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Zone euro : ce qu’il faut retenir de l’accord avec la Grèce

lundi 13 juillet 2015

Les chefs d’État et de gouvernement ont dit "non" au Grexit. En échange d’un programme draconien de réformes, ils délient une nouvelle fois leur bourse.

« Il n’y a ni vainqueur ni perdant. C’est un compromis typiquement européen. » Jean-Claude Juncker veut permettre à tout le monde de sauver la face lundi matin, à l’issue d’un week-end marathon de sommets. Après quatorze heures de discussions laborieuses entre ministres des Finances de la zone euro, puis dix-sept heures entre les chefs d’État et de gouvernement, le scénario d’une sortie de la Grèce de la zone euro est écarté, au moins pour l’instant. Un troisième plan d’aide devrait être accordé après celui de 2010, puis celui de 2012.

Au terme du compromis trouvé par les chefs d’État et de gouvernement, le Premier ministre grec devra imposer à sa majorité un programme de réformes bien plus important que celui qui avait été rejeté par les Grecs lors du référendum du 26 juin.

Un premier train de mesures doit être voté d’ici au 15 juillet pour restaurer la confiance de ses créanciers sur sa capacité à appliquer le programme. Les parlementaires grecs devront approuver une hausse de la TVA de 10 points, de 13 à 23 %, une nouvelle réforme des retraites supprimant les retraites anticipées et des coupes automatiques dans les dépenses publiques en cas de déviation de la nouvelle trajectoire budgétaire. Ils devront aussi approuver l’indépendance de l’institut national de statistiques et appliquer complètement le traité budgétaire européen.

Un pays presque sous tutelle ?

D’ici au 22 juillet, ils devront adopter une réforme majeure de la justice civile et transposer la directive européenne sur la mise en faillite des banques. « Il s’agit de mesures qui renforceront sans aucun doute la récession », a reconnu Alexis Tsipras, à la sortie du sommet.

La pilule est d’autant plus difficile à avaler pour les Grecs que leur pays paraît plus que jamais sous étroite surveillance. Selon le texte de l’accord, il s’engage ainsi « à consulter et [à] se mettre d’accord avec les institutions [BCE, FMI, Commission, NDLR] sur tout projet de loi sur les domaines pertinents avec un délai pertinent avant de le soumettre à la consultation publique ou au Parlement ».

Plus de 80 milliards de nouveaux prêts

Il faut dire que les créanciers publics devraient apporter entre 82 et 86 milliards de financement à Athènes d’ici fin 2018, alors que la discussion précédente ne portait que sur un financement de quelques mois. La somme, qui peut encore varier, s’ajoute aux 220 milliards d’euros déjà prêtés lors des deux précédents plans d’aide. Elle passera par le fonds de secours permanent de la zone euro, le Mécanisme européen de stabilité (MES). Le FMI participera de nouveau à ce financement, ce qui implique que la Grèce lui paye son arriéré de paiement de 1,5 milliard d’euros.

Pour restaurer la confiance vis-à-vis de ses créanciers, Alexis Tsipras a également dû accepter la création d’un fonds de privatisations géré en coopération avec la Commission européenne. Finalement basé à Athènes, et non pas au Luxembourg comme un temps évoqué ce week-end, ce fonds devrait permettre de récupérer 50 milliards. Sur cette manne, 25 milliards devraient être utilisés pour assumer le coût de la recapitalisation immédiatement nécessaire des banques grecques avec l’explosion des non-remboursements de prêts après l’instauration du contrôle des capitaux. Le fonds devrait aussi servir pour investir dans l’économie grecque (12,5 milliards) et pour rembourser une partie de l’énorme dette du pays (12,5 milliards).

« Reprofilage » de la dette

Du côté des créanciers, la Commission européenne a mis sur la table 35 milliards de financement sur 3 à 5 ans via différents fonds européens. Selon François Hollande, les pays de la zone euro se sont également engagés à « reprofiler » la dette grecque. En clair, sans la couper purement et simplement, ils acceptent d’alléger le fardeau, en étalant encore plus les remboursements dans le temps, voire en accordant une nouvelle remise sur des taux d’intérêt pourtant déjà très bas. L’accord écrit est lui beaucoup plus prudent. Les dirigeants s’engagent simplement « à envisager, si nécessaire, des mesures additionnelles ». Un effacement de dette est explicitement exclu. Et sur le programme de financement, ils « invitent les institutions à étudier les possibilités pour réduire l’enveloppe, via une trajectoire budgétaire alternative ou un rythme de privatisation plus rapide »...

Toutes ces concessions n’en ont pas moins aidé Alexis Tsipras à endosser l’accord. Le Premier ministre compte sur les 35 milliards d’euros d’aide européenne, l’argent prêté sur 3 ans par ses homologues et la restructuration de la dette pour restaurer la confiance des investisseurs privés en encourageant le retour des capitaux étrangers dans son pays afin de relancer la croissance.

La question du financement d’urgence en suspens

Mais le feuilleton grec est loin d’être réglé pour autant. L’accord trouvé par les dirigeants européens n’est qu’un préalable à l’ouverture formelle des négociations sur les détails du plan de sauvetage. Les ministres des Finances de la zone euro devaient débattre, lundi après-midi, du financement dont la Grèce a besoin à très court terme pour ne pas faire faillite alors que ses banques sont à court d’argent. Ces besoins sont estimés à 12 milliards d’euros d’ici au 20 août, date à laquelle Athènes doit rembourser 3,2 milliards à la BCE, après les 3,5 milliards dus en juillet.

Les discussions promettent d’être « très difficiles », selon un fin connaisseur du dossier. La Grèce n’a pas à rembourser seulement sa dette de la BCE le 20 juillet, mais aussi celle du 30 juin de 1,5 milliard, due au Fonds monétaire international. La « timeline est très courte », fait remarquer une source européenne.

« La liste d’engagements constitue des engagements minimums pour commencer les négociations avec les autorités grecques, expliquent les chefs d’État et de gouvernement dans leur déclaration écrite. Néanmoins, le Sommet de l’euro a dit clairement qu’entamer les négociations ne préjuge pas d’un accord final sur un nouveau programme du MES, qui devra être fondé sur une décision globale sur l’ensemble du plan (besoin de financement, soutenabilité de la dette, et possible financement relais). » De quoi maintenir la pression sur Alexis Tsipras.


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