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Blaise Pascal : foi ou raison, comment choisir ?

lundi 23 janvier 2017

Philosophe, dévot et matheux, il soumet la raison à la croyance. Troublant. Une exposition de la BNF et un dossier du "Point" invitent à le redécouvrir.

Par Catherine Golliau

Est-il raisonnable de croire en Dieu ? Et si oui, où s’arrêtent alors les limites de la raison ? Questions étrangement actuelles qui obsèdent au XVIIe siècle un brillant jeune homme au visage triste (peut-être parce que ses portraits ont tous été faits à partir de son masque mortuaire) : Blaise Pascal (1623-1662). Un nom qui rime avec excellence, génie, mais aussi passion et foi.

Un phénomène, ce cher Blaise ! À 16 ans, il rivalise avec les plus grands mathématiciens en publiant un Essai sur les Coniques qui fera date ; à 18 ans, il conçoit la première machine à calculer pour aider son papa, chargé de percevoir l’impôt en Normandie ; à 25 ans, cet Auvergnat d’origine montre au sommet du puy de Dôme prouver l’existence du vide. Contre Aristote et Descartes. Il fréquente à Paris les grands seigneurs qu’il épate, et à 32 ans, donne une leçon de tolérance et de style à Louis XIV et aux Jésuites en publiant Les Provinciales, un brûlot rédigé sous un pseudonyme. Hymne à la liberté de penser et de croire. Il fallait oser. De cet ouvrage qui a inspiré Molière, Montesquieu et tant d’autres, Voltaire qui pourtant n’aimait guère cet auteur trop dévot à son goût, dira que c’est le « meilleur livre qui ait jamais paru en France ».
Un philosophe sans système

Blaise était un surdoué. Philosophe, mathématicien, polémiste doublé d’un entrepreneur, puisqu’il investit toute sa fortune dans l’assèchement des marais poitevins et qu’il gagne beaucoup d’argent en inventant les premiers omnibus. Pourtant, ce n’est pas pour ces talents que ce prince de l’esprit s’impose à nous. D’ailleurs, pour être franc, l’université méprise un peu cet autodidacte, qui n’a pas persévéré suffisamment dans ses travaux scientifiques pour égaler un Euler ou un Fermat, et qui, comme philosophe, n’a pas créé de système. Écrivain, il est mort trop tôt pour terminer son Apologie de la religion chrétienne. Demeuré à l’état de fragments, l’ensemble sera publié par sa famille sous le titre Pensées. Et deviendra un best-seller. Mais était-ce le texte qu’il prévoyait ? Sûrement pas.

Le pari, une martingale

Alors, pourquoi le lire aujourd’hui ? Pour plein de raisons – parce que cet homme torturé nous touche infiniment ; parce qu’il écrit remarquablement ; mais aussi parce qu’il essaie de se débattre face au dilemme « foi ou raison ». « Le cœur a ses raisons, que la raison ne peut comprendre », écrit celui pour qui le monde s’organise en trois ordres : celui, mondain, de la chair et du pouvoir, celui des savants et de la pensée rationnelle, celui du cœur, de la charité et de Dieu, nécessairement supérieur aux deux autres. Proche des jansénistes, catholiques fervents, adeptes de la pensée de saint Augustin et de sa conception de la grâce, lui, le brillant mathématicien, va poser des limites à la raison humaine, qui n’est rien selon lui devant celle de Dieu. Comment en est-il arrivé là ? À cause d’une crise mystique, dont témoigne cet étrange Mémorial, retrouvé cousu dans son manteau après sa mort. Mais aussi par le raisonnement et, affirme-t-il, le bon sens. Croire est raisonnable, d’où ce « pari », cette martingale qu’il propose dans ses Pensées à ceux qui ne croient pas : puisque le risque de croire en Dieu est nul, et celui de ne pas y croire est total, mieux vaut parier sur Dieu sans hésiter. Pragmatique. Mais en 2017, à l’heure du retour du fanatisme religieux, troublant.

Le manuscrit des Pensées à la BNF

« Moi aussi, je crois en Dieu, mais n’en menace personne », disait le vieux Descartes à un Pascal trop emporté dans la pièce de Jean-Claude Brisville Entretien entre M. Descartes et M. Pascal Jeune (1985). Dans la réalité, Blaise est tout aussi passionné, mais il ne menace pas, il démontre. Et s’il s’enflamme, ce n’est pas avec une arquebuse, mais avec une plume et de l’encre. Ce brillant sujet est trop raisonnable pour être un djihadiste. Il l’a ressenti au plus profond de lui même : la foi est un mystère dont il ne peut qu’interroger les arcanes. Pascal, le cœur et la raison : tel est le titre de l’exposition organisée par la Bibliothèque nationale de France jusqu’au 29 janvier 2017. L’occasion de voir ses principaux manuscrits, notamment celui des Pensées, ainsi que la fameuse Pascaline, sa machine à calculer. L’occasion également de découvrir sa vie, la manière dont sa famille en adoration devant son génie a commencé de construire le mythe, les raisons du développement du jansénisme dans la France du Roi-Soleil, etc. Et ses textes principaux ? Le Point vous propose de les lire, expliqués et commentés par Dominique Descotes, l’un des meilleurs spécialistes de son œuvre aujourd’hui. Pour savoir s’il faut parier... ou non.


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