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Le couple franco-allemand se dispute sur la Grèce

jeudi 2 juillet 2015

Le président français et la chancelière allemande ont exprimé des visions radicalement opposées sur la crise après une nouvelle proposition grecque

Mercredi 1er juillet a révélé le fossé qui sépare désormais la France de l’Allemagne sur le dossier grec. En arrivant à Lyon en début d’après-midi, François Hollande a expliqué face caméra : « Il faut être clair : l’accord, c’est tout de suite. Ça fait tellement longtemps qu’on parle de cet accord, il faut qu’il vienne. »

Un peu plus tôt, la chancelière allemande Angela Merkel avait dit exactement le contraire devant son Parlement : « Nous attendons le référendum, aucune discussion sur un nouveau programme d’aide ne peut avoir lieu auparavant. »

L’Eurogroupe suit le point de vue allemand

Et c’est le point de vue allemand qui l’a emporté. Mercredi soir, à l’issue d’une conférence téléphonique des ministres des Finances de la zone euro, le président de l’Eurogroupe, le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, a annoncé qu’il n’y aurait plus aucune négociation avec les Grecs avant de connaître l’issue du scrutin de dimanche voulu par Alexis Tsipras. Et ce, malgré la demande du Premier ministre grec d’un nouveau plan d’aide de 30 milliards sur deux ans, assorti d’un engagement à réaliser les dernières propositions de réformes européennes, à quelques exceptions près.

Au-delà de cette divergence de stratégie, les deux dirigeants, souvent considérés comme le moteur de la construction européenne, n’ont pas pu s’empêcher de se tacler mutuellement. Pour la chancelière allemande, « l’avenir de l’Europe n’est pas en jeu ». Au contraire, « un bon Européen n’est pas celui qui recherche un compromis à tout prix. Un bon Européen est celui qui respecte les traités et les lois nationales et s’assure ainsi que la stabilité de l’eurozone n’est pas endommagée ».

Hollande : « Je ne suis pas dans les affirmations péremptoires »

Réplique indirecte de François Hollande : « En tant qu’Européen, je ne veux pas de la dislocation de la zone euro, et je ne suis pas dans les affirmations péremptoires, dans les ruptures brutales. Je pense que nous devons toujours rechercher l’accord, la négociation, la raison. Faut-il encore que tout le monde en soit convaincu ! » Avant de fustiger ceux qui s’opposeraient à une sortie de crise : « La France, elle, se bat, elle n’est pas dans le veto, elle n’est pas dans la brutalité. » On ne saurait être plus clair…

Paris s’agace en effet de voir une partie de l’Europe se montrer aussi inflexible. Après tout, que vaut l’intégrité de la zone euro comparée à des divergences sur quelques centaines de millions ou quelques milliards d’ajustement budgétaire ? « Je veux que nous sortions de la crise plus forts [...] et que nous puissions défendre de manière convaincante nos valeurs » dans le monde. « C’est de cela qu’il s’agit, pas de divergences sur 400 millions ou 1,5 milliard ou 2 milliards », répond Angela Merkel.

« Pas d’accord global négocié »

Depuis le début de la crise, la France s’est présentée comme un trait d’union entre les pays les plus intransigeants (l’Allemagne, mais aussi - et peut-être surtout - la Finlande et les pays de l’Est) et le gouvernement grec, qui allie la gauche radicale Syriza à la droite nationaliste. Le ministre des Finances français, Michel Sapin, met constamment en balance le respect du choix démocratique grec et la nécessité de respecter les règles de la zone euro. Et il plaide pour un « accord global », c’est-à-dire incluant un nouvel allègement de l’énorme dette publique grecque (plus de 175 % du PIB). Pas par un abandon de créances pur et simple - ce serait trop dur à encaisser pour le contribuable français -, mais au moins par un nouveau report ou une baisse des intérêts.

Mais cette fragile ligne de crête a du mal à s’imposer. L’Eurogroupe a toujours refusé d’ouvrir franchement la question de la dette tant qu’Athènes ne s’était pas engagé, au préalable, sur la poursuite de la consolidation budgétaire et des réformes qui l’accompagnent. C’est d’ailleurs un des principaux arguments grecs pour justifier la rupture des négociations et l’annonce d’un référendum, en fin de semaine dernière, même si Michel Sapin assure que sa vision avait fini par prévaloir parmi les ministres des Finances. Il était visiblement trop tard.

Pression de la gauche

Désormais, l’Allemagne et la France défendent deux visions opposées. Pour la première, à tout prendre, il vaut mieux couper la branche infectée, plutôt que de la laisser contaminer le tronc. Pour la seconde, il faut à tout prix trouver un compromis, car une sortie de la Grèce serait une catastrophe pour la zone euro, non pas économique (des « pare-feu » ont été érigés depuis le début de la crise), mais politique, voire géopolitique.

Cette analyse est largement soutenue au Parti socialiste, pour lequel la zone euro doit avant tout faire preuve de solidarité alors que les Grecs ont déjà consenti des efforts budgétaires colossaux. Jeudi, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a tout bonnement qualifié de « faute » le refus de l’Allemagne de reprendre les négociations sur la base des dernières propositions grecques. Comme beaucoup à gauche, le candidat à la présidence de la région Ile-de-France estime que, sans la Grèce, « l’Europe ne serait plus tout à fait l’Europe ».

Consultez notre dossier : La tragédie grecque


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