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1er juillet 1887. L’héritier du whiskey Jameson peint une fillette dépecé par des cannibales

mercredi 1er juillet 2015

Officier de Morton Stanley au Congo, James Jameson achète la fillette pour servir de repas aux anthropohages.
Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Voici une petite histoire à déguster avec un verre de whiskey Jameson. Vous savez, celui qui est distillé trois fois parce que c’est meilleur ! (Avec modération, bien entendu.) Finalement, pas sûr que l’expression "à déguster" soit la plus adaptée. Car le méfait commis le 1er juillet 1887 par le petit-fils du fondateur de la distillerie irlandaise, au coeur de l’Afrique noire, est si monstrueux que même Marc Dutroux en a des larmes aux yeux à son souvenir... James S. Jameson achète une fillette de 11 ans pour l’offrir comme plat de résistance à un banquet de cannibales. Il est tellement curieux de la cuisine africaine...

La date exacte de l’événement n’étant pas connue avec précision, nous l’avons fixée arbitrairement au 1er juillet 1887. Donc, ce jour-là, James S. Jameson s’ennuie à mourir dans le village de Ribakiba, au coeur du Congo, possession du roi des Belges, où il séjourne depuis plusieurs semaines en compagnie d’un autre officier britannique nommé Barttelot. Tous deux font partie de l’expédition entreprise par sir Morton Stanley pour délivrer Emin Pacha, un explorateur allemand devenu le gouverneur d’Équatoria (une province du Soudan du Sud) et victime d’une révolte locale.

Stanley a laissé les deux hommes à Ribakiba avec son arrière-garde pour recruter des porteurs. Colonialistes dans toute leur splendeur, les deux représentants de la civilisation britanniques n’ont que mépris et cruauté pour les sauvages qui les entourent. Un certain Tippu Tip, gouverneur du coin, marchand d’esclaves et aveugle, raconte à Jameson que les habitants du village sont des cannibales. Il prétend avoir assisté en personne à plusieurs repas. Le jeune Irlandais se montre peu convaincu : "Chez moi, on pense qu’il s’agit de fables de voyageurs, c’est-à-dire de mensonges." À ces mots, Tippu murmure quelques mots à l’oreille d’un Arabe assis près de lui, nommé Ali. Lequel se tourne vers Jameson en lui disant : "Donne-moi du tissu et regarde !" Le boy de Jameson va chercher six mouchoirs qui sont remis à l’Arabe, lequel s’en sert pour acheter une fillette d’une dizaine d’années. Pas cher. C’est la période des soldes...

"Le plus horrible spectacle de toute ma vie"

Par l’intermédiaire d’un interprète, Ali explique aux villageois que l’enfant est offert à leur gourmandise par l’homme blanc. À cet instant-là, Jameson se doute-t-il de l’horrible scène à venir ? Dans un texte de justification écrit quelques mois plus tard, il affirmera avoir cru à une plaisanterie des deux hommes. Pour d’autres témoins, au contraire, Jameson a délibérément acheté une fillette pour la voir dévorer. Quelle que soit l’exacte vérité, il écrit : "J’ai alors pu voir le plus horrible spectacle de toute ma vie." Un homme s’empare de la fillette qui ne bronche même pas, il la ligote à un arbre, puis à l’aide d’un énorme coutelas pratique deux entailles dans le ventre pour la vider. Pas un cri de la fillette qui sait ne pouvoir attendre aucun secours de la foule hostile et affamée. La voilà bientôt complètement vidée et saignée. Ses liens sont coupés, elle s’effondre face contre terre dans une mare de sang. Trois villageois en train d’affûter leur couteau se précipitent pour découper le corps. Thierry Marx de Top Chef hurle : "Vous n’avez plus que 45 minutes pour achever votre plat !" Les cuisiniers filent à la rivière pour laver leur morceau.

La viande est cuite et dévorée. Suarez le footballeur uruguayen qui passe par là mord dans un morceau de gigot avant de le recracher. Décidément, la viande italienne est plus tendre... Pendant ce temps, que fait Jameson ? S’enfuit-il horrifié ? Que nenni. Ce serait trop bête de perdre une miette de la scène. Il installe son matériel à dessin, qui ne le quitte jamais, pour croquer toutes les étapes de la préparation culinaire. La fillette qu’on emmène. Les coups de poignard. Le sang qui jaillit. La découpe de la carcasse. Puis la cuisson. Au cours des jours suivants, Jameson peaufine des aquarelles à partir de ses croquis, qu’il prend soin de présenter aux chefs cannibales pour être certain de ne pas avoir commis d’erreurs. Dans son témoignage, il niera avoir peint la scène.

Tempête médiatique

Personne n’aurait entendu parler de ce repas si le sergent William Bonny n’avait pas dénoncé Jameson à Stanley. Même si l’interprète de Barttelot confirme la scène, le chef de l’expédition ne parvient pas à les croire. Il décide d’attendre de rejoindre son arrière-garde pour interroger Jameson. Les mois passent. Finalement, quand Stanley retrouve son arrière-garde laissée à Ribakiba, elle ne comporte plus que 61 hommes sur les 271 qu’elle comprenait. Jameson est mort de fièvres au cours de l’été 1888. Barttelot a également disparu.

Deux ans, plus tard, en 1890, l’interprète syrien Farran, ayant assisté au crime, propage l’histoire en Occident. Levée d’une tempête médiatique. Jameson est également accusé de désobéissance, de déloyauté, de désertion, de cruauté et même de couardise. Son épouse et son frère engagent des avocats pour défendre l’honneur de leur époux et frère. Ils produisent une lettre qu’il aurait eu le temps d’écrire avant sa mort pour se dédouaner. Elle est publiée dans le New York Times du 15 novembre 1890. Jameson y affirme avoir cru à une plaisanterie ayant mal tourné, à sa grande horreur. Personne n’y croit. C’est le moment de savourer l’adage favori du whiskey Jameson : "Il n’existe pas d’étrangers, seulement des amis que nous n’avons pas encore rencontrés."

Voici une petite histoire à déguster avec un verre de whiskey Jameson. Vous savez, celui qui est distillé trois fois parce que c’est meilleur ! (Avec modération, bien entendu.) Finalement, pas sûr que l’expression "à déguster" soit la plus adaptée. Car le méfait commis le 1er juillet 1887 par le petit-fils du fondateur de la distillerie irlandaise, au coeur de l’Afrique noire, est si monstrueux que même Marc Dutroux en a des larmes aux yeux à son souvenir... James S. Jameson achète une fillette de 11 ans pour l’offrir comme plat de résistance à un banquet de cannibales. Il est tellement curieux de la cuisine africaine...

La date exacte de l’événement n’étant pas connue avec précision, nous l’avons fixée arbitrairement au 1er juillet 1887. Donc, ce jour-là, James S. Jameson s’ennuie à mourir dans le village de Ribakiba, au coeur du Congo, possession du roi des Belges, où il séjourne depuis plusieurs semaines en compagnie d’un autre officier britannique nommé Barttelot. Tous deux font partie de l’expédition entreprise par sir Morton Stanley pour délivrer Emin Pacha, un explorateur allemand devenu le gouverneur d’Équatoria (une province du Soudan du Sud) et victime d’une révolte locale.

Stanley a laissé les deux hommes à Ribakiba avec son arrière-garde pour recruter des porteurs. Colonialistes dans toute leur splendeur, les deux représentants de la civilisation britanniques n’ont que mépris et cruauté pour les sauvages qui les entourent. Un certain Tippu Tip, gouverneur du coin, marchand d’esclaves et aveugle, raconte à Jameson que les habitants du village sont des cannibales. Il prétend avoir assisté en personne à plusieurs repas. Le jeune Irlandais se montre peu convaincu : "Chez moi, on pense qu’il s’agit de fables de voyageurs, c’est-à-dire de mensonges." À ces mots, Tippu murmure quelques mots à l’oreille d’un Arabe assis près de lui, nommé Ali. Lequel se tourne vers Jameson en lui disant : "Donne-moi du tissu et regarde !" Le boy de Jameson va chercher six mouchoirs qui sont remis à l’Arabe, lequel s’en sert pour acheter une fillette d’une dizaine d’années. Pas cher. C’est la période des soldes...

"Le plus horrible spectacle de toute ma vie"

Par l’intermédiaire d’un interprète, Ali explique aux villageois que l’enfant est offert à leur gourmandise par l’homme blanc. À cet instant-là, Jameson se doute-t-il de l’horrible scène à venir ? Dans un texte de justification écrit quelques mois plus tard, il affirmera avoir cru à une plaisanterie des deux hommes. Pour d’autres témoins, au contraire, Jameson a délibérément acheté une fillette pour la voir dévorer. Quelle que soit l’exacte vérité, il écrit : "J’ai alors pu voir le plus horrible spectacle de toute ma vie." Un homme s’empare de la fillette qui ne bronche même pas, il la ligote à un arbre, puis à l’aide d’un énorme coutelas pratique deux entailles dans le ventre pour la vider. Pas un cri de la fillette qui sait ne pouvoir attendre aucun secours de la foule hostile et affamée. La voilà bientôt complètement vidée et saignée. Ses liens sont coupés, elle s’effondre face contre terre dans une mare de sang. Trois villageois en train d’affûter leur couteau se précipitent pour découper le corps. Thierry Marx de Top Chef hurle : "Vous n’avez plus que 45 minutes pour achever votre plat !" Les cuisiniers filent à la rivière pour laver leur morceau.

La viande est cuite et dévorée. Suarez le footballeur uruguayen qui passe par là mord dans un morceau de gigot avant de le recracher. Décidément, la viande italienne est plus tendre... Pendant ce temps, que fait Jameson ? S’enfuit-il horrifié ? Que nenni. Ce serait trop bête de perdre une miette de la scène. Il installe son matériel à dessin, qui ne le quitte jamais, pour croquer toutes les étapes de la préparation culinaire. La fillette qu’on emmène. Les coups de poignard. Le sang qui jaillit. La découpe de la carcasse. Puis la cuisson. Au cours des jours suivants, Jameson peaufine des aquarelles à partir de ses croquis, qu’il prend soin de présenter aux chefs cannibales pour être certain de ne pas avoir commis d’erreurs. Dans son témoignage, il niera avoir peint la scène.

Tempête médiatique

Personne n’aurait entendu parler de ce repas si le sergent William Bonny n’avait pas dénoncé Jameson à Stanley. Même si l’interprète de Barttelot confirme la scène, le chef de l’expédition ne parvient pas à les croire. Il décide d’attendre de rejoindre son arrière-garde pour interroger Jameson. Les mois passent. Finalement, quand Stanley retrouve son arrière-garde laissée à Ribakiba, elle ne comporte plus que 61 hommes sur les 271 qu’elle comprenait. Jameson est mort de fièvres au cours de l’été 1888. Barttelot a également disparu.

Deux ans, plus tard, en 1890, l’interprète syrien Farran, ayant assisté au crime, propage l’histoire en Occident. Levée d’une tempête médiatique. Jameson est également accusé de désobéissance, de déloyauté, de désertion, de cruauté et même de couardise. Son épouse et son frère engagent des avocats pour défendre l’honneur de leur époux et frère. Ils produisent une lettre qu’il aurait eu le temps d’écrire avant sa mort pour se dédouaner. Elle est publiée dans le New York Times du 15 novembre 1890. Jameson y affirme avoir cru à une plaisanterie ayant mal tourné, à sa grande horreur. Personne n’y croit. C’est le moment de savourer l’adage favori du whiskey Jameson : "Il n’existe pas d’étrangers, seulement des amis que nous n’avons pas encore rencontrés."


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