Lettre ouverte du créateur haïtien Frankétienne au président américain Donald Trump
Écrivain et artiste-peintre internationalement connu, j’ai toujours vécu avec fierté dans mon tout petit « pays de 27 000 kilomètres carrés.
Cet étrange petit pays a su écrire une Grande Histoire exceptionnelle, pathétique et sublime, au tournant du XVIIIe siècle et du XIXe siècle. Mes ancêtres, nègres esclaves, ont victorieusement affronté la redoutable armée expéditionnaire napoléonienne qui avait pour mission de rétablir la servitude dans cette portion d’île insoumise.
Terre de liberté, elle fut projetée dans la Lumière de l’Indépendance en 1804. La saison épique fulgurante ne dura que l’ « espace d’un cillement » à cause de l’assassinat du Père Fondateur, l’Empereur Jean-Jacques Dessalines. Depuis cet évènement malheureux, la fabuleuse Haïti fut plongée dans un horrible cycle de turbulences et de conflits inapaisables. Une insupportable descente aux enfers. Une succession de catastrophes mortifères. Un opéra d’apocalypse tel un chaos macabre inachevable. Un scandale lugubre destructeur nourri par l’égocentrisme des classes dirigeantes antinationales et par les interventions agressives revanchardes de nombreuses puissances colonialistes, néocolonialistes, impérialistes, hypocrites, et maîtresses du double jeu. Une politique et une diplomatie gorgées de mensonges, de cynisme, de coups bas et de trahisons.
Ces bacchanales anéantissantes s’étendirent sur plus de deux siècles jusqu’à ce qu’aujourd’hui nous soyons considérés comme un « shit hole country », tandis que nos dirigeants ont presque tous avalé ces insultes, ces injures, ces offenses, de manière passive et répugnante.
Nous ne sommes pas dans la culture du ressentiment, de la rancœur et de la haine. Nous nous sommes évertués à pardonner sans pourtant oublier les affronts.
Habitués aux malheurs, aux épreuves, aux défaites, aux tribulations, aux échecs répétitifs et aux désagréments de l’existence, nous osons dire à la kyrielle des impitoyables zotobrés : Prenez garde que notre planète ne sombre dans l’abîme et le néant, par manque de lucidité. Un déficit de générosité. Une absence d’humanisme. Une hypertrophie des réactions dominatrices et prédatrices.
Et là, nous nous permettons, Monsieur le Président Donald Trump, de te tutoyer dans un élan prophétique et métaphorique :
S’il arrive que tu tombes
Ne perds pas ton temps à te lamenter
Ne rumine pas ta chute
Ni tes fractures
Ni tes blessures !
Évacue l’orgueil, la colère et la rage.
Relève-toi vite
Pour apprendre à chevaucher ta chute !
Que ta chute devienne ton cheval
Pour franchir les fossés
Et voyager vers le futur !
Quatre années passent si vite.
Et 71 millions de votants
Peuvent bien devenir 100 millions
À l’autre versant de la chute….
Port-au-Prince, Haïti
Frankétienne
Auteur
Charles
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