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Redondo El Principe Richard : « J’assume pleinement mon handicap ! » PUBLIÉ 2019-01-18

lundi 21 janvier 2019 par Charles

Soulier d’or à la 15e édition du Mondial des amputés avec 9 buts en 7 matches, Redondo El Principe Richard est un attaquant pure laine. Âgé seulement de 18 ans, cette pépite entre dans le panthéon du foot local en devenant l’unique joueur haïtien à rafler une telle distinction à une pareille compétition. Ce qui lui a permis de figurer convenablement dans le classement des jeunes de Ticket 2018. Portrait de cet ailier droit de la sélection nationale de football des amputés. Un homme dont la vie va au-delà d’un simple handicap.

12 janvier 2010. À Fort National, quartier populaire du Bel-Air, un petit garçon de 10 ans est gardé à la maison par sa grand-mère et sa grande sœur. À 4 heures 53 minutes, un bruit tonitruant le pousse à se précipiter à l’extérieur. Mais sa mamie le couvre de ses bras pour l’en empêcher. Le protéger… au prix de sa vie. En 35 secondes, l’espace d’un cillement, la terre a tout avalé. Sous les petits yeux apeurés de l’enfant, la maison s’effondre. Sa sœur et sa mémé s’éteignent, le laissant seul sous les décombres, jusqu’au lendemain. Redondo El Principe Richard perd sa jambe gauche et ne sera plus jamais comme avant.
Son âme d’enfant triomphe de ses mauvais souvenirs. Entouré de ses proches, l’actuel élève de l’Institution mixte Frères franciscains est traité et choyé comme tous les adolescents de son âge. Le gladiateur qui sommeille en lui ne laissera jamais des béquilles restreindre ses capacités. Il continue à savourer le plaisir de jouer au football. Malgré tout. « En réalité, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Grâce à ma famille et à mes amis, je n’ai jamais eu le temps de penser à ma nouvelle condition, ni de m’attrister. Comme avant le séisme, mes amis passaient me prendre, et ensemble, on allait taper dans le ballon », se rappelle Redondo, jeans bleu, t-shirt bleu ciel et blanc, sans une once de tristesse dans la voix.
Continuer à jouer au football ne s’est pas révélé facile pour ce jeune homme les jours succédant au tremblement de terre. Le dossard 7 de l’équipe nationale des amputés ne se laisse pas faire. Sa difficulté à s’adapter sur le terrain n’aura en aucun cas raison de son courage. « Ce n’était pas sans difficultés. Je tombais à chaque fois. Mais, je me suis toujours relevé. Au fond de moi, il y avait cet instinct qui me poussait à recommencer. Encore et encore », raconte El Principe, qui jouait régulièrement au Champ de Mars en compagnie de ses bons amis. « Ils avaient tous leurs deux membres, cependant, cela ne m’empêchait nullement de me mesurer à eux », se souvient-il en souriant.
Le football comme oasis et pleine affirmation de son handicap, le grand fan de Leo Messi tape dans l’œil du coach Jean-Marc Antoine. « Je jouais au Champ de Mars quand il m’a approché. Il a tout de suite demandé à rencontrer ma mère pour lui demander la permission de m’inviter à suivre des séances d’entraînement au club Zaryen, qui avait déjà constitué une équipe. J’y suis allé et jour après jour, j’ai appris à devenir un joueur de professionnel, maîtrisant les principes du football des amputés », indique l’une des étoiles montantes de ce sport en Haïti.
Aujourd’hui, neuf ans après ce tragique événement, Redondo El Principe Richard incarne courage, fierté et résilience. Ce footballeur né le 15 août 2000 demeure la preuve tangible que la vie surpasse les handicaps. Avec son soulier d’or, le natif de Port-au-Prince redonne espoir aux personnes à mobilité réduite, dans un pays qui peine encore à les prendre pour des êtres humains à part entière. « Après la Coupe du monde, notre exploit a permis de modeler une autre perception des handicapés. Le trophée que j’ai reçu est certes un titre individuel, cependant, je le dédie à mes coéquipiers », affirme le fan du FC Barcelone et de la sélection allemande de football.
Si tout n’a pas été rose à Guadalajara pour ses pairs et lui, Redondo El Principe Richard garde toutefois de bons souvenirs de cette grande expérience, au terme de laquelle il a inscrit 9 buts en 7 confrontations. « Nous avons enduré le martyre, mais noua sortons quand même fiers et satisfaits de notre passage au Mondial. Moi, personnellement, j’avais de grandes responsabilités et je me suis battu afin de les assumer », explique-t-il. « Marquer 9 buts en 7 rencontres, c’était quelque chose d’extraordinaire. Parce que j’ai vu et côtoyé des attaquants au talent énorme au cours de la compétition. Ce qui m’incitait à me surpasser, à travailler davantage », poursuit le passionné de musique et de jeux vidéo.
Le joueur de Zaryen nourrit de grands rêves. Ce mordu du ballon rond se voit briller comme son idole barcelonais ou comme CR7 et surtout de venir en aide aux amputés. « À travers le football, une porte s’ouvre à moi. J’ai accepté ma situation, j’assume pleinement mon handicap. Personne ne peut m’intimider. J’ai de la motivation à revendre », avance Redondo qui ambitionne de construire une école pour ses pairs.


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