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Théâtre/nouvelle création/représentation

Une femme pour deux hommes

lundi 3 août 2015

Par Péguy F. C. Pierre Deux hommes pour une femme. Voilà qui change du tableau habituel. Serait-ce un pas vers l’équité de genre ? Ou n’est-ce tout simplement que de la création ? Ronald Paul, dramaturge et psychologue éclaire sur la question qui a inspiré sa nouvelle pièce « Une femme, deux hommes ». -

Le Nouvelliste : D’abord, qui est l’homme derrière Une femme, deux hommes ? Ronald Paul : Tout d’abord, il y a le professeur de psychologie du personnage au (ex) Petit Conservatoire, bien entendu l’auteur de romans et de pièces de théâtre et le promoteur du patrimoine culturel que je suis aussi. L.N : Cette pièce est votre nouvelle création. Parlez-nous-en. R. P : Ce n’est pas à proprement parler ma nouvelle création même si j’en ai été l’initiateur. Je dois dire que c’est une création collective dans le sens où le thème, l’histoire a fait l’objet d’un échange avec les comédiens et que la mise en scène elle-même doit beaucoup à Daniel Marcelin qui a dirigé les acteurs. J’ai certes écrit le texte et conçu ce spectacle mais je tiens à reconnaître la contribution des uns et des autres et les en remercie. Une femme, deux hommes pour faire court, c’est l’histoire d’une femme qui veut à la fois sa carrière d’artiste et sa vie de couple quand l’une veut exclure l’autre. C’est une pièce sur l’affirmation de soi. L’art mérite ce qu’il y a de mieux en nous, dit un des hommes, c’est donc aussi pour nous tous, une quête de perfection. L.N : Depuis combien de temps y travaillez-vous ? R.P : Nous avons commencé avec le travail de conception en octobre 2014. L.N : Qu’est-ce qui vous l’a inspiré ? R.P : Nous sommes partis d’une prémisse formulée comme suit : dans un cœur qui aime vraiment, soit la jalousie tue l’amour, soit l’amour tue la jalousie. À partir de là, nous avons cherché la pièce emblématique sur la jalousie. Othello de Shakespeare s’est donc naturellement imposée, la structure globale de la mise en scène a pris forme : deux parties, une où la jalousie tue l’amour et l’autre oú l’amour terrasse le monstre aux yeux verts. De même, la mise en abyme d’Othello nous offrait une possibilité de jeu intéressante. Enfin, un jeu d’enfant bien connu de ma génération : « lalin ak solèy ». Je tiens toujours beaucoup à intégrer des éléments de notre patrimoine culturel dans mes créations ; je suis mieux ancré ainsi. Mais comme l’art mérite ce qu’il y a de mieux en nous, nous avons d’abord soigné la langue. Je tiens à dire que la pièce est écrite en français haïtien, ensuite nous avons poussé jusqu’à la comédie musicale pour la scène finale. Le chant comme forme sublimée de la parole nous paraissait indispensable pour ce qui constituait la scène finale. Je dois dire en passant que les filles ont trouvé elle-même les mélodies. Comme il s’agissait aussi de montrer le profil complexe d’un personnage, le personnage de la femme en l’occurrence est joué par quatre comédiennes. L.N : Quels sont les acteurs du line-up ? R.P : Régis Innocent dans le rôle du narrateur, Lesly Maxi dans le rôle du mari, Donel Charles dans celui du metteur en scène et le personnage de la femme joué par Esperanda Bidonne, l’amoureuse ; Merlyne Herastène, la talentueuse ; Lovelie Colas, l’ambitieuse et Barbara Mondésir, la sensuelle. L.N : Une femme, deux hommes... c’est peu commun. Seriez-vous dans la mouvance de l’équité de genre ? R.P : On trouve en effet plus normal un homme et deux femmes alors que le problème se pose indépendamment du genre de l’individu. Ma préoccupation n’a pas été de faire une pièce pour défendre l’équité de genre. Bien sûr je suis pour l’équité de genre. Si je dois me situer dans une mouvance ce serait dans celui de l’esthétique créole. D’où une langue française haïtienne soutenue par exemple. Notre curiosité a été de voir comment les différents côtés d’une personne réagissent à la tension créée entre le confort et la recherche du mieux en soi. Tenant compte que nous vivons dans une société machiste, il est plus pertinent que cette personne soit une femme. Mais il s’agissait aussi de montrer le profil complexe d’un personnage ; le personnage de la femme en l’occurrence est joué par quatre comédiennes. L.N : Ce que peut un homme une femme le peut également ? R.P : Dans le principe, c’est absolument indiscutable, cela dit, je reconnais que des facteurs d’ordre socio-culturels font qu’on se pose encore cette question. Mais autre chose, est-ce vraiment indispensable ? Je crois que ce qui est indispensable, la survie de l’espèce, la biologie le garantit. L.N : Votre pièce est un peu particulière. Elle se joue deux fois de suite et ce n’est qu’à ce prix que le public en saisit l’essence. Quelle est cette structure ? R.P : Je la voulais particulière. Je suis dans une recherche esthétique, il faut donc que je trouve le moyen dans la forme et le fond de mettre en évidence ce que je veux montrer. À un moment, le metteur en scène dit je suis l’artisan qui dégage le chemin par où passent les sentiments. Inutile de dire que c’est aussi mon travail. Mais comment dégager ce chemin si on ne prend pas conscience qu’il est encombré ? Comme je le disais plus haut, partant d’une prémisse avec deux possibilités, il fallait que je les explore toutes les deux. Parlant de structure, nous avons considéré le jeu de miroir qu’offrait le « ou bien » de la prémisse. La deuxième partie est une réplique de la première mais avec juste ce qu’il faut (se mettre de l’autre côté du miroir par exemple) pour orienter le dénouement dans l’autre sens. Et de montrer qu’une même situation peut déboucher sur deux issues différentes est précisément ce que nous souhaitons faire sentir. Une issue heureuse dépend de nous, de ce qu’il y a de mieux en nous. Autre élément est ce narrateur qui, en invitant à suivre l’histoire, interpelle directement le spectateur sur sa vie avant de le mettre en situation de témoin. Projet pédagogique qui donne à voir la pièce comme une illustration. Illustration de ce que, par la grâce de l’art, on peut faire. Notre quête de perfection est dans ce sens permanent. L.N : Quelles sont les prochaines dates ? R.P : Nous jouerons une femme deux hommes le 23 août à Le Villate. Nous souhaitons bien entendu rejouer la pièce le plus de fois possible, mais la suite de la programmation n’est pas encore confirmée. L.N : Un mot pour ceux qui veulent venir voir la pièce ? R.P : Assister à une pièce de théâtre est une expérience particulière, rare. Nous n’avons malheureusement pas assez de lieux, pas de producteurs, etc. qui pourraient encourager la production théâtrale et faire en sorte qu’assister à une pièce soit une pratique culturelle courante. Il faut beaucoup travailler pour cela. Je crois que nous avons patiemment et avec passion fait notre part de travail pour offrir un spectacle de qualité. Les tickets 1250 sont au nombe 70 ceux de 1000 te donne aussi un nombre de 430. Venez profiter d’une œuvre qui vous parle. Et comme dit la chanson : « se pou limyè zye w n vle vole pi wo ». Propos recueillis par Péguy F. C. Pierre -


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