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Disparition tragique de Willems Édouard

lundi 11 juillet 2016

La machine à broyer des vies a encore frappé. Me Willems Édouard, ancien directeur général des Presses nationales d’Haïti (2004 à 2011), a été tué à Pétion-Ville. À la rue Gabart, près de Caribe Tours. Sur Internet s’affichait déjà son image montrant le cadavre gisant dans son sang.

Cette belle figure du monde culturel emportée par l’insécurité grandissante en Haïti nous touche en plein cœur.

Les bandits ont supprimé l’un des meilleurs spécialistes haïtiens du droit d’auteur. Il était détenteur d’un DESS en management culturel (Paris-III Sorbonne).

Professeur, juriste passionné par la problématique de la propriété intellectuelle, il avait incité nombre d’étudiants à s’orienter dans ce champ de connaissances juridiques plein de promesses en Haïti. Et comme pour montrer la voie, il était avocat consultant au Bureau haïtien du droit d’auteur et tenait une chronique au quotidien Le National. Parallèlement à ce travail professionnel, il s’adonnait à la poésie. En 2005, il avait publié aux éditions Mémoires d’encrier « Plaies intérimaires ».

On se souviendra que, durant son passage aux Presses nationales d’Haïti, il avait publié une cinquantaine d’œuvres « classiques » et contemporaines haïtiennes. Une initiative saluée à l’époque par la presse et beaucoup d’auteurs haïtiens. Outre ce renforcement du patrimoine documentaire, les Presses nationales avaient mis au goût de la modernité sous forme numérique tout un éventail de documents d’histoire d’Haïti. Sur support DVD, sont gravés deux siècles de législation haïtienne. Une compilation d’environ 10 045 numéros du journal officiel « Le Moniteur » assortis de 286 000 images.

Willems était un ancien étudiant de la Faculté linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti. Devenu professeur, il a contribué à la formation de beaucoup d’étudiants haïtiens.

Ce professeur branché sur plusieurs champs des sciences humaines rêvait de faire traduire et publier en créole des livres relevant de plusieurs disciplines. L’ors d’une entrevue accordée au Nouvelliste en 2006, il avait déclaré : « C’est une anomalie que la créativité créole soit dominée par la poésie. Il faut un corpus fictionnel d’expression créole pour se dire, enfin ! nous n’avons pas que Dezafi comme oeuvre de la langue nationale. »

Au côté de Pierre Vernet, un passionné de la langue parlée par tout Haïtien, le créole, Willems avait lutté pour une bonne politique d’aménagement linguistique en Haïti. Une nécessité d’explorer les ressources des deux langues usitées dans notre moitié d’île. Les bandits armés ont finalement mis fin aux rêves de l’homme.

Ce crime odieux encore une fois vient mettre à nu l’incapacité de l’État haïtien à protéger ses citoyens. Nous sommes sans défense, à la merci de ceux qui ont créé un certain ordre dans ce grand désordre.

Ne croyez pas que cet ordre des choses se soit installé par hasard. Toute une stratégie a été mise en place pour que l’ordre des ténèbres frappe le pays dans toute sa magnitude.

Rien n’est inébranlable. Le règne de l’impunité qui fait les beaux jours de ceux qui ont construit leur capital économique, social et politique aura une fin. Et c’est parce qu’ils tremblent déjà à l’idée de cette fin que tous les malfrats se donnent la main pour perpétuer cet ordre.

AUTEUR

Claude Bernard Sérant

serantclaudebernard@yahoo.fr


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