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Les candidats qui repartent en campagne rendent service à la démocratie et à la stabilité

jeudi 23 juin 2016

Avec la fermeture de la période de confirmation des candidatures ce mercredi, la campagne électorale va reprendre ses droits. Le Conseil électoral a pour responsabilité de construire un processus électoral solide. Ici au Nouvelliste, nous nous réjouissons que le pays, après des mois d’errance, revienne vers le moins coûteux des moyens de renouveler ses responsables politiques : les élections. De bonnes élections.

Permettez, avant de passer les prochains mois à parler des candidats les plus importants -c’est le parti pris du Nouvelliste-, que nous adressions nos plus vives félicitations à ceux qui ont eu la clairvoyance et le courage de renoncer de leur plein gré à leurs ambitions et au droit qu’ils avaient d’être candidat. Par leur geste inestimable, les 27 citoyens qui ne seront plus candidats sont les premiers qui apportent leur contribution à la réussite du processus électoral à venir.
La démocratie à construire est complexe et difficile à mettre en œuvre, toute pierre apportée à l’édifice est appréciable.
Fin 2015, en refusant de participer au second tour, de “cautionner la farce électorale ", Jude Célestin avait permis de faire dérailler le train infernal. Avec d’autres, il a évité au pays l’élection concoctée par Opont, Martelly et compagnie. Ces élections mal parties, décrites comme « yon sèl grenn soulye » par Evans Paul lui-même, premier ministre de Michel Martelly, avaient finalement fait naufrage.
En décidant de ne pas croiser le fer avec Jovenel Moïse, candidat du parti au pouvoir, celui qui avait royalement ignoré les dénonciations de fraude, Jude Célestin est entré dans l’histoire pour avoir tenu tête aux « Blancs » et pour avoir su mettre une sourdine à ses ambitions personnelles au nom de ses convictions dans un principe cardinal : un homme, une voix. L’ex-directeur du CNE, candidat à la présidence en 2010, accusé de fraude et écarté du deuxième tour, est devenu en 2015 le champion de la cause des bonnes élections. Mardi 21 juin 2016, il a confirmé son engagement pour concourir à nouveau.
Contre toute attente, après avoir refusé de reconnaître les recommandations de la Commission indépendante d’évaluation et de vérification électorale (CIEVE) « par respect pour le vote du peuple haïtien », Jovenel Moïse a confirmé ce mercredi sa participation à l’élection présidentielle prévue pour octobre 2016. Il a rejoint le nouveau train électoral, lui qui se voyait déjà président, succédant à Martelly.
Au-delà des gesticulations du PHTK et de ses alliés, « Nèg bannann nan » a donné de sa personne pour supporter, « kore » le bananier de la démocratie à laquelle aspire le peuple. Son inscription, sans souligner que c’est du pain béni pour Jocelerme Privert, devrait entraîner une autre dynamique au sein de sa famille politique. Jovenel Moïse croit dans les élections et les élections ont besoin d’un climat pour se tenir et se laisser gagner.
Ce mercredi, il y avait des absents célèbres au Bureau électoral départemental de l’Ouest dans les rangs des sympathisants PHTK. Pas un sénateur accrocheur, pas un député tapageur, pas l’ombre du chef de l’Entente démocratique n’est aperçu dans la photo de famille. Jovenel Moïse était avec sa femme, des proches et la grande foule de ses sympathisants. Les roses, les Tèt kale et alliés sont-ils en train de faire le deuil du changement au palais national pour passer en mode campagne électorale ?
A leur manière, Jude Célestin, Jovenel Moïse et tous ceux qui ont confirmé leur candidature ce 22 juin rendent service au processus démocratique erratique dans lequel Haïti est engagée depuis des décennies. Qu’ils croisent le fer, que le jeu des alliances se fasse, que les parlementaires « criseurs » du bord de mer mettent une sourdine au chantage politique, aux batailles pour les « repartimientos » de ministres, de secrétaires d’Etat, de directeurs généraux et que le processus démocratique retrouve ses rails.
Sans y aller par quatre chemins, il faut souligner que Jocelerme Privert appartient déjà au passé. Si on prolonge son mandat, de droit, de fait ou aux termes d’un accommodement, on doit le mettre en face de ses obligations. Celles d’un président qui s’en va, qui peut entrer comme un grand dans l’histoire, s’il garde sa neutralité, s’il n’interfère pas de manière nocive dans le processus électoral. Si un nouveau président est choisi, on devra lui faire les mêmes exigences. Mais le paquet doit être mis sur les élections à tenir, pas sur comment déstabiliser les institutions pour satisfaire des intérêts mesquins.
La presse, les organisations des droits de l’homme, les ambassades silencieuses et tous ceux qui n’avaient pas fait de cadeau à Michel Martelly devront mieux faire leur travail de chien de garde, de vigie, de sentinelle de la démocratie. Ils doivent être sans parti pris pour aider Haïti à sortir grandi de cet énième épisode transitoire.
Le Conseil électoral, maître du jeu, lui aussi, se trouve à un tournant. Il ne peut pas rater « l’exit » du boulevard Tèt chaje politique sur lequel le pays roule depuis plus d’un an. Il y a un vrai et immense travail de réengineering du processus électoral à mettre en place. Il y a la confiance à reconstruire pour porter une partie significative de la population à participer aux élections. La participation, le sel de la démocratie, est aussi le sel qu’il va falloir administrer, au besoin, aux « zombis » pour stopper leur résurgence.
Il ne serait pas mauvais, après l’invitation lancée à l’OEA, que le pays réinvite l’Union européenne, la Caricom ou tout autre organisme compétent à venir observer les prochaines élections, qui doivent être de vraies élections, comme l’exige le peuple haïtien. Observer et Surveiller sont de bonnes choses et personne ne doit avoir peur de la lumière comme il ne faut pas avoir une confiance absolue dans les solutions haïtiano-haïtiennes qui portent dans leurs germes nos problèmes. Ce n’est pas le financement local, le grès kochon kwit kochon, qui nous épargnera, non plus, des tentations, des uns et des autres, de frauder ni du poids de l’ingérence.
De plus, en Haïti où les pêcheurs en eau trouble et les mauvais perdants ont plus d’un tour dans leur sac, la vigilance patriotique et démocratique doit être déclenchée. La mafia de la drogue, le grand goût pour la gabegie qui corrompt tout, le banditisme qui irrigue d’argent sale les espaces de pouvoir ne vont pas laisser se faire les élections à venir sans mettre leur mise sur des candidats prometteurs.
Dans un autre champ, les faiblesses de nos institutions, de toutes nos institutions, ne vont pas aider le pays à passer le test électoral qui nous attend. Il faudra de l’intelligence, de la prévoyance, de l’humilité pour ne pas sombrer sous les coups de boutoir et dans les pièges. Tout le monde est appelé à prendre de la hauteur. A être plus responsable. Plus vigilant. A être plus exigeant.
Pour la paix et la stabilité, que la campagne soit belle, le combat âpre et que le meilleur gagne et entre au palais national le 7 février 2017 pour qu’Haïti revienne parmi les nations démocratiques du monde et se mette à penser à son relèvement.

AUTEUR

Frantz Duval

duval@lenouvelliste.com


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