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La délicate mutation de l’automobile française

vendredi 29 mai 2020 par Charles

Editorial. Emmanuel Macron a annoncé, mardi 26 mai, le plan de soutien de l’Etat au secteur. En termes commercial, environnemental, industriel et social, l’équation s’annonce très complexe.
Publié le 27 mai 2020 à 11h15
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Editorial du « Monde ». Regarder dans le rétroviseur tout en fixant la ligne d’horizon. Protéger les emplois d’hier, mais surtout créer les conditions pour développer ceux de demain. Inciter à localiser la production en France, sans renoncer à la compétitivité. Le plan de soutien à l’industrie automobile française, annoncé, mardi 26 mai, par le président de la République, tient de la quadrature du cercle. L’ambition est louable, mais la réalisation risque de se heurter au double enjeu auquel le secteur est confronté : surmonter la crise historique provoquée par la pandémie de Covid-19 et, simultanément, négocier un virage technologique vers le véhicule propre, qui ne se fera pas sans casse.
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On ne pourra pas reprocher à l’Etat de ne pas mettre les moyens pour soutenir un secteur qui participe au « génie de notre nation », selon les mots d’Emmanuel Macron. Le gouvernement a promis de consacrer au total 8 milliards d’euros, dont l’essentiel consiste à faire passer cette industrie du XXe au XXIe siècle. L’objectif est de « faire de la France la première nation productrice de véhicules propres en Europe » en portant la production à un million d’ici à cinq ans. Par temps calme, la tâche aurait semblé déjà ardue. Avec l’effondrement du marché automobile de 80 % ces deux derniers mois, cette transformation du secteur tient de la gageure.
Ecouler les invendus
Dans un premier temps, il va s’agir d’écouler les véhicules invendus qui se sont accumulés chez les concessionnaires. Condition nécessaire pour permettre à la production de reprendre progressivement son rythme. Dans cet objectif, le gouvernement déploie toute une série d’aides à l’achat, qui, malgré leur générosité, pourraient avoir du mal à absorber ce stock équivalant à un quart du marché annuel de 2019. La montée du chômage, qui commence à se matérialiser, risque de dissuader bon nombre de clients potentiels. Par ailleurs, les effets pervers de ce type de mesure sont bien connus. Plus qu’une incitation à la consommation, il s’agit de promouvoir des anticipations d’achat, qui ne font que reporter la baisse de la demande au moment où les primes s’arrêtent.

Dans un second temps, il est question de lancer une transition semée d’embûches vers le véhicule propre. Sur le plan commercial, d’abord. Fixer un objectif d’un million de voitures produites en France à l’horizon 2025 est une chose. Trouver les clients qui les achèteront en est une autre, alors que la concurrence allemande, américaine et japonaise est de plus en plus féroce.
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Sur le volet industriel, ensuite. La constitution d’un « Airbus de la batterie », dans lequel Renault a accepté de rejoindre PSA et Total en échange du soutien de l’Etat, semble une bonne idée sur le papier. Toutefois, l’initiative reste à ce stade très franco-française, laissant planer le doute sur la compétitivité du projet face à des concurrents plus aguerris.
Sur l’aspect social, enfin. La production de moteurs thermiques nécessite cinq fois plus de main-d’œuvre qu’une motorisation électrique. Le basculement d’une technique à l’autre va inévitablement se traduire par des réductions d’emplois. C’est l’angle mort des annonces présidentielles. Même si l’Etat a voulu donner l’impression qu’il serait vigilant avant d’accorder ses aides, les restructurations seront inévitables. Renault doit ainsi annoncer le 29 mai un plan de réduction des coûts indispensable à sa survie à court terme. L’Etat peut apporter son soutien, « quoi qu’il en coûte », mais il ne fera pas de miracle.
Le Monde


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