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Pierre Pelot : « Jours d’avant, de pendant et d’après »

lundi 4 mai 2020 par Charles

« Ecrivains confinés, écrivains libérés (8) ». Le romancier évoque son fort enracinement, son confinement volontaire, à Saint-Maurice-sur-Moselle, dans les Vosges, où se trouve le « terrier » d’où il considère le monde et en invente sans cesse.

Et je me demande – tout à coup : de quel virus ai-je donc eu peur, un jour lointain niché à quelque source cachée de l’enfance, pour le moins ? S’il y avait réellement eu de la peur, là-bas ? S’il en restait quelques lambeaux, ici ? Encore.
Quel virus, coupable sur ma personne fragile, au pied du monde, d’un confinement si total, du plus loin que je m’en souvienne du fond du terrier creusé pour m’en garantir – un terrier en forme de maison, au bord d’autres maisons groupées en village éparpillé dans le giron de vallées en étoile mal cicatrisée, entre les montagnes, portant le nom si beau jadis de Vizentine-sur-Agne. Un village de peu, un village en mitan. Et donc me souviens de la décision prise un beau matin de ne mettre la patte et le nez hors du terrier plus qu’il soit nécessaire et vaguement vital. Autrement vital. Différemment vital.
Lire aussi cette rencontre de 2019 : Pierre Pelot : « Une vie, c’est un peu restrictif »
Dire que le confinement a commencé très tôt ne serait rien de le dire… Je suis peut-être un arbre, après tout. Une sorte d’. J’ai été semé là, roulé dans la poussière, enseveli ce qu’il fallait pour mieux fortement sortir de terre et pousser un bon coup vers le ciel, où tout se respire. Sous ce morceau de ciel coincé entre épaules et dos de montagnes pas si grandes, mais quand même montagnes, j’ai donc grandi, et ce bout de ciel est devenu immense. Et moi petit bonhomme, là-dessous, bien petit. Non, je ne suis pas un arbre. Ou si peu. Juste suffisamment pour pouvoir de là-haut regarder l’alentour proche au fil du temps grandi jusqu’à devenir immense, aussi. De l’arbre je suis resté surtout la partie enfouie, il me semble. Ce n’est pas la principale, ce n’est pas la plus importante. Mais elle vaut son pesant, néanmoins, hé !
Et les racines c’est une affaire d’ailleurs et d’autre part, d’entours et d’alentours. Je me suis planté là à l’abri du monde, sans doute. Sans doute pour m’en protéger. Et pour le regarder
Un arbre dans un terrier. Avec autant d’épines, de feuilles, que d’yeux. Une canopée de regards. C’est ici finalement la seule façon de survivre, de vivre donc.
Le confinement, vois-tu, c’est une affaire de racines.
L’échappée au grand air aussi.
Et les racines c’est une affaire d’ailleurs et d’autre part, d’entours et d’alentours. Je me suis planté là à l’abri du monde, sans doute. Sans doute pour m’en protéger. Et pour le regarder. Je l’aimais bien, le monde, j’étais content d’en être. Je suis content d’y être poussé, même si je ne le connais pas mieux qu’au premier regard, peut-être même moins bien que ce que je croyais connaître.
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