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Bon retour, Monsieur le Président !

lundi 23 mai 2016

UNE
Après cinq ans d’absence, Michel Martelly a fait son retour sur la scène musicale haïtienne, jeudi soir, à Miami, devant près de quatre mille personnes, à Café Iguana Pines, sous l’initiative d’Olivier Martelly de BigO Productions. Une soirée qui prédit un bel avenir pour Sweet Micky !

La ligne d’attente pour accéder au club s’allonge au fur et à mesure que les minutes s’égrènent. C’était prévisible. Le retour du Président du compas est un événement à ne pas rater. Tout le monde veut voir ce que Sweet Micky a préparé pour ses fans après cinq ans hors de la scène. Certes, Michel Martelly a performé quelques rares fois durant son mandat présidentiel, mais ce n’était jamais un vrai bal pour les Grenadye ! Les portes s’ouvrent à 11 h tapantes. Entre la ligne expresse pour les VIP et la queue normale pour le public ordinaire, l’entrée se fait lentement mais sûrement.

11 h 20 pm, une agitation sur ma droite attire l’attention. Michel Martelly vient de faire une apparition détendue dans la cour pour saluer les gens. Ses gens. Ses fans avides de lui. De le voir, de le toucher, de le saluer, de l’embrasser vite fait ou de faire un selfie avec lui. Les mains jointes derrière le dos comme un censeur qui surveille des élèves désordonnés, son regard fouille partout. Il inspecte, s’assure que le public est bel et bien là, qu’il l’attend et qu’il est en manque de lui. « Men prezidan m lan », crie une femme dans la cinquantaine en se jetant sur lui pour l’embrasser. « Prezidan nou la wi, Grenadye yo alaso !!! », assure un autre homme âgé en le saluant de loin. D’autres salutations fusent du même genre arrachant un sourire sincère sur le visage de Martelly, l’artiste, le chef qui a toujours eu l’amour de ses fans.

Café Iguana Pines a la capacité d’accueillir environ quatre mille personnes. Spacieux et sobre, le club a la classe qu’il faut pour la soirée qui s’annonce. À l’intérieur, c’est déjà une douce folie. Entre l’animation à point de Franky Mix a Lot et le doigté expert de Dj Stakz, l’ambiance est à la fête. Le dj joue des vieux tubes à succès de Black Parents, de Konpa Kreyòl, les mélange avec les hits de nos jours, ce qui invite la foule à chanter à tue-tête. Le public est sélect. Ne nous mentons pas, les vrais fans de Sweet Micky sont aujourd’hui dans la cinquantaine. Ils sont quand même venus en foule applaudir leur idole et se remémorer leur belle jeunesse. Bal sa a se pou yo ! Les jeunes sont un peu perdus dans cette foulée. Leur place est en retrait.

Un tour rapide de la salle me permet de croiser Marteen Boute, Gregory Mayard Paul, Anne Valerie Timothée Milfort, Albert Chancy, Mick Avin, Isnard Douby, Roro Nelson, Tico Pasquet, Jojo Lorquet, entre autres. 11 h 58 pm. Les musiciens débarquent sur scène en rose et blanc, couleur fétiche de la bande depuis près de trente ans. « Tout se Martelly » est griffé sur leur T-shirt jeté sur un pantalon blanc. Welton Désiré est à la basse, Alex Tropnas à la guitare, Stéphane Gilles au premier keyboard, Ansyto Mercier au deuxième keyboard, Romane au tambour et Rony Désiré à la batterie. Ils commencent à danser sur un beat rara, le cœur joyeux, sourire aux lèvres. Michel Martelly arrive au milieu de cette ronde et met la foule en transe.

Veste rose, chemise à motifs et jean bleu, debout derrière son micro, il investit la scène comme s’il ne l’avait jamais laissé. Devant un public conquis, une foule soumise, des femmes amoureuses et des hommes solidaires, Sweet Micky joue ses morceaux les plus populaires et ses interprétations favorites. « I don’t care », « Konpa Forêt des pins », « Haïti chérie » de Jacques Sauveur Jean, « Galope », « Dola », « Oulala », « Fidèl » de Zenglen, « Kite yo pale », « Teke fren w », « Grenadye », « Si se konsa » de Mario Chicot, « Tounen » des Difficiles de Pétion-Ville, « Mon colonel » et « Taxi » ont éclaté Café Iguana. Même son hommage à Prince décédé récemment est reçu avec frénésie.

Le format du groupe est différent. On retrouve un Michel au devant de la scène démuni de son keyboard, mais toujours maître de son public. Un peu ennuyé quand même, si bien que dès la deuxième musique, il reprend son instrument fétiche pour quelques instants. Il danse, rit, s’amuse, s’adonne entièrement à sa passion. « Mon retour dans la musique n’est pas un miracle, je reviens juste chez moi », avait dit le chanteur à la conférence de presse qui annonçait la soirée au cours de la semaine. Il a entièrement raison. Assoiffé du compas de Sweet Micky, le public en redemande. Il en redonne. Avec plaisir. Sans se fatiguer ni se plaindre. Sweet Micky, c’est aussi ça. Vingt-cinq ans de dur labeur et d’appartenance au compas.

Il est difficile de ne pas associer Michel Martelly avec le mot famille. D’ailleurs la soirée a un air de retrouvailles familiales. D’abord, elle est organisée par son fils aîné Olivier Martelly, qui annonce par ailleurs une série de concerts baptisés « Renaissance », pour le retour du groupe. Aussi, en guise d’intermède, T-Micky vient interpréter son tube "Vakans" sorti l’année dernière, et Esther de Jahfé, la nièce de Michel, offre tout un show avec ses interprétations de Fugees accompagné de Sandro. Mais le vrai spectacle est donné par Michel Martelly lui-même. Sans trivialité ni grossièreté. Seulement la veste est sortie jeudi soir. Serait-ce aussi la nouvelle identité de Sweet Micky ? On ne sait pas, mais ce style là lui va aussi.

Il est 4 h 35 du matin quand Michel Martelly se décide à arrêter ! Si le club n’avait pas mis le holà, il aurait continué jusqu’au petit matin. Et les fans seraient restés avec lui ! Jamais la salle ne s’est entièrement vidée. « Nou vle toujou », crie une femme âgée au milieu de la salle après que tout s’est arrêté. « Granmoun dezòd, lui rétorque l’homme l’accompagnant, m’a mennen w Vegas. » En effet la prochaine affiche de Sweet Micky est pour le 24 juin à Las Vegas pour Konpa in Vegas. Vous avez le temps de faire vos plans.

Les muscles endoloris, les yeux hagards et complètement vannée, je traîne les pas en sortant du club, essayant de ne pas envier cette femme qui a l’âge d’être ma mère mais qui arrive encore à bouger les reins sur des paroles qu’elle chante à tue-tête dans la cour. Une tape à l’épaule me fait sursauter : « Ey, Ticket, ou mèt al di sa wi Ayiti, The President is Back ! »
Bon retour, Monsieur le Président !

AUTEUR

Gaëlle C. Alexis

gaelle@ticketmag.com
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