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L’EI et l’Iran, le nouvel «  axe du Mal  » de Trump

lundi 22 mai 2017

Le discours sur l’islam du président Donald Trump, dimanche 21 mai, au deuxième jour de sa visite à Riyad pour son premier déplacement à l’étranger, était très attendu. Parce qu’il répondait tout d’abord à celui qui avait été prononcé huit ans plus tôt par Barack Obama au Caire, promesse d’un « nouveau départ entre les Etats-Unis et les musulmans du monde entier » après les excès de la « guerre contre le terrorisme » consécutive au 11-Septembre.

Mais aussi parce que, dans un tout autre contexte régional, M. Trump devait répondre aux crispations entretenues par sa rhétorique de campagne, lors de la présidentielle américaine, durant laquelle il avait jugé, en mars 2016, que « l’islam nous [les Etats-Unis] hait », après avoir prôné l’interdiction d’entrée sur le sol américain aux étrangers de confession musulmane. M. Trump était enfin attendu parce qu’il a érigé en priorité la lutte contre l’organisation Etat islamique (EI).

Prononcée devant les représentants d’une cinquantaine de pays musulmans, dont près de quarante chefs d’Etat ou de gouvernement, conviés à Riyad par le roi Salman Ben Abdelaziz Al-Saoud, son intervention a été dépourvue des aspérités qu’aurait pu inspirer son conseiller stratégique Stephen Bannon, présent à ses côtés en Arabie saoudite, convaincu de la réalité d’une guerre des civilisations entre un bloc musulman et un bloc judéo-chrétien.

« Ce n’est pas une bataille entre religions […] entre civilisations, c’est une bataille entre le Bien et le Mal », a affirmé Donald Trump

Bien moins disert que M. Obama sur l’islam en général et sur sa place dans la société américaine, s’épargnant toute réflexion sur son propre rapport à cette religion, M. Trump a prononcé un discours résumant sa vision du Moyen-Orient. Il a tracé ainsi un axe du « Mal », agglomérant sous la même bannière du terrorisme à la fois celui qui est inspiré par le djihadisme de l’EI et celui qui est instrumentalisé – selon lui – par l’Iran pour parvenir à ses objectifs d’hégémonie régionale. Un axe qui peut mobiliser contre lui aussi bien les pays du Golfe qu’Israël.

Le premier constituait la cible la plus évidente de M. Trump, qui a mis ses pas dans ceux de ses prédécesseurs, le démocrate Obama comme le républicain George W. Bush, pour assurer que « chaque fois qu’un terroriste assassine un innocent en invoquant faussement le nom de Dieu, les croyants devraient se sentir insultés ». « Ce n’est pas une bataille entre religions […] entre civilisations, a assuré M. Trump, c’est une bataille entre le Bien et le Mal. »

« Chassez-les. Chassez-les de vos lieux de culte. Chassez-les de vos communautés. Chassez-les de la Terre sainte. Et chassez-les de cette terre », a martelé le locataire de la Maison Blanche. Il a assuré ses hôtes de la détermination de Washington à jouer pleinement son rôle d’allié militaire, mais après avoir rappelé « que les pays du Moyen-Orient ne peuvent attendre que la puissance américaine écrase l’ennemi pour eux », ce que disait déjà M. Obama après la mise sur pied d’une coalition internationale contre l’EI, à l’automne 2014.

Vigilance accrue

« Ils doivent décider de l’avenir qu’ils veulent pour eux-mêmes, leurs pays et leurs enfants », a poursuivi M. Trump, qui les a appelés à une vigilance accrue contre les circuits de financement occultes des réseaux djihadistes, et qui a demandé de leur part une dénonciation morale et spirituelle du terrorisme. « Les responsables religieux doivent faire en sorte que cela soit parfaitement clair, a insisté le chef d’Etat. Si vous choisissez le chemin de la terreur, votre vie sera vide, votre vie sera courte, et votre âme sera complètement condamnée. »

« Mais aucune discussion sur l’éradication de cette menace ne serait complète sans mentionner le gouvernement qui donne […] aux terroristes : l’abri sûr, le soutien financier et le statut social requis pour le recrutement. C’est un régime qui est responsable de beaucoup d’instabilité dans cette région. Je parle, bien sûr, de l’Iran », a ajouté M. Trump, effectuant un raccourci osé dans la mesure où la République islamique d’Iran est à la pointe de la lutte contre l’organisation Etat islamique en Irak.

Il faisait plutôt allusion au soutien de Téhéran à des groupes armés chiites comme le Hezbollah libanais, les milices en Irak et les rebelles houthistes au Yémen. « Du Liban à l’Irak en passant par le Yémen, l’Iran finance, arme et entraîne des terroristes, des milices et d’autres groupes terroristes, qui répandent la destruction et le chaos à travers la région », a explicité M. Trump. C’est sur ce point qu’il marque sa rupture avec son prédécesseur qui avait parié, sans jamais l’expliciter, sur l’influence modératrice de Téhéran après l’accord sur le nucléaire de juillet 2015.

L’ironie de Téhéran

Le projet d’éradication de l’EI a donc été complété par un retour à une stratégie d’endiguement de l’Iran. « En attendant que le régime iranien montre sa volonté d’être un partenaire pour la paix, toutes les nations doivent travailler ensemble pour l’isoler […] et prier pour le jour où le peuple iranien aura le gouvernement juste et droit qu’il mérite, ô combien », a affirmé M. Trump au lendemain de la réélection du président Hassan Rohani, au terme d’un scrutin certes très encadré, mais sans équivalent dans la majorité des pays présents à Riyad.

Téhéran a répondu par l’ironie : « L’Iran, qui vient de tenir de vraies élections, est attaqué par le président des Etats-Unis dans ce bastion de la démocratie et de la modération, a tweeté le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. S’agit-il de politique étrangère ou de pomper [l’argent saoudien] ? »

M. Trump, contrairement à M. Obama qui avait plaidé il y a huit ans en faveur de principes démocratiques synonymes selon lui de stabilité et pour les droits des femmes, a garanti à ses hôtes qu’il n’était pas venu à Riyad « pour donner des leçons » ou « pour dire aux autres comment vivre, ce qu’ils doivent faire, ce qu’ils doivent être, comment prier ».

« Nous sommes ici, au contraire, pour proposer un partenariat fondé sur des valeurs et des intérêts communs dans la perspective d’un meilleur avenir », a revendiqué M. Trump. Au début de son intervention, l’occupant du bureau Ovale n’avait pu s’empêcher de revenir sur les contrats « historiques » signés la veille avec l’Arabie saoudite.

L’Iran riposte en suggérant que Trump veut « pomper » l’argent de l’Arabie saoudite

Les propos de Donald Trump ont fait sortir de ses gonds le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, dimanche 21 mai. Dans un tweet, il a dénoncé les « attaques » formulées contre son pays par le président américain, suggérant que Washington voulait « pomper » l’argent de l’Arabie saoudite.

« L’Iran, qui vient d’organiser de vraies élections, est attaqué par le président des Etats-Unis dans ce bastion de la démocratie et de la modération, a-t-il écrit, en faisant référence à l’Arabie saoudite. S’agit-il de politique étrangère ou de pomper 480 milliards de dollars au roi de l’Arabie saoudite ? »


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