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Poutine pousse ses pions

vendredi 2 octobre 2015

L’homme fort du Kremlin est placé en pièce inévitable sur l’échiquier international. Il montre encore, si besoin en était, qu’il est loin d’être un novice dans l’art de la guerre.

Sun Tze l’écrivait avant la naissance de Jésus-Christ, l’analyse des faiblesses de l’ennemi fonde une véritable tactique. Et « quand le général n’a ni la fermeté ni la rigueur requises, que ses instructions manquent de clarté, il y aura désordre. » Et désordre il y a, en Syrie, depuis maintenant plus de quatre ans.

Aujourd’hui, ce rôle de général, de guide d’une communauté internationale éprouvée par l’incapacité à s’entendre pour faire cesser le désastre syrien, Vladimir Poutine se l’est lui–même approprié. Après dix ans d’absence, il se présente devant l’Organisation des Nations Unies sans crainte de plier. Il a choisi de devenir celui qui présentera l’appel pour une coalition internationale contre l’Etat Islamique et ce rôle a largement été préparé.

En coulisse et depuis quelques mois, la diplomatie russe reçoit quantité d’acteurs impliqués d’une manière ou d’une autre dans le conflit syrien. Interlocuteur privilégié du régime syrien de Bachar-al-Assad tout comme de l’Iran, capable de discuter avec les monarchies arabes, Israël ou les représentants kurdes, la diplomatie russe n’a cessé de s’activer pour préparer son terrain. Quand d’autres acteurs européens évoquent la nécessité de mettre « tous les acteurs autour de la table », Poutine prend le soin de rendre visite à chacun des invités avant sa présentation face au grand banquet. En marge de ce dernier, il parvient finalement à obtenir une rencontre sous le feu des projecteurs médiatiques avec une pièce maîtresse de la partie : Barack Obama.

Mais Vladimir Poutine ne s’en tient pas à un « appel » à agir, conscient qu’une simple posture sans action ne fera pas de lui le général qu’il rêve de représenter aux yeux du monde. Depuis le début du mois de septembre, la Russie achemine au Nord de la Syrie un véritable arsenal. Chars, avions de combat, drones. Moscou prépare également des bases pour accueillir des militaires russes, quand l’idée d’envoyer des troupes occidentales au sol tétanise les autres grandes puissances. Vladimir Poutine s’est saisi à son avantage de toutes les craintes de la communauté internationale : affirmer un choix entre combattre la peste de l’Etat Islamique ou le choléra de Bachar-al-Assad et projeter des troupes au sol quand les cicatrices de l’Afghanistan, de l’Irak ou de la Libye sont encore béantes.

À l’instar de ce que prétend le site pro-russe Sputnik, il serait bien étonnant que l’ancien président du KGB qui se pose, à l’image des tsars, comme le grand protecteur des Chrétiens d’Orient, joue « carte sur table », surtout dans une interview à la télévision américaine. D’ailleurs, Philip Hammond, ministre des affaires étrangères britannique, n’est pas le seul à rêver de voir l’action de Poutine apparaître lors de son discours, tenu aujourd’hui sous les yeux du monde. Une chose est sûre : se présenter comme celui capable de rassembler pour combattre l’Etat Islamique ne fera qu’accroître sa puissance et sa popularité. Cette position suffira-t-elle pour relayer au second plan l’annexion de la Crimée ou le conflit ukrainien ?


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