MosaikHub Magazine

Les maux du jour

vendredi 18 mars 2016

Ce jeudi, les images de la tragédie de Hinche ont fait le tour des réseaux sociaux presque aussi rapidement qu’un grave incendie se propageait dans une station d’essence de la ville. Alors que des centaines de milliers de regardeurs étaient glacés d’effroi, des milliers de Hinchois ne savaient plus à quel saint se vouer en comptabilisant les morts, les blessés et les dégâts

Comme partout en Haïti, à Hinche il n’y a ni service d’incendie efficace, ni brigades de la protection civile en alerte capables de répondre à une urgence, ni hôpital spécialisé dans le traitement des grands brûlés, ni et ni, sur une liste sans fin.

Hinche est démunie de tout comme tout le reste du pays quand un accident devient une catastrophe. Gordon (Fonds-Verrettes), Jeanne (Gonaïves), et le Goudougoudou (Port-au-Prince) étaient des catastrophes naturelles, mais l’effrondrement du collège La promesse évangélique, l’électrocution de 17 personnes en plein carnaval comme l’incendie de Hinche sont des catastrophes d’une autre nature.

Hinche allonge la liste de nos douleurs et de nos hontes. Ce jeudi également, les téléspectateurs ont pu visionner en direct un défilé de vedettes de la musique haïtienne et de personnalités de la société civile dans les studios de Radio Télé Métropole en support à l’animateur Joe Dams (Joseph Damas) accablé par un cancer des poumons.

La foule de ses amis et admirateurs a pu cotiser au téléthon organisé en la circonstance pour venir en aide à celui qui était directeur de la Télévision Nationale d’Haïti (TNH) il n’y a pas longtemps. Le président du compas et ex-président de la République, Michel Martelly, lui-même a payé de sa présence et a gratifié le public de sa musique.

Quelques voix se sont élevées pour dénoncer l’appel à la solidarité dans ce cas précis. Il a paru incompréhensible aux bien-pensants qu’une vedette de la presse haïtienne, de la trempe de Joe Dams, lui qui a fait carrière dans les plus grands médias du pays, ne dispose pas d’une assurance santé et d’une épargne solide. Ces beaux parleurs ont feint d’oublier que le pays est vraiment pauvre, même pour ses plus opulents représentants.

En Haïti, qui dispose d’une bonne assurance pour sa vie, sa santé, ses biens ? Qui est prévoyant dans ce pays ? Quelle cigale croit en Haïti que demain l’hiver viendra vraiment ? Quel Etat, sous l’égide de quel gouvernement, a mis en place un filet de sécurité sociale pour nous prémunir des coups durs ? Quel journaliste, quel artiste ou quel citoyen lambda peut dire qu’il se passera de la solidarité de sa famille, de celle de ses amis ou de ses admirateurs en cas de pépins sérieux ?

Toujours ce jeudi, les auditeurs de différents médias ont pu vivre un déballage du plus mauvais goût orchestré par des parlementaires. D’une antenne à l’autre, c’était le jeu du « qui salira l’autre le plus efficacement ». Comme des enfants se trouvant dans une même piscine où l’un deux a fait la grosse commission, chaque député s’est cru propre en dénonçant ses pairs se trouvant dans le même bain de merde que lui.

Aucun élu n’a pris le chemin de la justice pour faire arrêter les corrupteurs ni donné l’assurance qu’il est moins corrompu que ceux qu’il dénonce. A écouter les honorables parlementaires on se demande qui de la société des corrupteurs inconnus ou des corrompus en devenir est le plus à blâmer. Si aucun groupe politique n’a porté plainte devant qui de droit pour mettre fin aux pratiques qu’il dénonce, faut-il craindre que c’est parce qu’il sait qu’un jour il aura besoin du support dénoncé ce jeudi ?

Au Parlement haïtien, quel est le prix du vote ? Quel est le prix de la dénonciation ? Quel est le prix du silence complice ? Quel est le prix de la demi-dénonciation ?

Notre vie politique n’est pas pauvre en rebondissements, mais quelle pauvreté de programme, de vision, d’engagement ! A entendre ce qui occupe nos élus on comprend vite que Hinche et la sécurité sociale ne sont pas dans leurs priorités.

Ce jeudi, plus qu’un autre jour, il n’y avait pas de mots pour parler de nos maux.
Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com


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