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Journée du droit dans les collèges : « Pourquoi c’est important l’égalité des sexes ? »

dimanche 6 octobre 2019 par Charles

Ce vendredi, pour la deuxième édition de la Journée du droit dans les collèges, le Conseil national des barreaux a décidé d’aborder la thématique de l’égalité femmes-hommes. Reportage avec une classe de 4e de La Garenne-Colombes, dans les Hauts-de-Seine.

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Journée du droit dans les collèges : « Pourquoi c’est important l’égalité des sexes ? »
Par Marlène Thomas, Photo Nolwenn Brod. VU — 4 octobre 2019 à 16:17

Dans une classe de 4e du collège Les Champs-Philippe, à La Garenne Colombes, ce vendredi lors de la journée du droit. Photo Nolwenn Brod.VU pour Libération

Journée du droit dans les collèges : « Pourquoi c’est important l’égalité des sexes ? »
« A travail égal, est-ce que les femmes sont payées autant que les hommes ? » Les doigts se lèvent. Une élève : « Non, un homme gagne plus qu’une femme. » Isabelle Dahan, 47 ans, avocate au barreau de Paris depuis vingt-deux ans, rebondit : « Vous savez à quelle hauteur ? » Pas de réponse. « A 15%. A partir du 6 novembre, on peut estimer que les femmes travaillent gratuitement. » Quelques yeux s’écarquillent. Une élève fait valoir : « C’est injuste car on a plus de frais. On n’a pas décidé d’avoir nos règles pourtant on doit acheter des protections périodiques, des soutiens-gorge. » Ce à quoi un garçon rétorque : « Nous, on doit payer pour les contours » (comprendre, aller chez le coiffeur), suscitant l’hilarité générale. L’occasion pour l’avocate de rappeler les freins à l’égalité salariale mais surtout les recours juridiques possibles devant les prud’hommes et en correctionnelle pour discrimination. « La peine maximale est de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. »
C’est la deuxième fois qu’Isabelle Dahan, avocate en droit de la famille, se porte volontaire pour sensibiliser les élèves dans le cadre de la Journée du droit dans les collèges. Dans les établissements volontaires, une séance de deux heures était organisée ce vendredi. Après le cyberharcèlement et les réseaux sociaux, c’est l’égalité femmes-hommes qui était au programme. Cette année, 650 interventions étaient prévues pour 16 250 élèves sensibilisés.

Membre de l’association Initiadroit, l’avocate est rodée. En revanche, la classe de 4e du collège Les Champs-Philippe à la Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine) n’a que peu connaissances du système juridique français. Quelques piqûres de rappel sur le métier d’avocat, l’ordre judiciaire, les sources de droit, ne sont donc pas de trop. « Il faudrait plus d’initiations au droit dans le cadre de l’éducation morale et civique. Le droit régit les règles en société, c’est fondamental. A partir du moment où les jeunes connaissent les règles, sont conscients de leurs actes, ils évitent davantage les bêtises. » Une sensibilisation d’autant plus importante au collège où les jeunes « sont encore très influencés par le milieu familial. »
« Pourquoi les femmes se font violer ? »
Deux avocats accueillis l’an dernier, cinq cette année : le collège Les Champs-Philippe a été séduit par le concept. Une intervention est même prévue en plus à l’internat. Le principal, Kader Mimoun, souligne : « Ça répond parfaitement à des enjeux du programme. Parler de l’égalité femmes-hommes est essentiel et en prise direct avec les relations filles-garçons au collège. Quant à l’angle du droit, c’est une question majeure. La justice comme l’injustice tiennent à cœur les ados. » C’est aussi pour lui « une manière de nous faire réfléchir, nous personnels, sur nos discours, notre façon d’aborder ces questions. L’école a un rôle à jouer ».
Partage des tâches, égalité des chances, femmes en politique et loi sur la parité : de nombreux points ont trouvé écho chez les élèves. « Pourquoi c’est important l’égalité des sexes ? Je suis étonnée, personne ne m’a encore répondu "parce qu’il y a des violences sexistes". Pourquoi les femmes se font violer ? » relance Isabelle Dahan. Un élève, du tac au tac : « A cause de ses habits. Il y a des filles qui en montrent trop, limite elles sont en sous-vêtements dans la rue. » Un long débat est lancé. « Il y a du travail… Il va se faire lyncher par ses copines », rigole l’avocate en rappelant la « liberté de se vêtir ». Nombre de filles, choquées, souhaitent réagir. L’une d’elles tonne : « C’est stupide ce que tu dis. Aucun vêtement ne mérite qu’une femme se fasse violer. On doit pouvoir porter ce qu’on veut sans être attaquée, sans avoir une main aux fesses. » La déléguée de classe abonde : « Tant que la femme ne dit pas qu’elle est consentante, il ne doit pas y avoir d’agression. C’est illégal. »
Agir pour l’égalité
Isabelle Dahan rappelle « qu’il n’y a pas de circonstances atténuantes dans le cas d’un viol. C’est uniquement une question de consentement. Oui c’est oui, non c’est non. » Elle explique : « Un juge de Nanterre a dérapé il y a peu en disant que la femme avait un devoir conjugal. Pendant longtemps, la femme a été à la disposition de l’homme. Comme l’esclavage, c’était une forme de soumission. Des personnes s’autorisent des choses qu’elles ne feraient pas s’il y avait une égalité parfaite. » Les débats vont bon train mais le temps manque. L’avocate conclut alors que la sonnerie retentit : « Il est important que vous, jeunes générations, agissiez pour l’égalité. »
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Le message a été bien reçu par Mathieu, 12 ans. « J’ai beaucoup appris, je ne savais pas que les femmes étaient moins payées, qu’il y avait du sexisme comme ça. » Enora, 13 ans, est ravie du choix de la thématique : « Les gens ne se rendent pas compte de ce qu’ils disent. Je parlais sports avec des camarades et on m’a dit "tu vas forcément dire que tu aimes la danse ou la gym" alors que pas du tout. Ça blesse, ces remarques sexistes. » Elle ajoute : « Par contre, je suis déçue de voir comment certains garçons de la classe raisonnent. » Rudy, 12 ans, en aurait même voulu plus sur l’égalité. « On n’en a pas assez parlé, on a trop parlé du métier d’avocat. » Le thème semble avoir autant touché les filles que les garçons.
Marlène Thomas Photo Nolwenn Brod. VU


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