MosaikHub Magazine

28 août 1947. Le taureau Islero encorne Manolete qui meurt faute d’être correctement transfusé.

jeudi 28 août 2014

Gloire au champion de l’élevage Miura, qui réussit la mise à mort du plus célèbre matador espagnol, le triste Manolete.

Si les taureaux pouvaient ériger des statues à leurs héros, ils en consacreraient une au plus brave d’entre eux, Islero ! Ce vaillant combattant à sabots a mis hors d’état de nuire un des plus célèbres matadors du XXe siècle, Manolete ! Olé ! La scène se passe dans les arènes de Linares, une petite ville du sud de l’Espagne. L’affiche de la corrida de ce 28 août 1947 est exceptionnelle : les taureaux de la très célèbre ganadería de don Eduardo Miura sont invités à affronter Manolete, 30 ans, mais aussi l’immense Luis Miguel Dominguín, 21 ans, à l’orée de sa carrière. Il y a un troisième matador, moins célèbre, Gitanillo de Triana (Rafael Vega).

Le paso débute à 17 heures. Les trois toreros saluent la présidence et les 10 500 spectateurs. Dans la tribune officielle, Manuelito Valls brandit déjà les deux pouces vers le bas en direction du taureau Montebourgo... Comme à son habitude, Manuel Laureano Rodríguez Sánchez, dit Manolete, fait triste figure. À 30 ans, il en paraît 40. C’est le Couve de Murville des arènes, ce qui ne l’empêche de révolutionner la tauromachie en privilégiant les mouvements très esthétiques de la cape. Cet après-midi, il porte un habit de lumière rose saumon et or emprunté à Roselyne Bachelot.... À l’inverse, le jeune Dominguín rayonne de fierté, bien décidé à en remontrer à son aîné. Dans leurs box, les taureaux ricanent. Ils savent que les véritables stars, ce sont eux. Ils n’ont pas besoin de paillettes pour briller, ni de toutes ces simagrées. Ils mourront avec fierté, et, avec un peu de réussite, l’un d’entre eux parviendra à accrocher les deux oreilles et la queue d’un des toreros. Brigitte Bardot leur a envoyé un télégramme d’encouragement où elle les assure du soutient de Marine le Pen... Le taureau Islero y est particulièrement sensible, d’autant qu’il ne devait pas entrer en scène à Linares, mais Manolete l’a réclamé pour remplacer un de ses camarades d’élevage qui ne lui plaisait pas.

Malin et redoutable

Le premier torero est lâché dans l’arène, c’est Gitanillo. Il vainc sans gloire et en quinze minutes son premier adversaire. 1 à 0 en faveur des matadors. Le deuxième taureau se retrouve face à Manolete, qui, en deux passes et trois mouvements, l’expédie dans un autre monde d’un maladroit bajonazo. Il a planté son épée trop bas dans le flanc de l’animal. La foule siffle le triste sire. Le compteur affiche 2 à 0. C’est au tour du troisième taureau d’affronter le jeunot Dominguín, qui virevolte gracieusement dans l’arène avant d’achever son rude adversaire. 3 à 0. Le quatrième taureau revient à Gitanillo, qui sort une fois de plus vainqueur de la confrontation. 4 à 0. C’est alors qu’entre en piste la star de la corrida : Islero. C’est un taureau de l’élevage Miura de 500 kilos. Ce n’est donc pas un monstre, mais il est suffisamment malin pour être redoutable. Ses cornes menaçantes pointent vers l’avant.

Durant le passage de cape, Islero teste Manolete. Il lui fait comprendre qu’il n’est pas du genre bourrin à foncer tête baissée sur la muleta. Et puis pas question de venir au centre de l’arène. Peu à peu, les deux adversaires se prennent au jeu. Islero frôle le matador pour lui donner des sueurs froides. Bientôt, c’est au tour des picadors d’entrer en scène. Ceux-ci, du haut de leurs chevaux, sont chargés de fatiguer et de faire baisser la tête du taureau en lui fichant leurs piques dans le garrot. Islero connaît la chanson, il fait mine de paraître affaibli pour que les picadors disparaissent de la piste. Ségolène lui a bien fait la leçon... Puis le tercio de banderilles est vite expédié sous les sifflets du public.

Artère fémorale sectionnée

Voilà maintenant, temps fort du spectacle, celui de la mise à mort, la faena de muleta. Islero est décidé à montrer de quoi il est capable, Manolete sort également le grand jeu. Cette fois, le public se tait. Le taureau charge de plus en plus près son adversaire, qui prend de grands risques. Islero se félicite d’être tombé sur une bête d’aussi grande qualité. Manolete réalise maintenant sa grande spécialité, la manoletina, consistant à tenir la muleta de la main gauche passée derrière le corps. Le taureau adore, il s’amuse à renifler les chevilles de son adversaire. Quand celui-ci commence à fatiguer, Islero se prépare à l’estocade. Il s’approche paisiblement de Manolete. Il baisse la tête et sent déjà l’ivresse de la victoire dans les naseaux. Mais il n’est pas assez rapide. Le matador a déjà plongé son épée dans la croix (zone du garrot). Il la sent le pénétrer centimètre par centimètre. Mais Islero n’a pas dit son dernier mot. Mobilisant ses dernières forces, il relève le front en faisant pénétrer une de ses cornes dans l’aine de son adversaire. L’artère fémorale est sectionnée. D’un coup de tête, Islero envoie Manolete au sol, sous ses sabots. Le sang jaillit. Olé ! meuglent les taureaux dans leurs cages. Islero remercie la Sainte Vierge de lui avoir permis de réussir sa corrida. Écarté de son valeureux et malheureux adversaire par les peones et Dominguín, il fait quelques pas avant de s’abattre. Sa dernière pensée est de se demander s’il a mérité les oreilles et la queue du matador.

Pendant ce temps, on s’empresse de relever Manolete, son porteur d’épée comprime la blessure avec les mains pour essayer d’endiguer l’hémorragie. Le matador souffre horriblement pendant qu’on le transporte jusqu’à l’infirmerie, où il est déposé sur une table. Malgré la douleur, il demande s’il a mérité les oreilles et la queue d’Islero. On les lui apporte avant de le transporter jusqu’à l’hôpital voisin sur une civière. Là, les médecins pratiquent immédiatement des transfusions en prélevant le sang sur des volontaires, mais la tension du blessé continue de chuter. Bien des années plus tard, on découvrira que le sang transfusé était incompatible... Vers 21 heures, Manolete a encore la force de tirer deux ou trois fois sur une cigarette. Il boit un peu. Prévenue, sa mère débarque affolée, ce qui ne l’empêche pas d’interdire à Lupe, l’actrice qui partage la vie de son fils, d’approcher, car elle la déteste. "Une pute..." Le matador continue à s’affaiblir. Les médecins venus de Madrid n’y peuvent rien. Ils lui transfusent du plasma donné quelques mois plus tôt par la Norvège à l’Espagne, même si on le soupçonne d’être de mauvaise qualité. À quatre heures du matin, Manolete se plaint de ne plus rien voir et de ne plus sentir ses membres. Une heure plus tard, il s’assoupit pour toujours. Islero n’est pas mort en vain.
C’est également arrivé un 28 août
1996 - Divorce du prince Charles, héritier de la couronne britannique, et de Diana.

1981 - Aux États-Unis, découverte d’un problème du système immunitaire, plus tard appelé sida.

1966 - Première de l’émission télévisée Au Théâtre ce soir, depuis le théâtre Marigny.

1963 - À Washington, Martin Luther King prononce son célèbre discours « I have a dream », puis rencontre Kennedy.

1948 - Sortie en salle, aux États-Unis, du film d’Alfred Hitchcock La corde avec James Stewart.

1946 - En France, une loi confie à l’Insee la gestion du fichier électoral.

1898 - Caleb Bradham, pharmacien, renomme sa liqueur douce Pepsi-Cola.

1851 - La pièce de Dumas fils La dame aux camélias est interdite par le ministre de l’Intérieur pour « atteinte aux bonnes mœurs ».

1833 - L’esclavage est aboli à travers l’Empire britannique.

1749 - Naissance du poète et philosophe allemand Johann Wolfgang von Goethe.

430 - Le théologien Saint-Augustin meurt à 75 ans, en Afrique du Nord.


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie