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Jacques Myard : « Les sanctions contre la Russie sont suicidaires pour la France et l’Europe »

jeudi 7 août 2014

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Pour Jacques Myard, la guerre économique que se livrent actuellement l’Union Européenne et la Russie est une grave erreur, révélatrice du manque de discernement et de concertation des 27 en matière de politique étrangère.

Jacques Myard est un homme politique français, député-maire de Maisons-Laffitte.



FigaroVox : Les sanctions économiques prises par l’Union européenne à l’encontre de la Russie vous paraissent-elles justifiées ?

Jacques MYARD : L’Union européenne et les Etats qui la composent viennent de commettre une faute grave car le conflit ukrainien avec les rebelles russophones est un conflit purement régional, qui fait suite à la chute de l’URSS et qui se passe dans un contexte avec sa protohistoire, notamment durant la Seconde Guerre mondiale, quand nombre d’ukrainiens avaient pris parti pour les nazis.

En prenant des sanctions, l’Union Européenne internationalise ce conflit au lieu de le circonscrire. Il devient un conflit entre la Russie, l’Union Européenne et les Etats-Unis. Ces actions aggravent donc la situation, les tensions internationales alors qu’il faut toujours éviter une politique qui mène à l’internationalisation d’un conflit.

Cela ne signifie pas pour autant qu’il faut donner blanc seing à Poutine, il faut cependant rechercher une solution politique, car ces sanctions sont sans effet sur la Russie, tout simplement parce qu’on a affaire à une question qui relève des relations stricto sensu entre Russie, rebelles russophones et Kiev. C’est une histoire de famille, et les histoires de familles ne se résolvent pas par l’intervention d’un tiers.

Sur le plan économique, on ne fera pas plier la Russie par des sanctions ciblées, comme on ne ferait pas plier les Etats-Unis par des sanctions du même acabit


En prenant des sanctions, l’Union Européenne internationalise ce conflit au lieu de le circonscrire. Ces actions aggravent donc la situation, les tensions internationales.


Quelles sont les conséquences pour la France des sanctions russes contre l’Union ?

La France a une position forte dans l’économie russe : automobile, vente de technologies… dans ces conditions, à un moment où la France rencontre des difficultés économiques, financières et budgétaires, il est pour le moins suicidaire de porter atteinte à nos exportations vers la Russie, qui sont importantes et nécessaires à l’emploi français et pour notre balance commerciale. C’est une politique de gribouille menée par le gouvernement et l’Union Européenne.

Cette situation révèle-t-elle l’indigence de la politique extérieure européenne ?


Ne parlons pas de ce qui n’existe pas. La politique extérieure européenne est un mythe, comme le souligne Jacques Delors lui-même, il n’y a jamais eu d’euro-puissance, cela relève de l’utopie, et si parfois il y a une position commune sur un sujet de politique extérieure, on sait bien en l’occurrence qu’au-delà des déclarations, voire de quelques sanctions inappropriées, on ne fera pas la guerre à la Russie. Cessons donc de croire à ces chimères. Les Européens sont profondément divisés car ils ont des intérêts divergents et une histoire également divergente dans leurs rapports avec la Russie.

La France doit avoir une politique indépendante et défendre ses intérêts, tout en étant bien entendu dans une alliance avec les autres pays ; mais alliance ne signifie pas alignement, soit sur les Etats-Unis, soit sur les craintes des Etats baltes ou les craintes polonaises. La solution au conflit ukrainien passe obligatoirement par des négociations avec le Kremlin, qui à mon sens doivent porter sur la reconnaissance que la Crimée fait partie de la Russie mais qu’il ne faut pas aller plus loin que le reste de l’Ukraine. C’est sur ces bases qu’on peut trouver une solution pour ce conflit, tout en se gardant d’aventurisme.


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