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fromage râpé

mardi 20 avril 2021 par Charles

La France a refusé de participer à la création de cette compétition fondée par les plus grands clubs anglais, espagnols et italiens. L’UEFA doit présenter, lundi, sa réforme de la Ligue des champions pour contrer le projet.

Douze grands clubs européens ont lancé, lundi 19 avril, leur « Super League », une compétition privée vouée à supplanter la Ligue des champions, déclaration de guerre à laquelle l’Union européenne de football (UEFA) a promis de répliquer en excluant les équipes dissidentes et leurs joueurs.

C’est un séisme sans précédent en près de soixante-dix ans de compétitions européennes : après des décennies à agiter le spectre d’un schisme, les cadors du continent ont fini par franchir le pas avec à leur tête le Real Madrid, le FC Barcelone, Liverpool ou Manchester United, tous multiples vainqueurs de la Ligue des champions, et marques d’envergure planétaire.

Ebranlé par la pandémie de Covid-19, le sport roi en Europe voit son avenir s’inscrire en pointillé, de même que l’actuel système pyramidal de redistribution des ressources télévisuelles entre la Ligue des champions, compétition phare, et les championnats nationaux. Les clubs rebelles prétendent, semble-t-il, instaurer un controversé système de ligue quasi fermée comparable aux championnats nord-américains de basket (NBA) ou de football américain (NFL).

Une source de revenus bien supérieurs
« AC Milan, Arsenal, Atlético Madrid, Chelsea FC, FC Barcelone, Inter Milan, Juventus, Liverpool, Manchester City, Manchester United, Real Madrid et Tottenham se sont unis en tant que clubs fondateurs », peut-on lire dans un communiqué diffusé notamment par les sites internet de plusieurs clubs concernés. « La saison inaugurale (…) démarrera aussitôt que possible », poursuit le texte, sans fixer de calendrier précis.

Selon une source ayant connaissance des tractations, Bayern Munich et Paris SG ont été approchés. Mais les deux finalistes de la dernière Ligue des champions n’ont pas donné suite, ce qui a conduit l’UEFA à remercier publiquement « les clubs allemands et français » pour leur loyauté.

La nouvelle compétition, expliquent ses promoteurs, est vouée à « générer des ressources supplémentaires pour toute la pyramide du football ». « En contrepartie de leur engagement, les clubs fondateurs recevront un versement en une fois de l’ordre de 3,5 milliards d’euros destinés uniquement à des investissements en infrastructures et compenser l’impact de la crise du Covid-19 », poursuit le communiqué.

Si ce chiffre est confirmé, il suppose des revenus bien supérieurs à ceux obtenus par l’UEFA pour l’ensemble de ses compétitions de clubs (Ligue des champions, Ligue Europa et Supercoupe d’Europe), qui avaient généré 3,2 milliards d’euros de recettes TV en 2018-2019, avant une pandémie qui a fortement plombé le marché européen des droits sportifs.

Selon ses promoteurs, la « Super League » fonctionnerait sous la forme d’une saison régulière opposant vingt clubs dont quinze d’entre eux (les douze fondateurs et trois supplémentaires restant à déterminer) seraient qualifiés d’office chaque année, et cinq autres bénéficiant d’invitations « à travers un système basé sur leur performance de la saison précédente ». Au terme de cette première phase débutant au mois d’août, des playoffs de fin de saison seraient organisés jusqu’en mai pour décerner le trophée.

Les matches se tiendraient en principe en milieu de semaine, entrant en concurrence directe avec les cases réservées pour la Ligue des champions, mais pas avec les championnats nationaux traditionnellement organisés le week-end.

Menace d’exclusion
La Fédération internationale de football (FIFA) « ne peut que désapprouver une Ligue européenne fermée et dissidente », a-t-elle réagi lundi. « La FIFA veut clarifier qu’elle se positionne fermement en faveur de la solidarité dans le football et d’un modèle de redistribution équitable », écrit dans un communiqué l’instance installée à Zurich, invitant toutes les parties à « un dialogue calme, constructif et équilibré » sur le sujet.

L’UEFA, dans un communiqué cosigné par plusieurs championnats nationaux dénonçant un « projet cynique », avait prévenu dès dimanche que tout club dissident serait exclu des compétitions nationales et internationales, et que leurs joueurs ne pourraient plus jouer en équipe nationale, par exemple à l’Euro ou à la Coupe du monde. Il faudra voir si cette menace est conforme au droit européen de la concurrence, ce qui laisse présager une éventuelle bataille juridique.

L’Association européenne des clubs (ECA), dont font partie tous les cadors du football européen, a déclaré dimanche soir être également « fortement opposée à un modèle de Super League fermée » dans un communiqué publié sur son compte Twitter. Le président de la Juventus, Andrea Agnelli, a annoncé sa démission de la tête de l’ECA dans la foulée de l’annonce de cette « Super League », une compétition que son club va rejoindre.

L’UEFA se réunit en comité exécutif
Le lancement de cette épreuve intervient alors que l’UEFA a convoqué lundi son comité exécutif, à 9 heures, pour entériner une refonte de sa Ligue des champions à l’horizon 2024. Initialement, le Comité exécutif de l’instance dirigeante du football européen aurait dû valider sans trop de heurts la refonte la plus profonde de la Ligue des champions depuis vingt ans. Difficile, à présent, de savoir ce qu’il adviendra de cette réforme, bâtie en lien avec l’ECA, et censée proposer davantage de rencontres, donc de revenus, pour contenter les cadors.

Les principaux ingrédients de la réforme proposée sont connus depuis plusieurs mois : passage de 32 à 36 clubs, disparition des huit poules au profit d’un mini-championnat emprunté aux tournois d’échecs. Dans ce scénario, la France, 5e au coefficient UEFA des championnats, est censée gagner un des quatre tickets

supplémentaires, passant à au moins trois qualifiés chaque année contre au moins deux auparavant.

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« Les clubs fondateurs de la Super League pensent que les solutions proposées par les institutions ne permettent pas de résoudre les enjeux fondamentaux comme la nécessité de proposer des matchs de meilleure qualité », avancent les promoteurs du nouveau projet, promettant aussi une « Super League » féminine.

« Une honte absolue »
En attendant, les prises de positions contre cette « Super League » se sont multipliées dimanche, parmi les représentants de supporters mais aussi chez les dirigeants politiques. Le refus de la France d’y participer a été salué par l’Elysée. La présidence a ainsi fustigé un projet « menaçant le principe de solidarité et le mérite sportif » et la ministre déléguée aux sports Roxana Maracineanu a dénoncé un « club VIP de quelques puissants ».

Au Royaume-Uni, Boris Johnson a évoqué, dans un tweet un projet qui « serait très dommageable pour le football ». Pour la Premier League qui organise le très rentable et suivi Championnat d’Angleterre, « les supporters de tout club anglais et à travers l’Europe peuvent actuellement rêver que leur équipe puisse grimper au sommet et jouer contre les meilleurs clubs ». « Nous croyons que le concept de Super League détruirait ce rêve », a-t-elle estimé.

L’ancien joueur de Manchester United et ex-international anglais Gary Neville n’a pas mâché ses mots en apprenant l’existence de ce projet : « Je suis dégoûté, c’est une honte absolue, il faut reprendre le pouvoir qu’ont pris ces clubs, et cela concerne aussi mon club », a-t-il espéré.

L’organisation de l’Euro-2020 encore à préciser
Lundi, l’UEFA devra aussi trancher une question tout aussi pressante : préciser enfin l’organisation de l’Euro-2020, déjà reporté d’un an et programmé du 11 juin au 11 juillet. A moins de deux mois du tournoi, personne ne sait s’il se tiendra bien dans douze villes de douze pays différents, comme imaginé par Michel Platini lorsqu’il dirigeait l’UEFA.

Ce défi logistique, avant même la crise sanitaire, a tourné au casse-tête depuis que l’UEFA exige que chaque stade accueille du public malgré la pandémie de Covid-19, menaçant de délocaliser certaines rencontres.

L’instance a accordé un ultime délai à Dublin, Bilbao et Munich, seules villes à ne pas s’être engagées à recevoir des spectateurs, promettant « une décision finale » ce lundi sur les matches qui y étaient prévus.

A l’inverse, Budapest vise des tribunes pleines, Saint-Pétersbourg et Bakou des stades remplis à 50 %, et Amsterdam, Bucarest, Glasgow et Copenhague des jauges de « 25 à 33 % ». Rome, un temps menacée, a garanti un stade plein à « au moins 25 % » et accueillera bien le match d’ouverture Italie-Turquie le 11 juin. Londres, particulièrement attendue puisqu’elle accueille sept rencontres, prévoit « au minimum 25 % » de public pour les trois matches de poule, en espérant une « capacité supérieure » pour les demi-finales et la finale.

Le Monde avec AFP et Reuters


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