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Guerre du pétrole : « Moscou perd à tous les coups »

lundi 30 mars 2020 par Charles

ENTRETIEN. L’économiste russe Sergei Guriev émet des doutes sur la stratégie de Poutine face à l’Arabie saoudite, ayant entraîné une chute du prix du baril. Propos recueillis par Armin Arefi
Modifié le 30/03/2020 à 13:07 - Publié le 30/03/2020 à 11:00 | Le Point.fr

Vladimir Poutine en discussion avec Igor Setchine, le PDG du géant pétrolier russe Rosneft, qui aurait inspiré la stratégie de la Russie dans la « guerre du pétrole » face à l’Arabie saoudite et aux producteurs américains de gaz de schiste. © Alexei Druzhinin / Sputnik / Sputnik via AFP
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Jamais en dix-sept ans les prix du pétrole n’avaient atteint un niveau aussi bas. Ce lundi matin, le baril de brent tourne autour des 20 dollars, soit plus de deux fois moins que son niveau il y a trois semaines (50 dollars). Si cette crise est renforcée par l’épidémie de coronavirus qui frappe le monde, elle trouve son origine dans un bras de fer diplomatique engagé le 6 mars dernier entre l’Arabie saoudite et la Russie. Réunis à Vienne, les deux pays participent alors à un sommet de l’Organisation des pays exportateurs du pétrole (Opep). Ils tentent de s’accorder sur une nouvelle baisse de la production de pétrole afin de maintenir les cours, fragilisés par la baisse de la demande liée à la crise du Covid-19.
Or, contre toute attente, Moscou, soucieux de ne pas perdre de parts de marché face aux producteurs de gaz de schiste américain, a refusé. Dès lors, Riyad, troisième producteur de pétrole du monde, décide d’augmenter sensiblement sa production afin de faire chuter les prix, et ainsi contraindre la Russie à revoir sa position. En vain, pour l’instant. Ancien économiste en chef de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, Sergei Guriev est aujourd’hui professeur d’économie à l’Institut d’études politiques Sciences Po. Dans un entretien au Point, l’économiste russe décrypte la stratégie de Moscou dans la « guerre des prix » du pétrole engagée entre l’Arabie saoudite et la Russie.

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Lire aussi« L’Arabie saoudite peut longtemps supporter la crise du prix du pétrole »
Le Point : Qui de l’Arabie saoudite ou de la Russie est-il, selon vous, à l’origine de la crise ?

Sergei Guriev est aujourd’hui professeur d’économie à l’Institut d’études politiques Sciences Oo. © Dermot Doorly
Sergei Guriev : Un accord existait déjà entre l’Arabie saoudite et la Russie sur des réductions communes du volume de production de pétrole dans le cadre de l’Opep+ (Organisation des pays exportateurs de pétrole + d’autres États, dont la Russie, NDLR). Mais Riyad a jugé que celui-ci n’était pas suffisant en raison de la situation actuelle et a réclamé plus de coupes dans la production. Les marchés attendaient ainsi un nouvel accord russo-saoudien. Or, Moscou a cette fois dit « non ». En réponse, l’Arabie saoudite a lancé la guerre des prix du pétrole en augmentant sensiblement sa production.

Comment expliquez-vous ce « niet » russe ?
Beaucoup d’experts estiment que c’est la stratégie menée par Igor Setchine, le PDG de la compagnie pétrolière russe Rosneft. Celui-ci ne supportait plus que la baisse de production décidée par Russie et l’Arabie saoudite profite aux sociétés américaines de gaz de schiste, qui auraient d’autant plus augmenté leurs parts de marché. Clairement, le but de la Russie est ici de « punir » les producteurs américains de gaz de schiste.

Lire aussi Guerre du pétrole : la revanche du « Dark Vador » russe
Cet objectif russe est-il réalisable ?
C’est, à mon sens, une erreur, et un calcul pour le moins étrange de la part de la Russie. Peut-être la baisse actuelle des prix du pétrole va-t-elle affaiblir et même exclure temporairement les sociétés américaines, dont certaines vont tomber en banqueroute et devoir changer de propriétaire. Mais dès que les cours remonteront, ce qui arrivera, les producteurs américains de gaz de schiste augmenteront à nouveau leur volume de production.

Le budget russe a été établi sur un baril de pétrole à 42 dollars.
L’argument russe n’est-il pas compréhensible, Moscou n’ayant cessé de perdre des parts de marchés au profit des producteurs américains de schiste ?
C’est vrai, mais c’est la loi du marché, entre les différents compétiteurs. Maintenant, il est nécessaire de rappeler que, si la Russie s’était accordée avec l’Arabie saoudite sur une nouvelle baisse de la production de pétrole, elle s’y serait retrouvée sur le plan financier. En diminuant sa production quotidienne de 300 000 barils, elle aurait certes perdu l’équivalent de 30 % de sa production pétrolière. Mais dans le même temps, cet accord aurait entraîné une hausse de 10 à 15 % des prix. Or, dans la situation actuelle, la Russie perd à tous les coups. À mon avis, le calcul russe n’est pas très intelligent.
Économiquement, la Russie peut-elle tenir ?
Le budget russe a été établi sur un baril de pétrole à 42 dollars, pas à 20 dollars. Cela dit, la situation n’est pas désastreuse. Moscou possède toujours d’importantes réserves financières. Le rouble a un taux de change flexible, de sorte que la chute des prix du pétrole du pétrole entraîne une baisse de la valeur de la monnaie, mais, en parallèle, une augmentation de celle du fonds souverain. Ainsi, la Russie possède suffisamment de réserves pour les trois ans à venir.
Que de Riyad ou de Moscou est le mieux armé pour remporter cette « guerre des prix » ?
Il est possible que l’Arabie saoudite et la Russie finissent par s’accorder, ce qui fera remonter les prix. Mais si Riyad veut lutter, alors, il est mieux armé que la Russie en raison de ses importantes réserves de pétrole et surtout du faible coût de production comparé aux hydrocarbures russes. Ainsi, l’Arabie saoudite peut combattre sur ce terrain aussi longtemps qu’il le souhaite.
Lire aussi« La Russie fait le pari que la crise du coronavirus est temporaire »
La crise liée au coronavirus, qui d’après Moscou épargne relativement la Russie, peut-elle changer la donne ?
La crise liée à l’épidémie de coronavirus en Russie peut changer la donne, d’autant que les chiffres russes ne sont pas clairs du tout (il y a officiellement 1 534 cas d’infection et 8 décès, NDLR). Ce lundi, Moscou est entrée dans sa première journée de confinement (même si les Moscovites peuvent toujours se rendre au travail, NDLR). Si jamais le pays devait passer à un scénario « à la française » (mesures de confinement total dans tout le pays, NDLR) alors la situation serait totalement différente, et il est peu probable que la Russie ait assez de ressources pour faire face à la crise.
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11 Commentaires
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Par agur le 30/03/2020 à 13:22
/
Et si de temps à autre les médias français se montraient objectifs ? De quelque pays qu’ils traitent ils mettent d’abord en avant toutes leurs " mauvaises " décisions, leurs mauvais résultats, les lendemains qui ne peuvent que déchanter... USA, Russie, Allemagne etc. Etc. Depuis des années nous perdons chaque jour du terrain sur le plan économique - les Anglais nous sont passés devant depuis deux ans - nous avons perdu notre audience dans le monde, de plus en plus d’Européens nous tournent le dos, Allemands en tête... Le coq français doit’il rester coûte que coûte le seul animal capable de chanter les pieds dans la gadoue ?
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Par Jean-Loup Ranchon le 30/03/2020 à 13:16
Amusant...
D’oublier sciemment certains détails.

1 - Poutine a fait une thèse en économie sur les ressources minérales, il est loin d’être un ignare sur le sujet, et comme toujours toutes ses actions sont calculées.

2- Contrairement a ce que dis @mikemike, la fermeture des frontières n’est pas inutile, tout dépends comment elle est réalisée.
Singapour et l’Allemagne l’ont fait d’une facon simple, on teste toutes les personnes qui entre sur le sol. Pour des petits cela suffit, pour la Russie c’est plus compliqué.
Pour les personnes arrivant en avion pas spécialement, il suffit d’interdire tous les vols étranger sauf ceux arrivant à Moscou que l’on réduit... Donc juste St Petersbourg.
Et sur place tester toutes les personnes se déplaçant en avion (même sur les vol interne tout le monde est testé)
Pour les frontières terrestre on ferme au maximum, mais pas totalement, et surtout on TESTE ON TESTE ON TESTE et on isole quand contaminé ! Ce que ne fait pas la France, mais que fait l’Allemagne (0, 5% de décès !)
Le confinement est le remède des pays pauvres incapables de mettre en place des tests à grande échelle et d’isoler réellement les personnes infectées.
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Par guy bernard le 30/03/2020 à 13:14
@jpjagger
Bonjour
on ne brocarde personne et une compétence manque à nos énarques : elle consiste à "penser synchrone, agir synchrone", ce qui est la problématique des gestionnaires, des journalistes et de la plupart du commun des mortels.
cdt
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