochés..., et cela, dans des moments de rage", écrit Vacher avant d’avouer finalement onze meurtres d’impulsion, sans mobile.

Bien sûr, il met tout sur le compte de la folie. Enfant, il aurait même été mordu par un chien porteur de la rage, et sa démence viendrait de là, selon lui. Fourquet s’adresse au docteur Alexandre Lacassagne, l’un des légistes les plus réputés, l’un des fondateurs de l’anthropologie criminelle, pour étudier la personnalité du tueur. Son diagnostic est sans appel, Vacher est sain d’esprit. Ses crimes sont prémédités. Il les commet systématiquement dans des lieux isolés, il porte toujours un couteau sur lui, et change de département après chacun de ses crimes. Ses crimes ne sont pas ceux d’un fou ! Il simule la démence. Bref Vacher se retrouve aux assises.

Coupable de 11 meurtres

Le procès de Vacher s’ouvre à Bourg-en-Bresse, en octobre 1898. Le tribunal est pris d’assaut par la foule curieuse de voir le tueur. Elle n’est pas déçue. Vacher débarque avec une toque en poils de lapin blanche sur la tête, une pancarte autour du cou sur laquelle il a inscrit : "J’ai deux balles dans la tête." Il chante à tue-tête des airs à la gloire de Jésus et de Jeanne d’Arc. Cependant, il retrouve ses esprits par moments pour expliquer qu’il commet ses crimes lors de crises de démence. "À chaque fois, je suis pris d’une espèce de fièvre, d’un tremblement nerveux, je ne veux pas tuer, ni violer, mais il faut que je le fasse", raconte-t-il. Bah, voyons !

Les témoins défilent pour décrire son enfance. Terrible. Depuis qu’il est gosse, Vacher est la risée de son entourage. Avant-dernier d’une famille de quinze enfants, son père est souvent pris de délires et n’hésite pas à le cogner. Sa mère, elle, baigne dans le mysticisme et a régulièrement des apparitions divines, sans parler de l’une de ses soeurs maniaco-dépressives et d’une autre qui mourra à l’asile. Pour ne rien arranger, il chope très jeune une fièvre typhoïde qui lui laisse des séquelles physiques et psychologiques. Lorsqu’il a 14 ans, sa mère meurt, il devient ouvrier agricole, puis est accueilli chez sa soeur, prostituée à Grenoble. Il fait la fête, profite des charmantes collègues de sa soeur pour attraper une maladie vénérienne qui lui fait perdre un bout de testicule. À 21 ans, il est incorporé dans l’armée. Tous les autres soldats se moquent de lui, il est bizuté autant qu’on peut l’être, chambré à longueur de temps. Malgré tout, il parvient au grade de sergent et se venge sur ses camarades. Lorsqu’il tombe amoureux de Louise, il croit enfin sortir de son enfer quotidien. Mais elle est, comme les autres, odieuse avec lui ! C’est alors qu’il démarre sa carrière de tueur en série.

Le 28 octobre 1898, Vacher est déclaré coupable de onze meurtres avec préméditation et condamné à mort. Son palmarès est probablement bien plus étoffé. Les experts lui attribuent une trentaine de meurtres dans toute la France, certains vont même jusqu’à avancer le nombre de cinquante. C’est simple, tous les meurtres non élucidés deviennent les siens. Mais Joseph Vacher a été exécuté pour onze meurtres, point barre, les familles des autres victimes ne sauront jamais si elles ont croisé la route du monstre sanguinaire. Le 31 décembre, la guillotine tranche la tête de Vacher. Au prêtre venu le confesser, le condamné déclare : "J’embrasserai Jésus-Christ tout à l’heure. Vous croyez expier les fautes de la France en me faisant mourir. Cela ne suffira pas, vous commettrez un crime de plus. Je suis la grande victime de cette fin de siècle." Cause toujours. Couic !


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