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Barack Obama, champion des réserves naturelles

lundi 2 janvier 2017

Avec la désignation de deux nouvelles zones protégées dans l’Ouest américain, le président parachève son bilan. Mais les républicains, décidés à abroger sa décision, fourbissent leurs armes

Barack Obama met les bouchées doubles. Trois semaines avant de quitter la Maison Blanche, le président américain a offert une nouvelle victoire aux défenseurs de l’environnement. Mercredi 28 décembre, il a classé « monument national » deux nouvelles étendues sauvages de l’Ouest américain. La région de Bears Ears, dans l’Utah, et celle de Gold Butte, dans le Nevada, soit 647 000 hectares de terre, échapperont aux forages miniers, aux routes et au développement résidentiel.

Cette désignation répond au souci de protéger « certains des trésors culturels les plus importants de notre pays », a expliqué la Maison Blanche : fresques rupestres, anciennes habitations troglodytiques et terres considérées comme sacrées par les Amérindiens. La proclamation présidentielle crée par ailleurs une commission qui supervisera Bears Ears. Pour la première fois, les tribus indiennes (Hopi, Navajo, Ute et Zuni) seront associées à la gestion d’un parc fédéral.

Intervenant après la création, autour d’Hawaï, de la plus grande réserve marine naturelle du monde en août 2016, cette nouvelle mesure confirme la stature de défenseur des grands espaces de Barack Obama. Depuis son arrivée à la Maison Blanche en 2009, le démocrate a sanctuarisé vingt-neuf zones, sur une superficie de 224 millions d’hectares de terres et d’espaces marins, un record historique.

Faute de majorité au Congrès, il a utilisé la loi sur les Antiquités de 1906. Ce texte, destiné à l’origine à protéger les sites amérindiens des pillages, permet aux présidents de consacrer un « monument » sur une terre fédérale sans l’avis des élus, lorsqu’ils estiment que le patrimoine national est menacé. Barack Obama a recouru à l’« Antiquities Act » plus souvent que la plupart de ses prédécesseurs.

« Présidence impériale »

Selon le Washington Post, il pourrait encore, avant le 20 janvier, classer plusieurs zones, ce qui lui permettrait d’égaler le total de Franklin Roosevelt (trente zones protégées). Parmi les régions citées, la côte californienne, où le gouverneur Jerry Brown souhaite rendre permanente l’interdiction de nouveaux forages pétroliers avant l’arrivée de Donald Trump. Mais pas le Greater Grand Canyon, le pourtour du parc du Grand Canyon dans le Colorado, menacé par les projets de mines d’uranium.

Bears Ears est une zone de plateaux et de canyons rouges, aux confins des Four Corners, le point de rencontre – unique aux Etats-Unis – de quatre Etats (Colorado, Arizona, Utah, Nouveau-Mexique). Après des années de controverse, son classement a suscité un tollé parmi les républicains, dont la quasi-unanimité des élus locaux, qui y voient un nouvel exemple de la « mainmise » du gouvernement fédéral sur les terres de l’Ouest, et de la « présidence impériale » de Barack Obama, selon l’expression du sénateur Mike Lee.

Le gouverneur de l’Utah a déjà chargé son attorney général (ministre de la justice) d’engager des poursuites contre le gouvernement. Les conservateurs veulent que Washington rende aux Etats la maîtrise de leurs terres. Depuis qu’en 1996 Bill Clinton a classé une autre immensité rocailleuse, le Grand Staircase-Escalante, monument national, l’Utah est à 65 % propriété de l’Etat fédéral. Il compte déjà cinq parcs nationaux – Arches, Canyonland, Zion, Capitol Reef et Bryce Canyon – qui rapportent aujourd’hui 1 milliard de dollars à l’économie chaque année.

« Trump, aide-nous »

Moins controversé, le classement de Gold Butte, dans le Nevada, a été vu par certains comme un cadeau de départ au chef de file démocrate du Sénat, Harry Reid, natif de l’Etat, qui prend sa retraite début janvier, après trente-quatre ans à Washington. La zone définie est beaucoup plus petite, mais elle se trouve non loin du ranch de la famille Bundy, le clan d’irréductibles qui avait mené, en avril 2014, une confrontation armée avec la police fédérale. Les Bundy refusent depuis des années de payer les droits de pâturage exigibles dès lors que les ranchers amènent leurs vaches sur les terres publiques. Samedi 31 décembre, leurs amis ont manifesté – en l’absence des intéressés, incarcérés. « Trump, aide-nous », pouvait-on lire sur les pancartes.

Le nouveau président viendra-t-il à la rescousse des antigouvernementaux de l’Ouest ? Selon le Congressional Research Service, l’organisme d’études du Congrès, aucun président n’a jamais tenté d’annuler un classement décidé par l’un de ses prédécesseurs. En l’absence de précédent, souligne-t-il, le cas n’a pas été tranché par la justice, et les experts sont divisés. « Il ne s’agit pas d’un décret, le président agit en vertu de l’autorité qui lui est conférée par une loi. Pour revenir sur la désignation d’un monument, il faudrait un acte du Congrès », avance James Morton Turner, professeur d’études environnementales à l’université Wellesley, cité par le magazine Outside.

Mais toute loi abolissant une aire protégée pourrait faire l’objet d’une manœuvre d’obstruction de la minorité démocrate au Sénat (filibuster). Il est arrivé en revanche qu’un chef de l’exécutif réduise la taille du monument désigné. Selon le cabinet du sénateur Lee, Donald Trump pourrait ainsi « défaire à 99,9 % » l’initiative de Barack Obama. Pendant la campagne 2016, le président élu s’était montré enthousiaste à l’idée d’autoriser l’exploitation du sous-sol sur les terres fédérales, mais beaucoup moins à celle d’en rétrocéder une partie aux Etats fédérés.

Les républicains, maintenant majoritaires, espèrent réussir enfin à circonscrire la loi de 1906. « Le dispositif qui avait permis de protéger des zones limitées est devenu un mécanisme utilisé par les présidents pour leur autoglorification », reproche Matthew Anderson, de la Coalition for Self-Government in the West, un centre de recherche libertarien.

Un projet de loi a déjà été déposé, qui imposerait l’approbation du Congrès à toute désignation présidentielle. Jusqu’ici, les tentatives des républicains pour affaiblir la loi ont échoué, Barack Obama ayant apposé son veto. Les opposants à la loi sur les antiquités sont convaincus que Donald Trump sera de leur côté. Climatosceptique, il n’a pas fait mystère de son intention de défaire l’héritage « vert » de Barack Obama. Mais, une fois à la Maison Blanche, rien ne dit qu’il souhaitera abandonner une fraction du pouvoir dévolu aux présidents des Etats-Unis.


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